"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
« Cristina » la narration de la vie. L’inaugurale préface d’Alain Borer qui acclame « L’art des cris », « nous sommes dans la parole de l’enfant martyrisée, cette pâtisserie humaine qu’est l’enfant-roi dans les serres d’un prédateur... ». Un texte fontaine, jachère fleurie, charnel et enivrant. La féerie d’une écriture souveraine et perlée de pluie enfantine.
Entendre la voix de Paloma Hermine Hidalgo et s’attendre au miracle littéraire.
Il faut lire, étreindre, retenir et aimer à la folie cette toile de maître.
Le regain prend place. Vaciller sous le plein de ce livre. Une corbeille gorgée de fruits mûrs, acides et sucrés. Dans ce manichéen qui est le cercle de ses jours. L’enfance osier, qui bascule la trame vers l’infinie grandeur et le fleuve larmes, toucher et interdit.
Magnétique, hypnotique, ce livre est d’une poésie inouïe, habillée d’écume, de ravages, d’atteintes et d’attentes. Les paraboles sont des robes qui descendent sur les chevilles, le miracle des dires advient envers et contre tout. Subrepticement, le don inné d’écriture est le passage du gué. Ici, tout flambe, la passion et l’amour pour la mère, à la vie, à la mort, aux risques et souffrances. Aux tendresses-écorces où la rémanence est invitée. Les violences inoubliables, taches noires sur la pureté. Ce texte est si beau, si divin, si intrinsèque, qu’il contient à lui seul le langage-né.
Il faut connaître l’invincible, le cru, le vrai pour écrire ainsi. Sous l’épaisseur, des mirabelles à pleine main. Des larmes et la majestueuse vision de la beauté. Tout retenir. Encercler les points. Dormir dans les majuscules, ce texte vaut mille vies.
« Petite enfance, Enfance, Adolescence, Jeunesse », l’initiation d’elle, de Paloma Hermine Hidalgo.
« Mots en boutons : « Ma-man ». La parole me vient sous la voûte des fleurs ».
« Maman s’affaire au jardin, dans l’éclat d’une traîne de paon ».
« Des papillons naissent devant moi, des abeilles battent des ailes pour m’éventer ; je m’endors, mariée à ce monde d’hélices ; les mouches à miel tissent mon voile ».
Le carillon d’une enfant grandissante, dévorante et dévorée, attentive aux bruissements de l’herbe nourrie de rosée, furieuse dans les averses qui noient sa chevelure. Cercle et berceau, coquille et immensité. Elle saute dans les flaques des aspérités, d’une maisonnée où la porcelaine brisée écorche sa vulnérabilité et blesse sa confiance. Les cicatrices comme des lucioles sur sa chair.
Les métaphores et les envolées sont des éclats de larmes sur la fenêtre qui brouille ses regards. La nature encercle la trame, vivifiante, coopérante et semblable aux ressentis d’une fillette connivence et en mutation. Siamoise et le mimétisme est le rouge de ses lèvres.
« Je longe pressoir, grange, étables, écuries. Les pouliches grattent du sabot, paissent dans la sciure ; je passe les juments, leurs crinières, le feutre du cartilage ; j’ébranle la paille, bottelle, engrange le foin, coupe des brassées de fourrage. Le froment crisse en épis, l’épeautre lève sa pointe verte. La fraîcheur coule jusqu’à mes pieds. Silence des box. J’écoute le crin du bétail ».
L’intime sous le pli de la sincérité. Crépitement, requiem, feu de St Jean, ce texte est cousu d’or, délicat, et sa pudeur s’éloigne. La marée-basse des miscellanées. Atteindre le sommet de « Cristina » dans les empreintes de Paloma Hermine Hidalgo.
Rejoindre l’émancipation verbale. L’exutoire qui illumine ce renom. Comment peut-on écrire avec une telle capacité ? Où se situe l’origine ? Pour apprendre par Paloma Hermine Hidalgo, la voie de traverse ?
Ce livre est le macrocosme. Les conjugaisons comme des dentelles qui flottent dans le courant glacé. Écrire les souffrances et le martyr, en décalquant la réalité. Trait fin, et crayon de papier dont la mine ne cède rien. Tout est dit et tout est fusion verbale.
« Arrachée, la bretelle de ma robe ; dans l’échancrure, un petit pain fourré aux fraises porte des traces d’ongles ».
