"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Il y a 50 ans au Portugal, avec la révolution des œillets, prenait fin l’une des plus longues dictatures européennes. Ces événements qui eurent lieu en avril 1974 marquèrent la fin du régime dictatorial mis en place par António de Oliveira Salazar en 1933. Ce dernier, décédé en juillet 1970, avait été remplacé par Marcelo Caetano.
L’Estado Novo et la chape de plomb mise en place sur le pays allaient disparaître au profit d’un régime démocratique, toujours en vigueur depuis cette date.
Cette dictature, une de celles dont on parle le moins, a néanmoins trouvé sa place dans quelques bandes dessinées, parmi lesquelles Maria et Salazar de Robin Walter sortie en 2017. À l’occasion de cette commémoration, Les éditions Des Ronds dans l’O sortent une nouvelle édition de ce témoignage.
En effet, Maria existe vraiment. Elle est la personne qui travaillait chez les parents de Robin Walter quand il était enfant. Il a grandi à ses côtés et ce sont ses paroles qu’il a décidé de mettre en avant. Avec attention et beaucoup d’affection, l’auteur a écouté celle qui avait quitté le Portugal, alors qu’elle était une toute jeune maman, pour débuter avec son mari Manuel, qui l’avait précédée, une nouvelle vie dans un pays démocratique.
Avec de nombreux retours en arrière, Robin Walter présente ses propres souvenirs et les conjugue avec ceux que lui raconte Maria.
Ce récit est pour eux l’occasion d’évoquer les difficultés rencontrées, à leur arrivée en France, par celles et ceux qui avaient décidé de fuir la dictature, pour des raisons politiques et économiques.
Un témoignage direct sur les conditions de vie difficiles subies par ces familles, qui pour certaines durent “habiter” dans des bidonvilles, comme à Champigny-sur-Marne. Ce ne fut pas le cas pour Maria et sa famille.
Cet album, en noir et blanc, nous permet également de découvrir ce que fut le régime dictatorial de Salazar, qui fit du Portugal un pays appauvri et isolé. Une situation sans aucune commune mesure avec le magnifique pays que nous connaissons aujourd'hui.
Les avis sont partagés sur cet homme au parcours autant étrange qu'exceptionnel.
On peut le voir comme un criminel ou à l'inverse comme un illustre scientifique.
Quoiqu'il en soit il aura marqué l'histoire de notre planète et de la conquête de l'espace.
Le scénario de "Von Braun" de Robin Walter :
Robin Walter, après sa BD "KZ Dora" basée sur le récit de déportation de son grand père, revient avec une BD sur un des personnages les plus ambigüe de notre histoire, ayant un lien prouvé avec ce camps KZ Dora.
Il nous raconte l'histoire de cet homme dont son intelligence l'a sauvé.
Cependant l'auteur n'oublie pas...
Non, il sait très bien nous rappeler que ce cerveau de génie a eu un travers impardonnable : celui d'avoir été un Nazi !
Le récit alterne donc entre ses épisodes de gloire américaine, et son passé d'homme de guerre ignoble.
En lisant la description de son labeur pour sauver les siens, et surtout réussir à toucher les étoiles et réaliser une partie de son rêve, on a vraiment du mal à imaginer que l'individu ai pu exploiter des prisonniers de guerre et fermer les yeux sur les activités d'autres tortionnaires...
L'auteur use donc habilement des flashs back pour recadrer les lecteurs quand ils s'emballent trop à la lecture des prouesses technologiques et politiques réalisées par ce Wernher von Braun...
A travers cette biographie, nous découvrons aussi l'essor et le développement incroyable de l'aérospatiale mondiale à travers cette guerre froide américano-soviétique ou les enjeux politique étaient majeurs...
Chaque puissance devait affirmer son savoir technologique. Et quel fabuleux terrain de jeu qu'est l'espace !
Robin Walter signe donc un biopic passionnant sur un homme effroyablement ambivalent...
Cependant, peut-on lui en vouloir d'avoir senti le vent tourner et d'avoir saisi sa chance ?
Son opportunisme est-il à condamner ?
