"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
J’ai lu ce livre en revenant de l’hosto et ma perception était altérée ou différente (je préfère).
Vincent Martin aurait agressé son supérieur hiérarchique et une plainte a été déposée contre lui. Or, il ne s’en souvient pas puisque, à la suite d’un accident, il est devenu amnésique. La seule chose dont il est sûr et certain c’est que ce même supérieur hiérarchique, après avoir poussé son collègue au suicide, l’a harcelé, dévalorisé au possible pour le pousser à démissionner (tiens, cela me remémore certains tristes évènements). Interné à la clinique Barnier, Martin avale les médicaments (beaucoup) et… un beau jour, prend la poudre d’escampette, direction un petit village côtier normand où il allait en vacances avec ses parents.
Pourquoi cette destination, je pense que son esprit endormi, brumeux n’en sait rien. Bon, le voici dans ce train où il se sent suivi. Une jeune femme l’accoste, se présentant comme son avocate. Oui, mais c’est bien sûr, il l’avait croisée à la clinique, elle était même entrée dans sa chambre.
A partir de là, j’entre dans une autre dimension, la nuit, la pluie, la brume, le voyage en train interrompu plusieurs fois, l’arrivée chez Virginie (c’est le prénom de la jeune femme)...
Là, il rencontre la sœur, Ariane, psychologue qui veut l’aider à retrouver la mémoire ou la partie qui les intéresse. Léonard, majordome qui fut au service des parents, un majordome qui est chez lui. Le frère présente quelque intérêt, un peu barré, féru d’antiquité, de brocante, il veut reconstituer le passé de Wassel. Le tout baigne dans une atmosphère de semi-obscurité, bruine, brume, comme dans le cerveau de Vincent. J’allais oublier Baraduc, le détective au service de l’avocat de la partie adverse qui les file ; cet avocat est également le futur ex-mari de Virginie (ils travaillent tous les deux dans le même cabinet).Les deux sœurs ont pris Vincent sous leur aile et veulent palier à l’injustice criante. Oui mais voilà, est-ce vraiment désintéressé ?
« Quand je fermais les yeux, je voyais Mourier dans son bureau. Mourier, « manager junior number one », c’était inscrit sur une de ses cartes… On lui avait appris à aboyer, alors il aboyait. ». Son amnésie n’a pas oublié les vexations, le harcèlement dont lui, ingénieur informatique et son collègue et ami furent victimes. Mourier ? il ne va rien lui arriver, il ne paiera pas pour le suicide de son collègue, ni pour avoir harcelé le narrateur et ils ne se rencontreront même pas. Est-ce cela la justice ?
Le narrateur passe du statut de mouche empêtrée dans la toile d’araignée à balle de flipper que s’envoie les deux avocats, les deux sœurs…
Je suis le « réveil » de Vincent, son retour au monde moins brumeux, plus concret, sans médicament
A quel moment suis-je dans la réalité ? Est-ce lors du séjour à Wassel, ou lorsque Vincent retrouve, enfin, son harceleur et une certaine lucidité ?
Tous les personnages semblent jouer un rôle ; bons ou mauvais acteurs, ils ont, pour moi un côté irréel, anachronique.
Une lecture bizarre, mais j’y étais si bien dans la toile d’araignée, à dérouler le fil ! La fin peut surprendre… ou pas. L’air de rien, Pierre Filoche tire les ficelles de ce roman gris foncé où le harcèlement est bien évoqué avec ses ravages,
Merci Serge Safran pour ce livre qui aborde le sujet du harcèlement au travail et Pierre Filoche pour la gentille dédicace ; auteur que j’ai découvert grâce à un joli roman d’apprentissage, Ce bel été 1964
Contemporain, sensible, « Harcelé » est le doigt pointé là où ça fait mal, à savoir le harcèlement en entreprise.
Vincent Martin, le harcelé dévoile devant un comité médical de la clinique Barnier par décision de justice, ce qu’il s’est réellement passé depuis sa fuite de la clinique où il devait suivre un programme de six mois de réhabilitation. Il aurait agressé son supérieur hiérarchique. Ce dernier a déposé une plainte. Seulement voilà, il ne n’en rappelle pas. Il est en plein burn out et amnésique.
« Vous étiez responsable du service technique de la société « AV-numéric » en charge des marchés commerciaux. »
« Le rapport du docteur Barnier établi après des semaines d’observation, tendrait à démontrer que ce harcèlement serait en fait le résultat de ce choc traumatique, et non pas la cause »
On ressent l’ubuesque d’une situation titanesque dont l’ingénieur informaticien est la cible.
« Qui veut noyer son chien, l’accuse de la rage » c’est ici, un procès d’intention. Vincent Martin a-t-il commis ce geste irréparable ?
