Passionné(e) de lecture ? Inscrivez-vous gratuitement ou connectez-vous pour rejoindre la communauté et bénéficier de toutes les fonctionnalités du site !  

Joy Sorman

Joy Sorman
Née en 1973, Joy Sorman est l'autrice d'une dizaine de romans parmi lesquels, aux éditions Gallimard, Boys, boys, boys (prix de Flore 2005), Comme une bête (choix Goncourt de la Pologne, prix François Mauriac de l'Académie française 2012), La Peau de l'ours (prix Marguerite Puhl-Demange 201... Voir plus
Née en 1973, Joy Sorman est l'autrice d'une dizaine de romans parmi lesquels, aux éditions Gallimard, Boys, boys, boys (prix de Flore 2005), Comme une bête (choix Goncourt de la Pologne, prix François Mauriac de l'Académie française 2012), La Peau de l'ours (prix Marguerite Puhl-Demange 2015) et, au Seuil, Sciences de la vie (2017). En 2021 elle publie À la folie chez Flammarion, qui est un grand succès critique et public.

Avis sur cet auteur (39)

  • add_box
    Couverture du livre « Le témoin » de Joy Sorman aux éditions Flammarion

    clesbibliofeel sur Le témoin de Joy Sorman

    Bart, employé administratif et comptable d’un organisme public accueillant des demandeurs d’emploi, est licencié brutalement lors d’une réduction d’effectif. De son poste il avait pu observer de multiples scènes de détresse. Il se sent victime de l’arbitraire et se donne pour but de voir par...
    Voir plus

    Bart, employé administratif et comptable d’un organisme public accueillant des demandeurs d’emploi, est licencié brutalement lors d’une réduction d’effectif. De son poste il avait pu observer de multiples scènes de détresse. Il se sent victime de l’arbitraire et se donne pour but de voir par lui-même comment fonctionne la justice. Il a mis dans sa mallette, vêtements de rechange, nécessaire de toilette et lampe frontale. Le studio est quitté sans regrets, sans prévenir qui que ce soit. Il a laissé sa radio, il a abandonné ses livres (quelques classiques, une biographie d’astronaute et un essai sur l’intelligence des animaux...) C’est ainsi qu’il se rend à l'imposant bâtiment du tribunal, au cœur de la ville, à quelques centaines de mètres de là.

    Cela m’a rappelé la collection Ma nuit au musée des éditions Stock, collection que j’apprécie beaucoup. La démarche est plus radicale ici, ce n’est pas pour une seule nuit de lit de camp et d’inconfort. Bart n’a aucunement l’intention de revenir, de témoigner, d’ailleurs personne ne lui a jamais demandé son avis. C’est un solitaire sans histoire, sans passé, et maintenant sans avenir… et un personnage de fiction marquant.

    Au tribunal, il navigue le jour entre la salle des pas perdus, la cafétéria, les salles des audiences. Il ne dit rien, ne se fait pas remarquer. Sa tenue, costume commun et aspect banal, lui assure discrétion et quasi-invisibilité. Il observe, écoute les gardiens, les familles avant de comparaître, détaille le décorum, la fatigue des juges, il s’étonne dans une révolte muette. A la nuit, il trouve une cache dans un plafond.

    Les paroles des débats sont habituellement toutes consignées dans les procès, ce qui n’est pas le cas des expressions des juges, des assesseurs, des experts, des avocats, ni de celles des prévenus et de tout le public. Ce sont elles (expressions, attitudes...) qui sont ajoutées scrupuleusement ici et cela fait sens, éclaire les enjeux (et les biais de justice), peut-être plus que les débats eux-mêmes. J’ai été frappé par le rapport des corps avec les vêtements, reflet des humeurs et véritables cartes d’identité des protagonistes.

