"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
J'avoue avoir été, dans un premier temps, attirée par la couverture. Cette jeune femme, toute de rouge vêtue, m'intriguait, avec une vue magnifique sur une ville et sur un pont. J'apprendrai plus tard que cet endroit existe vraiment et qu'il fait partie intégrante du roman. Et puis, il y a ce titre, Saudade. C'est un mot que l'on ne peut définir en français, il fait partie du vocabulaire portugais et exprime une nostalgie, une mélancolie, un mot plein de poésie qui raconte à lui seul une histoire. Tout me plaisait dans ce livre. Et une fois fermé, je peux dire que tout m'a plu.
C'est l'histoire d'une famille, sur plusieurs générations, au travers de deux femmes, Ana, et sa fille Gorete. On suit au début Ana, en70, elle vit au Portugal, pendant les heures sombres de ce pays qui vit sous la dictature de Salazar. Elle vit une belle histoire d'amour avec Pedro, communiste. Pris dans la révolution, et sans pouvoir revoir Pedro, Ana doit quitter le Portugal pour la France. Elle est enceinte et donnera naissance à une fille, Gorete. Elle sera recueillie à Paris par une femme qui deviendra sa bienfaitrice, Mademoiselle Claudine, à l'esprit très libre, et se consacrera à sa fille.
Le roman commence en 2001, où l'on suit plus particulièrement Gorete. C'est une jeune femme libre, et qui sait ce qu'elle veut. Elle ne sait rien du passé de sa mère. Son monde bascule le jour où sa mère, Ana, est hospitalisée, dans un état grave. Tout va alors s'emballer et faire vivre à Gorete des moments très forts. Elle va devoir faire face au passé de sa mère, elle va découvrir son histoire, apprendre qui est son père, et va alors vouloir se rendre dans ce pays qu'elle ne connait pas mais dont elle sent qu'elle est très proche, le Portugal. En même temps, à Paris, elle fera la connaissance d'un argentin, Fernando, qui ne devrait être qu'une relation d'un soir mais qui va prendre petit à petit de plus en plus de place dans la vie de Gorete. Lui aussi n'a pas une histoire simple en Argentine.
C'est ainsi que l'on va voyager entre Paris, Porto et Buenos Aires. On va suivre Gorete dans le présent à la recherche de ses racines. On va suivre Ana dans le passé, à Porto. Gorete va apprendre plein de choses sur son passé, elle va faire la connaissance de sa famille, de son histoire, et va devoir faire face aux non-dits qui pèsent sur les relations. Je ne peux rien dévoiler, mais le chemin de Gorete ne va pas être de tout repos. Elle va perdre des personnes qu'elle aime, d'autres qu'elle n'aura pas eu le temps de rencontrer. Il va falloir qu'elle fasse le deuil de certaines relations, elle va devoir se reconstruire. Elle va nouer de nouveaux liens qui vont lui permettre d'avancer, et d'avoir un beau projet de vie. Tout ça, en vivant une relation amoureuse qui prend de plus en plus d'ampleur, mais qui fait peur à la jeune femme. Et puis, il y a aussi les liens qu'elle a avec sa vie présente qui ne sont pas faciles à voir partir.
Je me suis très vite attachée à Ana et Gorete. Surtout à cette dernière. Je me suis retrouvée dans sa souffrance de voir sa mère malade, et dans d'autres sentiments plus personnels. C'est une jeune femme déterminée, courageuse, qui avance malgré les embûches, les bâtons que la vie lui met dans les roues. Je l'ai admirée plus d'une fois, elle chute un bon nombre de fois, et toujours elle se relève, plus forte. J'ai aussi beaucoup aimé le personnage d'Ana, pour tout ce qu'elle représente de luttes dans ces années de révolution, tout ce qu'elle a sacrifié pour sa fille. Elle m'a énormément émue, c'est tellement triste ce qu'elle a vécu. Et puis, cette fresque féminine ne serait pas complète sans Mademoiselle Claudine, une femme âgée encore pleine de peps et pétillante. Elle sait transmettre son énergie, sa vitalité. Elle a des idées bien arrêtées, et n'a pas la langue dans sa poche. Elle amène beaucoup d'humour dans l'histoire. Au travers de ces trois femmes, on a trois exemples de femmes avec des vies différentes, des histoires différentes, trois femmes qui se battent à leur façon pour leur liberté. Car c'est ce qui les rejoint, même si leur cheminement n'est pas le même, la finalité est de garder ou de retrouver la liberté de vivre et d'aimer.