Ce livre hurle, et le minuscule devient pas de géant. Ce livre est un glacier. La haute montagne est son allié. Ce livre est le cœur d’une enfant qui bat la chamade. Ce livre est mère, femme, et fille.
« L’orgue de Barbarie joue. Crescendo, note au fortissimo. Maman patine, scintille sous une chapka ».
« Cristina » un edelweiss à flanc de rocher. Le triomphe, le chef-d’œuvre. La prose envoûtante, sombre et merveilleuse. Juteuse et triste, absolument passionnelle. Un livre de chevet dont on retient les murmures comme des chuchotements et les cris comme des envolées d’oiseaux migrateurs. Ce livre est une fierté éditoriale.
Précieux, il faut être attentif à son écho car il perdurera dans l’infini.
Publié par les majeures Éditions Le Réalgar.
La préface de Dominique Sampiero est merveilleusement dépliée. On ressent d’emblée une connivence. Complice de ce sublime écrin, il nous invite à franchir le seuil de la tablée des dimanches.
Il nous prévient : ce texte est grandiose. L’épure et le plein, l’inoubliable et cette liberté d’écriture qui ne cède rien.
Comme si nous avions un bandeau devant les yeux et que l’on tourne dans tous les sens. Le bandeau tombe et c’est la révélation.
Lire cette métamorphose, ce qu’un ressac a brusqué sur une mer (fille) (femme) lucide et autonome. « Ce total dépouillement si proche du rêve quand il nous recouvre, preuve de l’état d’écriture comme abandon au réel qui nous revient en pleine figure quand nous avons tout perdu, est poignant, bouleversant. C’est ce qui fait la force émouvante de ce livre ». D.S.
« Mourir. Un soir, trop rabougries pour jouer encore, les poupées montent au ciel, près de Dieu, qui les change en cristaux ». P. H. H.
La poésie, entrelacs, le désir lave de volcan, l’ardeur d’un feu qui brusque l’entendu. Paloma Hermine Hidalgo écrit comme si elle peignait le regard, le tremblant, le langage des corps qui se retournent à contre sens. Le rêve qui attise la rémanence. D’écorce elle se pare en rose. D’une rose, la voici fillette. Unique, altière, un modèle, comme une hirondelle qui migre et se pose selon ses désirs sur un nuage, une courbe, un rappel pavlovien, les sens aux aguets près à frissonner. Des voiles qui frappent au vent, dignes et souveraines, certifiées. Le blé regain et les soupirs réconciliés.
Les sensations, les pulsions comme des étoiles de mer sur son corps qui devient si transparent que ses mots sont Babel, à apprendre par cœur, cri et jouissance.
Chacun des fragments est l’éclat d’une grenade juteuse qui propulse ses graines. Ces dernières comme des retenues d’eau, essentielles et félines. Les fantasmes échappés par la grande porte, « Rien, le ciel peut-être » est inouï, sensuel et habité de détails, d’images, de métaphores. Une capacité exhaustive, prose envoûtante, une épopée draps froissés, de sucre, de miel, de cris et de larmes. La sexualité comme la pleine lune qui ne ment pas. La tombée du jour comme un nid-cocon.
Écoutez : « La lune et ses phases, les étoiles marines éprouvent dans leur chair, l’attrait de la cime et du tronc ».
La langue chante, virevolte, douce, comprise et déesse. Fresque vivante, vivifiante, ici, règne l’inné don. L’héroïsme d’écriture. « Et tu crawles, brunie, t’ensoleillant les tresses : paupière en orgasme ; lèvres fouillées du va-et-vient d’embruns ».
« Moi, mes sucs ; lèche, cœur prodigue ».
« Or c’est la loi des tribades, ma mie, que saignent plus que les pampres nos treilles de baisers ».
Femme absolue, foisonnante, luxuriante, comme du lierre suspendu à l’écho de ses lèvres.
La littérature spéculative, comme une nage dans un lac glacé. « Neige a pour corps un fruit ».
« Rien, le ciel peut-être » est dans la Sélection finale du prix Apollinaire Découverte 2023.
Les Éditions Sans Escale viennent de publier « ce magnificat brûlé d’oubli...». P. H. H.
L’auteure a bénéficié en 2021 du soutien de la Bourse Chenouard de création de poésie, remise par la SGDL, pour écrire ce livre.
Magistral.
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