"Le fait d'être féministe, ce n'est pas simplement lutter pour le droit des femmes, c'est lutter pour le droit de tous".
"Le fait d'être féministe, ce n'est pas simplement lutter pour le droit des femmes, c'est lutter pour le droit de tous".
Dans ce second opus, Fabien Toulmé reprend sa casquette de sociologue pour comprendre le rôle du travail dans les vies d’inconnus, à différents endroits du monde. Ici, il part à la rencontre d’un Américain qui a quitté le monde de la finance, un Coréen qui est livreur pour la plateforme numérique majeure du pays, et enfin, il se rend aux Comores pour rencontrer une personne travaillant pour une ONG.
Les trois personnes qu’il rencontre ont toutes une vision différente du travail mais elles insistent toutes sur le rôle important que ce travail revêt dans leur vie. Le travail permet avant tout de recevoir un salaire, mais il doit également apporter un sens.
La première rencontre nous emmène aux Etats-Unis, où nous découvrons Austin, qui a quitté son poste de trader pour vivre de sa passion, la musique. Il a pu enclencher ce changement suite à la pandémie et au mouvement du Big Quit, qui a permis à certains de se réorienter. A l’inverse, la personne rencontrée en Corée subit de plein fouet l’après-Covid et cette habitude qui s'est installée, celle de recourir massivement à la livraison à domicile. Son travail est aujourd’hui déshumanisé, avec une cadence qui ne fait qu’augmenter, bien que le métier ait une fonction d’utilité. Enfin, la dernière rencontre se fait aux Comores, dans une exploitation d’ylang-ylang où on découvre comment une économie locale tente de faire face aux changements climatiques, tout en respectant la valeur travail accompli par les cueilleurs.
Cette lecture est à la fois instructive car elle nous fait découvrir des témoignages très divers, mais elle nous invite à réfléchir sur notre propre rapport au travail et au sens que l’on veut lui donner. La réflexion est poussée un peu plus en profondeur dans les sections intercalées entre les trois rencontres, ce qui apporte une assise plus fouillée et recherchée car l’auteur s’entretient avec une sociologue. Les interventions de cette dernière appuient les réflexions et les positionnements donnés sur l’enquête terrain.
Dans « Inoubliables », Fabien Toulmé nous raconte, avec tout son talent, six histoires vraies, six témoignages marquants et inoubliables !
C’est peut être l’histoire de votre voisin, de votre famille, de votre patron… ce qui est sûr, c’est que ce sont des histoires qui ont bouleversé leur vie et qui nous bouleversent aussi. Ce sont des histoires qui dévoilent une part de la société, une part de nous-mêmes. Ce sont des histoires de rencontres qui changent une vie, en bien ou en mal. Certains des protagonistes ont croisé la route des Témoins de Jehovah, d’autres ont trouvé l’amour à force d’y croire, d’autres ont vécu un génocide, un viol ou ont fait de la prison.
C’est touchant, empreint d’une grande humanité. C’est une lecture qui fait du bien car elle sonne juste et sincère.
Graphiquement, les dessins de Fabien Toulme sont reconnaissables entre tous. Chaque récit est identifié par des codes couleurs différents.
Le tome 2 est paru le 25 octobre 2024. Et je n’ai qu’une envie, m’y plonger !!!
Et travailler et vivre, Fabien Toulmé, Delcourt
Dans la série Reflets du monde, après En lutte pour le tome 1, voici -logiquement- le tome 2 consacré au travail. Après une vague de démissions post-covid sans précédent aux États-Unis, Fabien Toulmé a décidé de rencontrer ceux qui décident de changer de vie. Puis, direction la Corée et enfin les Comores pour évoquer également les conditions de travail.
Fabien Toulmé rencontre les principaux intéressés, recueille leurs motivations pour changer de vie, sachant qu’ils ont précédemment gagné suffisamment d’argent pour quasiment ne plus s’en soucier. L’écart est très grand avec les Coréens qui littéralement meurent au travail, qui n’osent pas, souvent par éducation, culture, tout envoyer valser ; même les auteurs de webtoons (mangas numériques) sont au bord du burn-out !