Il se met à conter : lors de sa fuite, fortuitement il rencontre son avocate qui va croire en sa parole, le mettre en confiance. Elle l’invite dans son antre. D’autres protagonistes vont se glisser dans ce psychodrame. Vincent Martin poursuit tout de même avec application le traitement du docteur Mourier, tant il est sur le fil des incertitudes. L’amnésie se blesse dans ses convictions. Qu’il est-il exactement ? Lui, se rappelle les humiliations, les coups bas. Chaque jour son lot de souffrances et de contraintes. Son supérieur est bien un sadique, un homme prêt à tuer. Le mental de Vincent Martin.
« Au début on vous fait la gueule, au point que vous vous interrogez. Je n’ai pas les fringues qu’il faut ? Je n’ai pas pas frappé à la porte du bureau ? J’ai raté quoi ? À partir de là c’est foutu, le ver est dans le fruit. Vous allez chez le coiffeur, vous changez de costume, mais rien n’y fait. Forcément vous vous interrogez sur votre travail. Vous bossez deux fois plus, toujours plus vite. Vous vérifiez tout, le soir vous êtes crevé, et vous recommencez. »
Vincent Martin vit l’enfer. Sa femme le quitte. Il perd ses forces, en proie aux questionnements sur ses capacités réelles. Il devient faible et vulnérable. « Harcelé » Le radeau de Géricault. Ce roman est lucide et sociétal. Il démonte un a un les tourments d’un homme broyé par un système. Le supérieur hiérarchique ou le collègue lambda sont des armes de destruction massive.
Pierre Filoche est doué. Il tire les ficelles d’un récit éclairant sur la condition humaine et les emprises.
« L’homme est un loup pour l’homme » comme le dit si bien Thomas Hobbes.
Je ne peux vous dire le final de ce livre juste et intuitif.
Après « Ce bel été 1964 » roman sensible et existentiel, « Harcelé » est une urgence de lecture, une mise en abîme psychologique. La démonstration d’un fléau du XXIème siècle.
Chapeau bas !
Publié par les majeures éditions Serge Safran éditeur.
Dans le train qui l’amène ans le village où Pierre Esnault va assister à l’enterrement de sa tante Marie-Claire, les souvenirs affluent, ceux de l’été 1964.
Il a quinze ans, et est en vacances avec sa mère chez ses grands-parents dans un village d’Indre-et-Loire « J‘avais quinze ans et je me demandais quoi faire » Le grand-père a une petite entreprise d’électroménager qu’il gère avec son fils Bertrand, le mari de Marie-Claire.
Ah ! Marie-Claire l’aguicheuse, la coquine qu’il a surpris dans les bras de l’ouvrier… Qu’est-ce qu’elle peut l’émoustiller. Mais doit-il dire ce qu’il a vu ?
L’oncle Dédé, revenu d’Algérie cassé est mort d’un coup de chaud, d’une pneumonie, une pleurésie ?? « Je ne sais pas… Il est mort comme ça… Il avait de l’eau dans les poumons.. Comme un noyé… Il est mort noyé dans son lit... »
« Tu sais Paul, Dédé il est revenu bien faiblard d’Algérie. La guerre, ça dure longtemps après la paix. Il y en a qui continuent de mourir durant des années… La guerre, ça ferme les yeux de beaucoup, ça les ouvre à quelques uns »
Mais, au fait, c’est Marie-Claire (encore elle!!) qui lui a porté sa soupe le soir. La nuit d’avant, Pierre a rêvé de Marie Besnard et, si c’était un rêve prémonitoire, si Marie-Claire avait…
Ah ! Marie-Claire, une tante bien affriolante qui ne se cache pas de ses frasques devant ce neveu qu’elle émoustille.
Autrement, dans la maisonnée, grand branle-bas de combat, le grand-père apporte, enfin, le confort moderne à la maison. Ce sont vraiment les cordonniers les plus mal chaussés. L’été, le Comice agricole est le lieu du divertissement avec le bal et les copains qui se vantent de leurs conquêtes, de leurs proies, soit-disant, si faciles
Un seul été, avec la mort de son oncle Dédé, Marie-Claire, il passe du statut d’ado à celui d’homme. Un seul été à suffit.
Pierre Filoche ressuscite une époque révolue où nous sommes passés à l’âge de l’électro-ménager tout puissant. L’âge d’un peu plus de libertés pour les femmes rivées à leur cuisinière à bois allumée toute l’année, aux lessiveuses bouillant sur ladite cuisinière. La télé ouvre une fenêtre quelque fois incompréhensible mais si vivante.
Un livre à la fois tendre, un peu, si peu, nostalgique et tellement vrai. La sortie de la chrysalide ne se fait pas sans anicroches. Etre confronté à la vérité, la réalité du monde des adultes, leurs petits et grands secrets laisse des traces amères sur le bleu du passé.
Souvenirs, souvenirs, ritournelle de ma jeunesse qui fut celle d’une ado des années 60 et des scies (Tous les garçons et les filles de mon âge… J’y pense et puis j’oublie...) qui tournent dans ma tête depuis ! Merci Pierre Filoche
Un livre qui colle parfaitement à la ligne éditoriale des éditions Serge Safran. Merci pour ce livre plein d’humanité.
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