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Dans son contexte, le roman de Galien Sarde parle de notre futur si rien n'est fait pour limiter notre impact sur la planète, il est l'un de ces romans SF que l'on n'a pas envie de voir se réaliser, mais qui le pourraient tout à fait : "Des hommes y ont vécu, dans ces villes, là comme ailleurs, avec cour ou jardin privé, il existait alors plusieurs firmes, plusieurs marques et plusieurs filières, le monde était encore grand ouvert, qu'irriguaient des réseaux, avant qu'on ne le rétracte, par faiblesse et affiliation -c'était l'époque des fleuves et des mers, des vagues et des icebergs, dont l'épuisement fut précipité par des choix coupables et une sécheresse historique : plus d'un an sans précipitations sur la majeure partie du monde, l'eau venant soudain à manquer, refusant de tomber du ciel dans un déluge inversé, engendrant le pire." (p.14/15) Et dans ce contexte angoissant parce que réalisable, il met deux jeunes gens sur la route pour une vie meilleure. Théo, qui subit plus qu'il ne vit sa fuite : il suit Mat, s'abrutit de haschich. Il n'est pas habitué à une sorte de liberté fût-elle avec le risque de se faire reprendre par la Milice. Et Mat qui a tout organisé, qui mène le duo et conduit la voiture, qui tient à cette évasion et veut absolument voir l'océan.
Superbement écrit avec de longues phrases, très ponctuées, des mots rares ou inattendus : "Avec des clients, je jouais aux dés et fumais pour lasser le temps, déliant au mieux leurs humeurs, déjeunais sur le pouce, buvais des cafés, dormais debout, en corybante." (p.88), dans cette phrase, je ne m'attendais pas à "lasser le temps" ni à "corybante" (prêtre phrygien de Cybèle, pratiquant des danses extatiques selon le Larousse). Galien Sarde use d'autres vocables dont je ne sais s'ils existent réellement ou s'il néologise : "Mes doigts sont engourdis, mon esprit se disperse -ma tempe fulgure de nouveau." (p.42/43), "Quoi qu'il en soit, la vue de ce site en plein désert est pour nous franchement sidérante, effrène notre imagination sans borne..." (p.42) ou des images (ou figures de style qui ont sûrement un nom précis) : "Je n'intervenais pas, j'écoutais, transporté. Mon verre avait un goût de foudre, tout un monde de possibles affluait, qui me traversait." (p.53).
Tout cela fait de ce roman un texte fin, littéraire, d'une écriture soignée qui sonne délicatement à l'oreille. Une formidable histoire, un road-trip -en bon français- ou une odyssée onirique, avec des héros en pleines interrogations qui fuient une vie morne et étroitement surveillée pour une vie autrement plus libre mais avec de gros risques. Ce premier roman de Galien Sarde est une réussite, comme l'est son deuxième récemment lu et chroniqué : Trafic.
Court roman extrêmement bien écrit. De superbes phrases, élégamment tournées, qui, m'ont beaucoup plu. Parfois courtes, souvent longues comme celle-ci : "A la sortie du terminal, ils louèrent une voiture dans une agence concurrencée par d'autres à bout portant, une Chrysler, à bord de laquelle ils traversèrent une bonne partie de la nouvelle ville, toute en hauteur, mirage gris-vert, avant de déposer leurs bagages dans un hôtel bien placé mais mollement sordide, interlope -un jeune homme caressait de manière aguicheuse celle qui pouvait être sa copine dans une petite pièce donnant sur l'escalier qui conduisait aux chambres, l'ascenseur ne fonctionnait pas, resté bloqué dans les années 70, tout comme les meubles et la décoration (inox, formica et velours), la climatisation, très mal." (p.70/71) Cette phrase a en elle pas mal de choses que l'on retrouve tout au long du livre. Je l'ai écrit plus haut, une certaine élégance, une beauté évidente, un rythme chaloupé et quelques jeux avec les mots, que j'aime bien : l'ascenseur et les meubles bloqués dans les années 70, la concurrence "à bout portant" et l'hôtel "mollement sordide" et qui ont l'avantage d'être très visuels (pour ceux qui, comme moi visualisent leurs lectures).
J'ai aussi aimé l'intrigue, on sent qu'un drame se joue sans vraiment savoir lequel ni de quoi il retourne. Galien Sarde distille les indices à dose homéopathique, joue avec nos nerfs et notre patience. Il use de retours en arrière pour expliquer la situation des deux amants, de zones de flou pour maintenir la tension. Le tout est habilement et subtilement mené.
Dans ce roman très beau, l'histoire tient le lecteur de bout en bout, mais je dois dire que ce qui m'a totalement charmé et convaincu, notamment que Galien Sarde est un auteur très talentueux, c'est son écriture. Je vais peut-être faire vieux con -comme dirait l'autre, j'ai l'âge-, mais lire de si belles lignes, en un français irréprochable, bien que trituré, bouleversé, dansé, agrémenté de mots rares, de nos jours où le vocabulaire a tendance à se simplifier voire m'est parfois devenu totalement abscons -surtout s'il emprunte sans intérêt pour la qualité ou la finesse à d'autres langues-, fait un bien fou.
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