"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Je suis sûr qu'après avoir lu ce livre vous ne verrez plus votre morceau de viande , qui trône au milieu de votre assiette à côté de quelques malheureux haricots verts , de la même manière .
Hyacinthe Kergourlé est un miraculé , sorti indemne de sa tranchée à Verdun , protégé par le monticule de cadavres de ses camarades de la 22ème division d'infanterie . Mais à quel prix ? Quand la mort vous a frôlé de si près , quand autant de corps massacrés et démantibulés vous entourent , quand l'empuantissement de la pourriture envahit vos sens , quand un silence assourdissant remplace le bruit des obus et les cris de douleurs de vos compagnons d'infortune , que de reste-t-il de votre raison ?
La ”grande guerre” , une boucherie à ciel ouvert , où pour tenter de survivre Hyacinthe , va devoir dévorer des rats avant de dévorer ses congénères …
La frontière sans retour de l'ignominie est alors franchie . L'âme du breton est à jamais maudite . Toute rédemption semble alors impossible . Une malédiction que Yiacinthe portera sur ses épaules comme un lourd fardeau jusqu'à son trépas .
C'est dur .C'est cru . C'est dérangeant voire écœurant . Mais c'est d'un réalisme bluffant .
La plume de Gildas Guyot nous décrit avec finesse et des mots choisis , le parcours de ce personnage touché dans son corps et dans son esprit .Un imposteur pour lui-même mais un héros pour les autres . Un trompe-la-mort qui cherche à la narguer jusqu'au bout . Dont la vie , après cette guerre , est remplie d'excès , d'errances et d'actes méprisables . Il prend mais donne peu . Incapable de partager un quelconque sentiment avec quelqu'un , lui qui n'a aucune considération pour lui-même . Capable d'humour grinçant envers ses semblables , il ne s'apitoie pas sur son sort mais accepte la fatalité de son sort .
Une fresque d'une extrême noirceur , un personnage emplie d'une ironie destructrice que le style lumineux de l'auteur parvient , malgré tout , à contrebalancer , et nous faire comprendre , à défaut d'accepter , la volonté finale d'auto destruction et d'annihilation de toute empathie .
Deuxième roman de Gildas Guyot après Le goût de la viande. Très différent. Plus classique. Roman initiatique et de transmission d'une culture oubliée, phagocytée par la vie à l'américaine, d'un grand-père à son petit-fils.
C'est très bien écrit, l'auteur usant de différents niveaux de langage dans une même phrase : des mots peu usités parfois désuets accolés à des tournures familières ou courantes. Si certains passages peuvent paraître longuets, les suivants font regretter d'avoir douté tant ils sont beaux. Il en est ainsi d'un monologue d'Ati expliquant à son petit-fils l'arrivée de l'homme blanc dans son village inuit, et comment encore une fois cet homme blanc a perverti les locaux, les a soudoyés à coup d'alcool et de cigarettes, leur faisant miroiter les bienfaits de sa civilisation "... Vois-tu gamin, quand j'étais jeune, mon père m'apprit tout ce que je devais savoir pour mériter ma place, pour pouvoir survivre et faire survivre ma famille sur ces terres gelées. Il m'apprit à pêcher, à chasser, à monter une tente. A pêcher et à chasser et à construire un feu. Ah ça oui. Mais il m'apprit aussi que je devais me méfier de l'homme blanc, de celui qui débarquait avec sa croyance, son fusil... sa croyance, son fusil et ses alcools..." (p.136)
Deux héros attachants, qui, lorsqu'on se demande où l'auteur veut nous emmener, nous accompagnant doucement mais sûrement dans leur voyage sur la route 66.
Certains romans vous font de l'effet en les lisant, effet qui s'estompe plus ou moins rapidement après lecture. D'autres vous font de l'effet en les lisant, effet qui perdure longtemps, voire très longtemps. Ce roman de Gildas Guyot ne m'a pas fait un effet foudroyant pendant ma lecture, même si certaines pages ainsi que je l'exprimais plus haut m'ont touché, mais à peine fini et posé, il continuait à vivre en moi et je pense qu'il est de ces romans qui ne s'effaceront pas de sitôt. Seth et Ati comptent. Quant à la signification du titre, je laisse le soin à l'auteur de l'expliquer, à sa manière, dans les dernières pages.
Narré à la première personne du singulier, Gildas GUYOT relate le retour à la vie de Hyacinthe Kergoulé, jeune appelé de la première guerre mondiale. Rescapé des tranchés de Verdun, son existence va être complétement bouleversée par cette expérience traumatisante et marquante à jamais.
En public, son image est conforme aux attentes de ses pairs, mais dans l’ombre, son appétence carnivore se réveille.
L’auteur nous propose un roman bien sombre, chronique de la vie de Hyacinthe sur près de 60 années. L’odeur du sang, le goût de la chair, la cohabitation avec les rats sur les champs de bataille changeront à jamais l’image que Hyacinthe à sur sa propre personne. Ce livre fait réfléchir sur les conséquences post-traumatiques de telles expériences et des névroses consécutives. Peut-on réellement un jour réintégrer une vie décente ?
Une très belle écriture qui saura jouer avec l’ensemble des 5 sens du lecteur. Un roman riche en détails crus qui pourra (peut-être) en déranger certains.
Comment dire que ce roman est d'une part formidable et d'autre part ultra original et troublant voire par moments dérangeant ? C'est cru, violent, ironique, dur, l'humour est -pléonastiquement, comme disait P. Desproges- noir, très noir, désespéré, désabusé. Néanmoins et aussi dérangeant et dans certains -rares- passages difficile à lire soit-il, il n'est pas de ces livres qui dépriment ou mettent le blues pour le reste de la journée. Gildas Guyot réussit le tour de force de parler d'un homme détruit qui tente de passer outre ses démons pour vivre, qui parfois n'y parvient pas, qui donc vit des choses violentes, sans jamais plomber son roman. C'est le ton adopté entre gravité et humour, toujours au détour d'une phrase un peu dure, un mot, une expression qui force le sourire et détend un peu l'ambiance. "Physiquement, et en dehors de mes désordres digestifs, je reprenais du poil de la bête. La mort m'évitait à un point tel que le doute n'était plus possible quant à ses intentions de me nuire." (p.49), ou encore cet extrait que j'aime beaucoup, s'agissant des débuts de la seconde guerre mondiale (mais qu'on peut sans doute élargir) : "Heureusement, il est une tradition dans ce pays qui consiste à remplacer un incompétent par un irresponsable et en juin 40, Reynaud démissionna pour que Pétain le supplante." (p.176)
Dans l'écriture de Gildas Guyot, tous les mots comptent et il est souvent utile de lire entre les lignes ou entre les mots pour saisir encore mieux les double-sens ou les appuis fins, des sortes d'images subliminales. C'est très bien vu et très maîtrisé, surtout pour un premier roman.
Je me suis régalé dans ce roman très inventif, glauque et noir, avec cet homme franchement bizarre, intérieurement torturé, un personnage original et fort comme on en voit peu en littérature, de ceux qui marquent. Ajoutons une écriture particulièrement soignée, travaillée pour que chaque mot ait un sens -voire un double-sens- et alors vous aurez en mains -parce que ce sera inévitable- un véritable coup de coeur.
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