Fabien Toulmé joue les candides et restitue à la fois son étonnement, ses questionnements et les réponses de ses interlocuteurs, qui, parfois, lui demandent de les anonymiser par peur des représailles. Ses reportages sont clairs, j’avoue une petite préférence pour celui en Corée où la question du burn-out et de la mort au travail est taboue. Il rencontre des parents de victimes, des travailleurs au rythme effréné qui ne peuvent pas faire autrement. Et j’aime aussi beaucoup celui sur l’île d’Anjouan qui remonte la filière de l’exploitation de l’ylang-ylang, des cueilleuses aux acheteurs. C’est en voyant ces conditions de travail que l’on se dit qu’il faut changer totalement les modes de consommation. Et que même si l’on fait attention, que l’on privilégie les circuits courts, le local, il y a encore à faire.
J’aime beaucoup le dessin de Fabien Toulmé, un peu naïf, très parlant, coloré, des cases monochromes qui rend son récit encore plus passionnant, plus parlant, on a presque l’impression d’être avec lui au contact des gens qu’il rencontre.
J'avais découvert Fabien Toulmé en juin de cette année avec "Et travailler et vivre" que j'avais apprécié pour le propos bien documenté sur un sujet ardu, notre perception du travail, et pour le graphisme.
En revanche, je n'ai pas lu le tome 1 de "Inoubliables" ce qui est sans importance car les deux BD sont totalement indépendantes l'une de l'autre; elles ont cependant un point commun : des femmes et des hommes, comme vous et moi, racontent l'évènement le plus marquant de leur vie. Ce tome nous offre cinq témoignages :
* Julie, 41 ans, suisse a failli mourir ensevelie sous une avalanche. Ses pensées sont allées à ses enfants et son mari tout en acceptant la mort qu'elle pensait inéluctable.
* Cyntia, 33 ans, brésilienne. Elle a réussi à échapper à un petit ami, qu'elle a connu à 14 ans, jaloux, violent et menaçant. Mais elle en est marquée pour la vie.
* Kevin, musicien, français. Pour gagner sa vie, il écrit des chansons avec des résidents d'un EHPAD et au bout de 9 mois, donne un concert avec eux. Plein d'à-priori, Kevin découvre la richesse des échanges avec les personnes très âgées.
* Bruno, 63 ans, qui a dû, depuis l'âge de 15 ans, cacher son homosexualité, se marier, avoir 6 enfants. Lorsque sa femme découvre la vérité, elle le chasse. Pour lui, débute la vraie vie, la liberté.
* Bohdan, 40 ans, ukrainien, photographe et ingénieur, devenu soldat par la force des choses.
Malgré le côté dramatique de ces témoignages, le discours reste positif dans la mesure où les 5 personnes sortent grandis de leur expérience. J'ai trouvé l'histoire de Kevin particulièrement poignante et touchante par l'hommage rendu aux personnes très âgées qui ont beaucoup à apporter et à partager pour peu qu'on ne les considère pas comme des "rebuts" inutiles.
On ressent toute l'empathie, l'affection et l'admiration de l'auteur pour ces gens qui lui ont fait confiance, qui lui ont fait l'honneur de lui confier des moments marquants et intimes de leur vie. C'est avec une grand sensibilité et un grand talent qu'il nous les transmet.
Les couleurs sont simples, assez neutres, douces, souvent réduites à deux et changent à chaque histoire ce qui confère une identité propre à chaque témoignage.
Une BD pleine d'humanité où les héros sont des gens ordinaires, comme tout un chacun, qui ont su dépasser les problèmes et les drames qui les ont marqués; ils nous transmettent l'espoir qu'il est possible de se relever plus fort des épreuves. Une BD pleine d'optimisme.
#Inoubliables #NetGalleyFrance
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