    Chaque jour Bart fait son programme, choisissant une séance devant l’écran des audiences (quelquefois au hasard) : mineurs et affaires familiales, comparutions immédiates, tribunal correctionnel, infractions liées au terrorisme… Il fait ainsi le lien avec son ancien travail auprès des demandeurs d’emploi, remarquant que ceux-ci ont plus de risque de se retrouver du mauvais côté.

    Pour écrire Le Témoin, Joy Sorman a assisté aux audiences de nombreuses chambres au cœur du nouveau tribunal de Paris dans le 17e arrondissement. Elle y a imaginé son personnage, Bart prend vie à travers son regard pour une efficacité décuplée des retranscriptions d'audiences, permettant d’interroger en profondeur le réel à partir de ce qu’elle a vu et entendu.

    La qualité de l’écriture participe grandement à la réussite du roman… On a là un bel exemple d’intertextualité (le fait de s’approprier, reprendre, développer une œuvre précédente), Bart m’évoquant immédiatement Bartleby le scribe, avec son célèbre j’aimerais mieux pas... « I would prefer not to... » de la nouvelle d’Hermann Melville « Bartleby, the Scrivener : A Story of Wall-Street ». Bartleby finissait par vivre jour et nuit au bureau. Bart lui s’installe définitivement dans les locaux du tribunal. Même subversion du refus, même révolte pathétique, même négation muette des piliers idéologiques et matériels jugés hypocrites et souvent injustes par Bart. C’est un des piliers de l’État, la Justice, qui est visé ici, sommée de juger des intentions et non des faits, perdue dans le brouillard de la peur, manquant de moyens. Bart est un Ulysse moderne, ou un sdf qui s’est donné une mission d’observation, ou encore un moine laïc ayant fait vœux de silence, observant magistrats, jurés et prévenus au plus près.

    La petite musique d’écriture est efficace, on est dans les pas de Bart, dans son regard sans illusions, dans son étonnement silencieux, dessinant dans la précision des tableaux vivants, des dessins des personnages dans l’enceinte de procès qui s’animent sous les yeux des lecteurs :

    Joy Sorman est l’auteure d’une dizaine de romans. Pour son précédent livre, « À la folie », elle s’était rendue pendant toute une année au pavillon d'un hôpital psychiatrique et y avait recueilli les paroles de ceux que l’on dit fous et de leurs soignants. « Le témoin » est un formidable sujet, très original, qui tient toutes ses promesses. Le sujet m’a plu, elle interroge la justice, son exercice, nous renvoie à juste titre à notre responsabilité collective en la matière. On imagine parfaitement ce citoyen clandestin au cœur du tribunal, à tel point que ce pourrait être un bon scénario de film... Elle a parmi ces nombreux ouvrages des collaborations avec François Bégaudeau et Maylis de Kerangal, ce qui me donne envie de revenir vers elle rapidement.

  • add_box
    Couverture du livre « Seyvoz » de Maylis De Kerangal et Joy Sorman aux éditions Inculte

    Florence Mur sur Seyvoz de Maylis De Kerangal - Joy Sorman

    Seyvoz. Le nom du plus grand barrage hydro-électrique des Alpes, mais avant cela, jusqu'aux années 50, le nom d'un village, désormais englouti sous les eaux, sacrifié sur l'autel de la modernité.
    C'est ici que Tomi Motz, ingénieur parisien, est dépêché par son supérieur pour venir superviser...
    Voir plus

