"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Cette adaptation du roman de Douglas Burroughs nous montre comment la désinformation et l'utilisation qui en ai faites peuvent avoir de graves conséquences.
A travers un récit policier mené sous fond de racisme de cette Amérique des années 30, nous suivons nos personnages principaux dans cette enquête ou journaliste et policier vont travailler main dans la main dans l'espoir de dénicher la bonne information, quitte à découvrir de terribles actes.
Grâce à des personnages attachants et charismatique mais aussi grâce à l'idée de la CBS on va aller d'indices en d'indice avec malgré une légère progression tout en gardant un suspense insoutenable.
Et que dire du travail de Pendanx qui grace à son aquarelle nous dépeint un tableau de qualité où lathmosphere anxiogène est ressenti par moment.
En bref, A fake story est un excellent Polar auteur d'un mystère qui aura retourné tout un pays !
Le 30 octobre 1938 aux Etats unis, CBS diffuse sur ses ondes radio une émission qui présente une adaptation de "La guerre des mondes" de H.G. Wells. Cette émission est quotidienne, c'est toujours une adaptation théâtrale d'une œuvre sauf que ce jour là, la pièce jouée va semer la panique un peu partout tellement cela semble vrai et surtout lorsque les auditeurs n'ont pas entendu le début de l'émission et sa présentation.
A Fake Story relate cet évènement en mélangeant enquête policière, réflexion sociale sur l'Amérique des années 30 après la crise de 29, racisme ambiant, peur de l'autre : n'importe quel autre et pouvoir des médias jusqu'à croire une annonce radiophonique, tiens, ça me rappelle une autre époque?!?!
A Fake story montre que les fausses nouvelles qui polluent actuellement nos réseaux sociaux et autres médias ne datent pas d'aujourd'hui et que l'humain reste encore très naïf et peu curieux, puisqu'il continue à prendre pour argent comptant ce qu'on lui déballe sans essayer de confronter d'autres sources d'informations.
La petite histoire dans la grande, la fiction dans le réel….Voilà des thèmes qui m’attirent. Je me suis donc tourné vers cet album, fraîchement sorti dans les bacs.
Le dessin nous immerge parfaitement dans cette Amérique profonde, fin des années 30, entre racisme latent et apparition d’un nouveau média, la radio, qui vient concurrencer la presse écrite.
Et c’est une réussite. C’est un vrai polar, une vraie enquête, un climat bien dépeint, des personnages complexes et intéressants et puis surtout un sujet qui résonne tellement avec notre présent. Il est ici bien question de notre rapport aux médias, à la vérité, à l’autre en tant que coupable désigné.
Chacun y trouvera de quoi alimenter sa réflexion….
aurent Galandon – qui ne s’intéresse pas pour la première fois aux médias comme en témoigne "Interférences" son album sur le mouvement des radios libres - avait depuis quatre ans le projet d’essayer de mettre en images le moment où Orson Welles adapte « le meilleur des mondes » de son homonyme H.G Wells sous la forme d’un faux bulletin d’information en octobre 1938 et provoque la panique en annonçant l’attaque de la terre par les Martiens. Il s’allie pour cela avec Jean-Denis Pendanx et nous propose "A fake story" aux éditions Futuropolis.
Si l’expression « fake news » a été malheureusement très popularisée ces quatre dernières années par un président américain qui l’a mise à toute les sauces, on (re) découvre grâce à cet album qu’elle date en fait de près d’un siècle. Mais le scénariste ne voulait pas se contenter de l’anecdote de la pièce radiophonique de Welles, l’un des premiers « hoaxes » (canular) de l’histoire des médias, et lui ajoute une dimension sociale et policière.