Ou bien, l'opération Paperclip des USA pour récupérer les savoirs industriels et militaires des allemands, avec son contingent d'homme de science, n'est-elle pas plus cruelle à l'égard des victimes des nazis que la fuite de ces hommes ?
En effet, se faisant, les USA ont ainsi offert une protection à cette élite devenue alors intouchable...
Cet exposé historique apporte donc son lot de questions de morale et incite ainsi le lecteur à réfléchir sur les actes de chacun et leurs conséquences.
Le dessin de Robin Walter pour "Von Braun" :
Le trait de Robin Walter est assez rude, singulier, rigide et épais, un peu à l'image de la réputation germanique...
Le style est évidement réaliste pour maintenir une rigueur relative aux faits passés.
Le découpage, majoritairement en gaufrier, vous offrira de nombreuses petites vignettes dont les arrières plans seront très souvent succincts afin que le lecteur s'attarde plus sur la narration que sur les compositions.
Les nuances de noirs, blancs et gris servent admirablement le récit historique, mais elles accentuent aussi les différentes facettes du personnage objet du biopic.
Elles illustrent donc parfaitement cette dualité entre bien et mal, entre la mise en lumière du génie scientifique et l'obscurantisme du militaire nazi.
Les expressions sont bien palpables sur les visages des protagonistes.
Les perspectives et proportions sont maitrisées et peu d'effets visuels, particulièrement discrets, pimentent l'ensemble.
Les alternances et variations de plans donnent du rythme et maintiennent le lecteur attentif à la lecture de cette longue période d'après-guerre.
Ainsi, en lisant cette biographie, on ressent bien à travers le graphisme, toute l'ambiguïté et le poids supporté sur les épaules de ce visionnaire scientifique autant du côté humain que politique.
On pourrait comparer le fait d'avoir orchestrer sa carrière de savant comme l'aurait fait un militaire de haut rang avec rigueurs, doutes, jeux d'influence, décisions et fermeté en éloignant le plus possible les côtés obscurs de sa conscience, et ne se concentrant que sur le positif.
C'est une belle réussite graphique.
Pour finir, cette BD est agrémentée d'une préface signée par Laurent Thierry docteur en histoire et historien à La Coupole, et en fin d'ouvrage de complément de biographie pour certains individus, d'un récapitulatif chronologique des faits et une postface signée de l'auteur lui-même.
Ce récit documentaire ne vous laissera certainement pas indifférent.
L’acte de capitulation du IIIe Reich fut signé le 8 mai 1945 à 23h, heure de Berlin. C’est alors que débute une course contre la montre entre les Etats-Unis et l’URSS pour récupérer les scientifiques nazis et éviter qu’ils ne tombent dans le camp adverse.
En effet, pendant la seconde guerre mondiale, de gros moyens financiers, logistiques et humains ont été mis à disposition des scientifiques allemands pour qu’ils développent les premiers missiles balistiques, les V2, dans optique de pouvoir bombarder directement l’Angleterre, qui résistait encore. La main d’œuvre des camps de concentration, particulièrement celui de Dora, fut utilisée pour la production des fusées.
Les Soviétiques et les Américains vont alors clandestinement faire venir sur leurs territoires des équipes entières de scientifiques nazis qui vont participer à la course aux étoiles, une des manifestations de la guerre froide entre les deux superpuissances.
Avec son album Von Braun, publié aux éditions Des ronds dans l’eau, Robin Walter retrace la vie de ce brillant ingénieur qui sera recruté, ainsi que nombre de ses collaborateurs, dans le cadre de l’opération Paperclip, pour travailler au sein de la Nasa, sur le programme Apollo qui enverra des hommes sur la Lune.
Un excellent documentaire qui explique comment le baron von Braun, également membre de la SS, deviendra un haut responsable des programmes de la NASA, sera naturalisé américain, vivra tranquillement avec sa famille aux Etats-Unis, et sera considéré comme un héros national.
Un scénario faisant alterner les périodes allemandes et américaines ainsi qu’un choix judicieux du noir et blanc pour les dessins, comme l’étaient à cette même époque les informations, donnent au lecteur l’impression d’entrer physiquement dans ce pan assez méconnu de l’Histoire. Une vraie réussite « historique ».
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