"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Elle était professeure remplaçante dans un lycée de Washington, et à la fin de son contrat, Rebecca se retrouve sans emploi. Elle postule alors pour un job sous-qualifié mais qu’elle va décrocher à sa grande surprise : sténo à la Maison Blanche. Chargée de suivre le Président Obama partout, d’enregistrer toutes ses interventions (interviews, conversations, conférences…), de les taper et des transmettre à la presse. Rebecca met alors le pied dans un système, l’Aile Ouest, elle va accompagner le Président à travers le monde, côtoyer tout le gratin fédéral et tomber amoureuse, d’un haut fonctionnaire, se faire des amis pour la vie et lorsque l’ère Obama sera terminée, elle, profondément démocrate, fera tout pour se faire licencier par son successeur. C’est ultra prometteur comme pitch, moi qui suis nostalgique de la série « The West Wing » (qui est d’ailleurs évoquée dans le livre), j’espérais y retrouver un peu cette atmosphère. C’est le cas, en partie seulement. Rebecca narre chronologiquement, de 2011 à janvier 2017 ses aventures professionnelles et sentimentales. Les passages les plus intéressants sont ceux qui parlent de politique, le voyage à Cuba, le voyage à Hiroshima, la campagne de réélection, la litanie terrifiante des tueries de masses aux USA, qui la bouleverse et la révolte. Son livre est l’occasion de rappeler ce que fut, politiquement, le second mandat Obama et comment il a du composer avec un Congrès et un Sénat républicain, comment il a été empêché de faire ce qu’il avait promis, au niveau de Medicare mais surtout au niveau du contrôle des armes à feu. Tous ces passages là sont pertinents et l’admiration indéniable de Rebecca pour Obama (POTUS), Michelle Obama (FLOTUS) et Joe Biden respirent la simplicité et la sincérité. Après, le roman nous apprends aussi des tas de choses sur le fonctionnement du pouvoir : ce qu’est « le Pool », ce qu’est « La Bulle », ce qu’est un « préparateur ». Il nous apprend aussi, ce que je savais déjà, que le sens de la hiérarchie aux USA est complètement différent et qu’une sténo peut faire du tapis de course aux côtés du Président qui la charrie gentiment sur sa vitesse, que n’importe quel employé de la Maison Blanche peut parler librement, jouer au basket, boire un verre avec un haut fonctionnaire sans que personne ne trouve cela étrange, déplacé ou quoi que ce soit. Ce qui déçoit un peu, je dois l’avouer, dans le livre de Rebecca Dorey-Stein, ce sont ses interminables atermoiements sentimentaux et ses sempiternelles soirées de beuverie dans les clubs branchés. Elle est avec Sam qui est souvent absent, elle l’aime mais succombe au charme de Jason, qui s’avère être un homme à femme à la fois lâche et mufle, elle n’arrive pas à arrêter cette relation hautement toxique, etc… Ca dure des pages et des pages, c’est répétitif et on sent bien avant elle que tout cela ne va nulle part ! La lecture de « Good Morning, Mr. President ! » (pas super, le titre) n’est pas désagréable mais j’avais espéré un roman plus fort, un témoignage peut-être moins centré sur elle. Elle propose là un livre bien écrit mais pas inoubliable, pour une impression finale un peu mitigée.
Rebecca Dorey-Stein (la Beck du livre) a été professeur d’anglais aux États-Unis et en Corée du Sud avant de se retrouver un peu par hasard engagée pour travailler à la Maison Blanche… Elle y restera mille huit cent vingt-cinq jours : pendant une partie de la première mandature de Barak Obama et la totalité de la seconde. Good Morning, Mr President ! veut relater cette expérience.