    Seyvoz. Le nom du plus grand barrage hydro-électrique des Alpes, mais avant cela, jusqu'aux années 50, le nom d'un village, désormais englouti sous les eaux, sacrifié sur l'autel de la modernité.
    C'est ici que Tomi Motz, ingénieur parisien, est dépêché par son supérieur pour venir superviser des travaux de contrôle. Mais à son arrivée, le technicien censé l'accueillir est absent et c'est donc seul qu'il va se rendre sur les lieux. Récit de quatre jours où il va arpenter les lieux, comme attiré par une force magnétique qui le lie à ce endroit majestueux, quatre jours où il va être en proie à des troubles sensoriels et psychiques étranges, l'éloignant de la réalité. Et chaque jour, le récit est interrompu par des bribes du passé qui nous conte le récit des derniers jours de ce village, entre colère et résignation.
    .
    J'avais manqué ce roman à sa sortie et je suis heureuse que sa parution en poche lui donne une nouvelle visibilité. Ecrit à quatre mains, il alterne les temporalités comme il alterne entre passé documenté et présent fantasmé. Cette alternance souligne aussi la totale opposition entre cet avant et cet après.  Le silence de la montagne qui succède au refrain des trois cloches de l'église. Le froid, le vide et la minéralité du béton qui répondent au vide laissé par les générations d'habitants, contraints d’abandonner leur vie. L'aspect menaçant de cette eau "opaque", "liquide épais" à la "luisance mate" qui s'oppose aux derniers instants de vie de ce village, tel ce mariage célébré quelques jours avant la mise en eau. J’ai été touchée par la façon dont le duo d'autrice décrit l'impuissance de ces villageois, leur détresse et leur colère mais aussi le sacrifice de ces ouvriers, qui dans des conditions dantesques contribueront à la construction de ce monstre qui engloutira 52 d'entre eux. Elles content aussi avec force détail la modernité agressive de cette centrale dont les pylônes "colonisent le paysage", rendant ce paysage majestueux austère, voire hostile.
    Si j'ai beaucoup aimé le récit des derniers jours de ce village, j'ai moins accroché au récit de ce présent qui frise avec le surnaturel.
    Peut-être parce qu'ayant grandi au plus près de la montagne, j'ai du mal à y voir autre chose que de la beauté. Peut-être parce que je suis plus sensible au réalisme qu'au fantastique.
    Une histoire néanmoins fascinante que j’aurais aimé peut être un peu plus longue.

  • add_box
    Couverture du livre « Le témoin » de Joy Sorman aux éditions Flammarion

    Spitfire89 sur Le témoin de Joy Sorman

    Joy Sorman explore dans une fiction le fonctionnement du tribunal avec Bart (Bartleby) un observateur clandestin analysant, famille, avocat, juge, plaignant et défendeur.
    Une autopsie passionnante et intelligente de notre système judicaire. Entre égarement des uns et agacement voir arrogance...
    Voir plus

    Joy Sorman explore dans une fiction le fonctionnement du tribunal avec Bart (Bartleby) un observateur clandestin analysant, famille, avocat, juge, plaignant et défendeur.
    Une autopsie passionnante et intelligente de notre système judicaire. Entre égarement des uns et agacement voir arrogance des autres. L’abattage des comparutions immédiates tel un abattoir des animaux. Un texte politique et des différentes classes sociales qui se croisent.

  • add_box
    Couverture du livre « Le témoin » de Joy Sorman aux éditions Flammarion

    Jerusalem Christine sur Le témoin de Joy Sorman

    Je suis un tout petit peu déçue par ce livre, après avoir adoré "A la folie". Peut-être parce que les conditions d'écriture ne pouvaient pas être les mêmes, puisque l'immersion dans un tribunal n'est pas celle que l'on trouve dans un hôpital psy (dialogue avec les patients, les soignants, les...
    Voir plus

    Je suis un tout petit peu déçue par ce livre, après avoir adoré "A la folie". Peut-être parce que les conditions d'écriture ne pouvaient pas être les mêmes, puisque l'immersion dans un tribunal n'est pas celle que l'on trouve dans un hôpital psy (dialogue avec les patients, les soignants, les agents d'entretien). Il n'en reste pas moins que ce roman dresse un portrait éclairant du système judiciaire en insistant notamment sur la dimension essentielle de la parole : elle manque aux accusés (l'absence de maîtrise de la langue est terrible) et elle souvent obscure (le jargon administratif !) et remplie de morgue du côté des juges.
    Mais la lecture vaut le coup !