"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Ce livre a pour origine une série de conférences faite par le peintre Maurice Matieu en 2007-2008 dans plusieurs villes d'Amérique Latine, à la demande du Centre francoargentin de Buenos-Aires. Il procède de la volonté de maintenir une complexité à l'intérieur même de la peinture, ce que lui permet sa formation de mathématicien.
Autobiographie par la forme retrace l'itinéraire d'un peintre qui met à l'épreuve sa capacité à écrire. Éliminant toute information anecdotique, il narre sa vie comme un récit de rencontres successives avec les formes qui constitueront son oeuvre. Le lecteur est emmené dans le rapport complexe entre les tableaux reproduits dans le livre et la pensée qui les fabrique. L'interrogation sur ce qu'est un tableau en est le fil directeur.
Ainsi le chapitre de départ, «Voir», porte sur Les Ménines de Vélasquez, soulignant que les commentaires se sont toujours intéressés au sens supposé de l'oeuvre en négligeant que cette oeuvre est d'abord peinte. Ce qui explique la difficulté auquel s'est heurté le peintre pour écrire. Ce texte écrit à la manière d'un peintre n'est pas linéaire ni explicatif. Il ne cherche pas à faire clair tout de suite, il tient le sens en réserve de la surprise. Il procède plutôt par sauts et collages, comme sur une surface, avec des ajustements et des éclaircissements qui viennent après-coup, quand le lien se fait dans l'esprit du lecteur. Il lui donne les pièces du puzzle, mais c'est à lui de faire l'assemblage pour faire surgir les figures et leur sens.
Le deuxième chapitre, «Savoir pour faire», constitue la réflexion sur la suite de Pythagore et sur les limites de la rationalité dont la pensée grecque se sert pour quantifier l'esthétisme.
Pour faire, il faut savoir que cette quantification commencée dans l'esthétique avec le principe d'harmonie et le nombre d'or s'est déplacée vers la botanique et la zoologie pour finir dans la théorie des fractales et jusqu'à l'économie.
C'est aussi le constat que l'histoire de la peinture ne peut être dissociée de l'histoire des théories de la vision. Des résultats scientifiques récents montrent que de jeunes enfants acculturés, nés avec un cristallin opaque et opérés, ne distinguent pas, la vue retrouvée, un cube d'une sphère.
Puis c'est la déconstruction des zelliges, occupation répétitive du plan qui ramène l'infini à être sous nos pieds et la prise de conscience du passage d'une représentation mentale géométrique à une représentation mentale algébrique avec son corollaire : la combinatoire. Toutes ces données construisent-elles une autre représentation de l'espace ? Quelle
place l'homme peut-il occuper dans la construction d'un nouvel espace déjà amorcée chez Matisse, Deleuze et Becket ?
Une écriture de peintre qui mêle histoire picturale et quotidienneté politique.
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