Avant même d’entrer dans le vif du sujet, on devine le travail qu’exerce la narratrice grâce aux «Recommandations à l’usage des futures sténos» qui précèdent le prologue. Le travail de « sténo » de Beck consiste à enregistrer les allocutions du président, et parfois de quelques autres personnages importants, certaines réunions, des communiqués, etc., puis à les retranscrire pour la presse et pour les archives. L’avant-propos (ou ce qui en tient lieu) et une citation de Hunter S. Thompson en exergue annoncent la couleur : la forme adoptée par l’auteure pour raconter à la première personne son expérience s’avère résolument subjective et les faits ont été remaniés, condensés, modifiés au besoin. Il sera d’ailleurs question de ce journalisme « gonzo » dans le texte. La division du récit en cinq actes suggère une tragédie…
C’est cependant un ton humoristique qui est adopté dès le début et qui perdure durant toute la narration. Dans un langage très familier, Beck décrit un milieu particulier, celui du personnel qui fait tourner la machine et qui côtoie de près ou de loin les grands de la politique. Elle n’aime pas le cirque washingtonien, dit-elle souvent, mais elle est vite prise dans le tourbillon et finit par se comporter comme les gens qu’elle jugeait sévèrement au début, tout en tentant de garder ses distances et d’exercer ponctuellement une forme de rébellion, par exemple, en portant une veste ou des chaussures de couleur vive quand tout le reste du personnel est vêtu de sombre...
Elle rencontre Sam (beau, athlétique, intelligent, séduisant, etc.) avec lequel elle vit une histoire d’amour sérieuse, mais qui semble épisodique tant ils sont occupés l’un et l’autre. Elle tombe aussi amoureuse de Jason qui, lui, travaille à la Maison Blanche, à un poste important, dans l’entourage immédiat d’Obama. Il est beau, athlétique, intelligent, très séduisant, etc., et déjà fiancé. Mais surtout, c’est le pire manipulateur qui soit, doublé d’un remarquable égoïste. Elle a une aventure torride, compliquée et humiliante avec cet homme plus âgé et situé bien loin au-dessus d’elle dans la hiérarchie.
Beck aura la chance d’aller dans une soixantaine de pays toujours dans la suite de POTUS (President Of United States), mais si on excepte les visites à Pétra, à Stonehenge et à La Havane, elle borne souvent ses explications à l’installation de son magnétophone, la prise de photos et de selfies avec ses potes-collègues, et les cuites dans les bars avec ses collègues-potes.
À mon avis, c’est là que le bât blesse : les tribulations amoureuses de Beck entre Sam et Jason, les jalousies entre collègues tant masculins que féminins, les innombrables cuites et les nombreuses crises de larmes prennent une trop grande place dans ce récit comme l’auteure elle-même l’avoue : « […] je regarde la pile de carnets que j’ai noircis depuis que j’ai commencé ce boulot et je me rends compte que ma propre vie ne figure que dans la marge. Sam et Jason occupent tout l’espace. » Bref, les amours de la narratrice prennent le pas sur la partie vraiment intéressante de sa vie pour la lectrice que je suis : son boulot. Je voudrais souligner aussi que les références assez nombreuses qu’elle distille çà et là sur son propre talent m’ont agacée ; elle remet quelques textes à des connaissances et à des gens occupant des postes stratégiques dans l’édition ou la politique, et tous ces gens s’extasient : elle écrit tellement bien !
Malgré ces (gros) bémols, les passages où elle développe, trop brièvement, ce qui se passe hors de sa vie privée se révèlent très intéressants, par exemple la routine à bord d’Air Force 1, le plantage catastrophique du lancement du site HealthCare.gov., les « vacances » des Obama à Martha’s Vineyard, la deuxième investiture du Président, ses réactions après l’abominable décapitation de James Foley ou lors du massacre de San Bernardino, ou encore immédiatement après l’échec des démocrates et l’élection de Trump comme nouveau POTUS.
Le dernier acte relève bien de la tragédie…
Merci au Grand Prix des lectrices de Elle et aux éditions Nil pour ce livre.
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