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Quatre-vingt-dix ans après, Testament of Youth de Vera Brittain, paru en Grande-Bretagne en 1933, a été traduit pour la première fois en France par Josée Kamoun et Guy Jamin pour les Éditions Viviane Hamy sous le titre Mémoires de jeunesse.
Ce best-seller plusieurs fois adapté à l'écran et encensé en son temps par Virginia Woolf, est l’un des grands classiques de la littérature anglaise du XXe siècle.
Bien qu’un peu réticente dans un premier temps à me plonger dans ce pavé de 720 pages, je n’ai à aucun moment regretté d’avoir sauté le pas, tant j’ai trouvé d’intérêt à découvrir cette autobiographie bouleversante de Vera Brittain, témoin exceptionnelle d’une génération sacrifiée, ce récit sans concession sur ce que fut le choc de la Première Guerre mondiale.
Cette jeune femme féministe, à l’esprit frondeur, née en 1893, dans un milieu aisé, revient tout d’abord sur son combat de femme et sa résolution à passer les examens d’admission à l’université d’Oxford pour étudier la littérature, malgré l’opposition de ses parents. Décidée à devenir écrivain, elle est encouragée dans son projet par son frère cadet Edward à qui elle voue une admiration sans borne et par un ami de celui-ci Roland Leighton également épris de littérature et qui deviendra son fiancé.
Quand, en août 1914, l’Angleterre entre en guerre, Edward et Roland ainsi que leurs deux amis Victor Richardson et Geoffrey Thurlow, vont s’engager très vite dans l’armée, craignant de perdre l’occasion d’y participer.
Les quatre garçons, comme on l’apprend assez rapidement, connaîtront tous un destin funeste, son premier amour, Roland, dès fin 1915. Son frère adoré, Edward, sera tué, lui, au combat en Italie, quelques mois seulement avant l’armistice.
Vera, afin de participer elle aussi aux efforts de guerre, et être au plus près des souffrances endurées par ses amis a renoncé à ses études pour s’engager comme VAD (Voluntary Aid Detachment), infirmière volontaire, à Londres, puis à Malte et en France. Affectée quelque temps au service des prisonniers allemands, cette expérience la marquera et sera une des origines de son engagement militant pour le pacifisme.
Ce sont des conditions absolument effroyables qu’elle doit affronter pour apporter des soins et apaiser les souffrances de ces jeunes soldats gravement blessés. Le froid, la boue, le manque d’hygiène, le manque de place, le manque de reconnaissance de leur dévouement seront autant de difficultés et d’obstacles que ces VAD devront surmonter et ce, pendant des années, la fin de la guerre paraissant ne jamais devoir advenir.
Dans ce récit autobiographique sans concession, écrit en 1933, Vera Brittain ne se limite pas à nous faire partager la vie insouciante des étudiants avant le début de la guerre et à nous relater ensuite de manière saisissante, cette tragédie qui a endeuillé tant de familles. Elle raconte aussi son difficile retour vers un monde et des jeunes qui n’ont rien vécu de la guerre et son retour à la vie étudiante à Oxford avec cette décision d’étudier l’histoire dans le désir de comprendre pourquoi un tel désastre avait pu se produire et faire en sorte que cela n’arrive plus à personne à l’avenir. « Je commençais déjà à suspecter qu’on avait trompé ma génération, exploité avec cynisme son courage juvénile, trahi ses idéaux ... »
Quand on sait aujourd’hui les troubles psychologiques engendrées par des situations comme celles qu’a vécues cette jeune femme au sortir de ses vingt ans, le stress enduré à savoir ses êtres les plus chers sur la ligne de front, puis d’apprendre leur perte, tout en soignant de jeunes soldats mutilés et en en accompagnant d’autres à la mort, on a de la peine à comprendre qu’aucune mesure n’ait été prise pour tenter d’aider ces personnes de retour chez elles…
L’amitié que nouera Vera avec Winifred Holiby, toutes deux désirant devenir écrivaines, l’aidera beaucoup à surmonter cette effroyable tragédie. Elle entamera alors une carrière de journaliste puis d’écrivaine tout en défendant l’urgence et la nécessité d’une paix durable devenant une pacifiste militante en œuvrant pour la Société des Nations.
Pour raconter ses Mémoires de jeunesse, l’écrivaine entremêle dans son récit des extraits de ses journaux intimes, des lettres échangées avec ceux partis au combat, des poèmes de sa composition ou écrits par son fiancé, déjà poète de talent, ou par d’autres poètes.
Ce qui m’a fascinée chez cette jeune femme, c’est également l’importance qu’avaient pour elle les paysages et la nature, sa faculté à apprécier et parfois à se souvenir des teintes chatoyantes des fleurs, à ressentir la joie et l’immense beauté d’un coucher de soleil ou à en appréhender la menace selon le cas…
Lire la suite ici : https://notre-jardin-des-livres.over-blog.com/2024/03/vera-brittain-memoires-de-jeunesse.html
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