"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Speak, est un roman graphique inspiré du roman autobiographique éponyme de Laurie Halse Anderson, est une oeuvre qui se démarque par son pouvoir émotionnel et sa capacité à nous faire ressentir la profondeur de la douleur et du silence. Pour moi, la sensation de solitude était importante, elle enveloppe par toute son impuissance…
L'histoire suit Melinda Sordino, une adolescente de 15 ans, qui retourne à l'école après avoir vécu un drame traumatisant. À son retour, elle est confrontée à l'isolement, à la méfiance et à la violence des autres, sans trouver une oreille attentive, une présence réconfortante. Elle est devenue une paria, coupée de ses amies et incapable de communiquer ce qui lui est arrivé.
Le récit, magnifiquement illustré par Emily Carroll, plonge dans l'univers sombre et complexe de Melinda. Les illustrations en noir et blanc captent parfaitement les émotions et l'atmosphère lourde qui règne tout au long de l'histoire. le silence de Melinda devient palpable à travers les images, tout comme sa lutte intérieure pour trouver sa voix. Et qu'il est difficile de voir ces mots qui sont coincés trouver leur chemin ?
Ce roman graphique aborde des sujets difficiles, notamment le silence après un traumatisme, le harcèlement scolaire, et ce chemin si difficile vers un mieux, car il est difficile de parler de guérison. Il met en lumière la douleur que ressentent les victimes de violence et le courage qu'il faut pour sortir du silence et se reconstruire. Ce qu'il met aussi en exergue, c'est la difficulté de dire, certes, mais aussi à qui le dire. Tout le monde ne peut pas entendre cette dureté, et cela est compréhensif, mais de là à être aussi prompt au jugement ?
L'adaptation en roman graphique ajoute une dimension visuelle puissante à l'histoire déjà poignante. Les illustrations d'Emily Carroll rendent tangibles la solitude, la confusion et la colère de Melinda, ainsi que sa résilience naissante. La narration graphique nous emmène dans le monde intérieur de Melinda d'une manière que le texte seul ne pourrait pas accomplir. Je parle de la victime, mais l'agresseur rôde toujours, elle le voit, le côtoie, ce qui augmente cette sensation d'isolement…
Speak est d'une grande importance, en particulier pour les adolescents. Il offre une perspective précieuse sur les conséquences du silence et du traumatisme, tout en montrant la voie d'un mieux et de la rédemption. C'est une lecture émotionnelle et bouleversante qui nous rappelle l'importance d'écouter et de soutenir ceux qui souffrent en silence.
En bref : Speak est bien plus qu'un roman graphique. C'est une expérience immersive qui peut ouvrir des discussions cruciales sur des sujets difficiles et inspirer l'empathie, la compréhension et la compassion. Une lecture incontournable, Speak nous rappelle la puissance de la parole et l'importance de se soutenir mutuellement dans les moments les plus sombres.
Lorsque les mots blessent, que la réalité est trop difficile à supporter, la parole se tarit, parler devient alors impossible.
Une jeune fille victime d'un drame retourne en cours à la rentrée suivante, sauf que tout le monde lui reproche son comportement depuis ce fameux soir et lui tourne le dos….
Les amies ne sont plus, la confiance perdue, les notes en berne, la solitude une chape de plomb… Et la voici victime de violence scolaire, un harcèlement insupportable quand on est déjà si intimement traumatisée.
Ses parents sont dans l'incompréhension totale, d'autant qu'elle n'a rien dit à personne, gardant pour elle la violence et la culpabilité, sans recul, doublement punie.
Que se passe-t-il ? Que lui est-il arrivé ? Et pourquoi a-t-elle changé si brutalement ? Comment peut-elle se reconstruire ?
Impossible, les mots ne passent plus, le silence est sans doute un stratagème de son esprit pour éviter de se replonger dans l'horreur de cette soirée…
Cette BD d'Emily Carroll apporte un regard de l'intérieur, avec la mue de Mélinda et ses réflexions personnelles sur son quotidien de lycéenne. C'est évidemment puissant et révoltant !
D'autant que l'histoire est inspirée du roman autobiographique de Laurie Halse Anderson qui a subi un viol à l'âge de 13 ans (un film indépendant est également sorti en 2004…). Le roman est disponible sous le titre Vous parler de ça aux Éditions Monsieur Toussaint Louverture.
Il faut savoir que Laurie Halse Anderson écrit principalement pour la jeunesse, elle a donc une façon d'écrire qui impacte les adolescents.
J'espère qu'ils sont et seront nombreux à lire cet album ou le roman car cela pourrait les aider à appréhender ces situations pour eux-mêmes ou les autres et leur donner des clés pour agir…
Cette bd m'a vraiment bousculée…
Ce roman graphique est présenté comme une histoire autour du viol et ce n’est pas tant le coeur de l’histoire ce qui peut décevoir le lecteur.