En effet, on apprend que ce fameux soir, non loin du soi-disant lieu d’atterrissage des Martiens Grover Mills, a eu lieu un crime familial : un homme paniqué à l’idée de l’invasion extraterrestre aurait décidé de tuer sa femme et son fils avant de se donner la mort. Le jeune garçon a été recueilli par un automobiliste alors qu’il errait blessé et est actuellement entre la vie et la mort. La toute jeune radio CBS qui a diffusé l’émission a une épée de Damoclès au-dessus de sa tête : si le CSA de l’époque - « la commission fédérale de communication » - a vent de cette affaire et si sa responsabilité est prouvée, il lui faudra cesser d’émettre… le vice-président de la station contacte alors leur ancien journaliste vedette, Douglas Burroughs, devenu romancier. Il le dépêche sur place pour tirer les choses au clair. Burroughs devra faire équipe avec le shérif du coin qui n’a guère envie de fouiller la vie de ses administrés et essayer de freiner au contraire Aretha Miller, jeune journaliste ambitieuse de la feuille de chou locale, et la convaincre de ne pas divulguer trop vite ses scoops…
Le lecteur est très rapidement mis dans la position de l’enquêteur et constamment invité à revenir sur ses impressions, à relier des épisodes apparemment disparates, et à effectuer finalement une relecture pour assembler les pièces du puzzle. La séquence inaugurale est très représentative du reste de la narration. On a une espèce de prologue de six pages qui montre des personnages et des lieux sans lien apparent entre eux si ce n’est la présence de postes de radios qui diffusent l’émission d’Orson Welles dont le texte est restitué dans son intégralité. Or, a posteriori, le lecteur comprend que ces longues cases « strips » qui font penser à un générique de film présentent ce qui s’est réellement passé cette nuit là de façon fragmentaire.
Le scénario est captivant ; Galandon fait monter la tension à travers le compte à rebours (l’enquêteur ne dispose que de 72 h avant que l’affaire ne soit donnée au FBI) et le huis-clos de Grover Mills. Il suscite également l’empathie du lecteur en faisant de Burroughs un être profondément humain idéaliste désabusé qui a cessé son activité de journaliste à la suite d’un événement traumatisant - que je vous laisserai découvrir- qui transforme l’album en critique sociale et sociétale. Les personnages sont tous très bien campés par le trait réaliste de Pendanx et les ambiances fort bien rendues dans les variations de sa palette chromatique. Certaines scènes sont insoutenables de cruauté par leur sens de l’ellipse et les monstres ne sont pas ceux qu’on croit… La couverture prend ainsi tout son sens : doté d’un masque à gaz, le jeune Ted ressemble à un extra-terrestre aux yeux luminescents et exorbités : ce qui devrait protéger -le masque- devient menaçant tout comme les personnes censées être piliers de l’ordre (mère, pasteur et police) peuvent se révéler complices ou prédateurs. Il y a quelque chose de pourri au royaume de Grover Mills… Dans cette vision au scalpel, loin de "l’American dream", les auteurs révèlent petit à petit les faux semblants de la société américaine. Cela nous interpelle car les thèmes évoqués (le racisme et la manipulation médiatique) sont hélas plus que jamais d’actualité. Les deux auteurs malgré une reconstitution sans faille de l’époque (ah la précision des différents postes de radio et combinés téléphoniques !), une colorisation qui rappelle souvent les premières photos couleurs, et des cadrages qui rendent hommage aux grands du photoreportage américain (Dorothea Lange, Walter Evans ou Esther Bubley entre autres) s’amusent donc à dresser des parallèles avec notre époque.
Ainsi, au premier abord, il me semblait que le protagoniste avait une ressemblance avec Laurent Galandon (sans lunettes et avec quelques années de plus) mais J-D Pendanx révèle en interview qu’il s’est inspiré pour son personnage du bédéiste Christian Cailleaux. Le héros est de toute façon apparenté au monde de la fiction : il est romancier et raconteur d’histoires. Alter ego des deux auteurs, il nous transporte dans un monde où le mensonge permet, comme le disait Welles dans F for fake, d’atteindre la vérité. Le titre complet de l’album est "A fake story d’après le roman de Douglas Burroughs". Alors qu’est-ce que désigne le « fake story » (histoire bidon) en question : l’émission de Welles ? Le battage médiatique qui a suivi et qui rendait l’émission responsable de tous les maux ? Les alibis des personnages ? l’Histoire américaine et sa pseudo égalité au temps où règnent encore ségrégation et justice à deux vitesses ? l’histoire que nous lisons adaptation supposée du roman que Burroughs aurait tiré de son enquête ? Tout cela sans doute…
Cette vertigineuse mise en abyme et également l’ajout d’une « galerie de mystifications » à la fin de l’album où Nixon, Pinochet, Brejnev côtoient la guerre du Vietnam, une élection de Miss, un film de gangsters et un concert de rock créent un parallélisme osé en soulignant que la frontière entre réel et fiction est très mince, que le politique est autant mis en scène que le divertissement, et en reprenant l’aphorisme shakespearien du théâtre du monde. Pendanx et Galandon invitent ainsi le lecteur à la vigilance et à l’esprit critique… et nous rappellent une règle de base du journalisme : toujours vérifier ses sources et les croiser !
Un album intelligent, incisif, engagé, passionnant par son habile mélange de documentaire et d’enquête policière et mis en scène de main de maître : à lire et à relire !
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