En revanche, si on aborde le livre différemment, du point de vue de la dépression, là on peut l’apprécier. Ca a été mon cas.
Mélinda à la fin de l’été va à une soirée, juste avant sa rentrée au lycée, et ça se passe mal mais sans qu’on sache pourquoi. Ce qui s’est passé sera révélé assez loin dans le récit. Je pensais qu’on serait avec une histoire tournée autour du drame et des conséquences mais en fait pas du tout. Le coeur de l’histoire est l’entrée au lycée de Mélinda, comment elle va vivre avec le fait qu’elle n’a rien dit et comme elle vit avec ce sentiment horrible et son incapacité à parler qui prend de plus en plus de place. Rentrer au lycée quand on ne parle pas ou a peine c’est critique pour s’intégrer. On suit une gamine en pleine dépression pendant son année scolaire. Elle est renfermée, elle subit sa vie et c’est très bien illustré. On a une succession de petites scènes du quotidien qui s’enchainent, sans logique, sans transition. Elle ne les vit pas vraiment, elle se laisse porter et est spectateur de sa vie. On la suit au fond du gouffre, à subir un quotidien sans espoir que ça aille mieux. C’est un traitement de la dépression que j’ai trouvé pertinent, juste et fort. On a le fait que comme elle ne fait pas de , elle passe inaperçu auprès des adultes et n’obtient donc pas d’aide. Ses parents sont à l’ouest et débordés. Ils confondent mal-être et crise d’adolescence. Ils ne la voient pas évoluer et le peu de fois où ils tentent quelque chose avec leurs gros sabots, elle est tellement mal qu’ils se prennent un mur de vide avec zéro réponse. Malgré cela, ils ne poussent pas l’investigation et se voilent la face. Le choix du noir et blanc pour les illustrations est puissant et sert vraiment le récit.
Si vous voulez un traitement du viol, vous risquez d’être déçu, c’est peu présent en revanche si vous voulez lire un traitement intelligent du brouillard, de tout ce qui tourne autour d’une dépression et de la façon d’avoir des pistes pour aller mieux, lisez-le il est vraiment intéressant.
Mon père ce héros
Je ne lis pas de littérature young adulte mais pour le challenge #varionsleseditions (challenge lancé sur Instagram) j'ai plongé dans le catalogue des Éditions de la Belle Colère et, ô surprise, tous les titres me faisaient envie. Il faut dire que la majorité des romans proposés sont américains et que leur ligne éditoriale n'est pas de publier des livres pour adolescents mais plutôt de faire découvrir des textes dont les héros sont des adolescents.
« L'adolescence est un âge de bruit et de fureur, de violence et de sexe, d'exaltation et de dépression, d'amour et de colère. En bref, un âge éminemment littéraire. Les grands romans qui balisent sa géographie ont en commun d'avoir été écrits avec l'ambition d'être de grands romans, et non des romans « pour ». Pensez à Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur, Les Aventures de Huckleberry Finn, La Vie devant soi ou, plus récemment, le Bizarre Incident du chien avant la nuit. »
Ma mémoire est un couteau s'inscrit totalement dans cette ambition.
Hayley Kincaid a passé les cinq dernières années sur la route avec son père, Andy, vétéran de guerre. Ils ne sont jamais resté longtemps au même endroit, pour tenter d'échapper aux démons qui torturaient Andy depuis son retour d'Irak.
Quand le père décide qu'ils doivent retourner dans sa ville natale pour que Hayley commence une vie ordinaire, tout semble rentrer à la normale dans la vie de cette ado.
Un lycée normal, une maison normale, des amis normaux....sauf que rien dans la vie d'Hayley n'est normal. Sûrement pas le syndrome de stress post-traumatique d'Andy qui le tourmente, le fait hurler dans son sommeil, le plonge dans l'alcool et la drogue. Pas plus Gracie, sa meilleure amie qui souffre de problèmes de famille, ni Finn, le beau gosse au sourire désarmant qui lui aussi cache des secrets.
Père et fille parviendront-ils à se poser, à tenir à distance le passé et à panser leurs blessures ?
La narration de Hayley, protagoniste à la voix empreinte de cynisme, rend ce livre particulièrement poignant.
Car c'est bien elle qui porte tout. Ses épaules et son courage sont énormes. L'enfant devient le parent et le parent l'enfant.
En choisissant de parler des SPT à travers les yeux d'une adolescente, Laurie Halse Anderson réalise un très joli roman, sensible et juste qui, effectivement, n'est pas un simple roman young adult.
Traduit par Marie de Prémonville
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