Les personnages secondaires sont eux aussi très importants. Le Saudade est un personnage à lui seul, tout comme le Portugal. L'autrice dépeint à la perfection les lieux, l'ambiance, les modes de vie, les coutumes locales, les plats. J'ai senti les odeurs, les parfums des fleurs, des plats, des épices. Le texte est parsemé de mots portugais, surtout pour la cuisine, et l'autrice en parle tellement bien qu'elle m'a bien souvent alléchée et donné faim. J'ai découvert des quartiers de Porto, Buenos Aires, des plages, des lieux enchanteurs. Ce roman m'a donné très envie de découvrir le Portugal, pour ses paysages mais aussi ses villes, son folklore, ses rituels. Les descriptions sont faites avec beaucoup de poésie, sans lourdeurs dans la lecture. Le style de Cristina de Amorim e
J'ai passé cette semaine au Portugal avec ce roman de Cristina De Amorim , quel bonheur de lire une histoire qui se passe à l'endroit où nous nous trouvons !
Saudade, ce mot est intraduisible en français, voilà ce qu'en dit le dictionnaire : "Sentiment mélancolique mêlé de rêverie et d'un désir de bonheur imprécis"
C'est exactement dans cet état d'esprit que se trouve Gorete, la protagoniste. Couverte d'amour par sa mère depuis toujours, il lui manque quelque chose, elle ne se sent pas complète et c'est grâce à un drame qu'elle va aller à la rencontre de ce grand vide.
On sent, dans ce roman, toute la passion de Cristina pour le Portugal, pour la littérature, la musique, et surtout la famille et l'importance des liens. C'est très beau.
Gorete est une personne complexe, torturée, difficile à cerner mais qui se dévoile peu à peu dans cette histoire et on s'attache puissamment à elle et à ses proches.
C'est un sublime voyage à travers le Portugal d'aujourd'hui, mais aussi celui bien plus sombre des années 60-70 sous la dictature de Salazar. Et pas que, on parcourt aussi Paris, Honfleur, l'Argentine... Et surtout, surtout, les secrets d'une famille passionnants et déchirants, de l'amour inconditionnel plus fort que tout et de la nécessité de comprendre, se remémorer et pardonner pour avancer !
Merci Cristina pour cette belle histoire, grâce à toi, j'ai arpenté les rues de Porto remplie de personnages et d'images, je suis allée écouter du fado et c'était merveilleux et je repars du Portugal avec l'impression d'y avoir vécu intensément !
Par définition, « le pervers narcissique est un véritable comédien. Prêt à tout pour séduire, il commence généralement par afficher son masque le plus attirant. Ce n’est qu’une fois que le charme a opéré qu’il dévoile un visage nettement moins engageant, passant alors de la séduction à l’humiliation, de l’altruisme à un égocentrisme extrême. »
Il devient toxique.
Le livre de Cristina De Amorim en est une parfaite illustration. Dès que j’ai commencé à faire connaissance avec Thomas, une image m’est de suite venue à l’esprit : celle d’une araignée, qui, fil après fil, tisse sa toile autour de sa proie, jusqu’à la rendre si épaisse que sa victime ne pourra plus s’en défaire.
Ne vous fiez pas à la couverture qui pourrait laisser penser à une histoire légère… Vous voilà bien loin d’imaginer ce qui vous attend au fil de ces pages… Vous allez vous saisir d’un pavé dans tous les sens du terme. L’ouvrir c’est ne plus le lâcher. Le lire, un piège assuré !
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« Il y a d’ailleurs un mot que nos voisins Portugais ont forgé pour exprimer cette mélancolie de la terre natale : Saudade. »
Juliette pourrait être n’importe quelle femme. Mais c’est Elle. Ne jamais dire « ça ne m’arrivera pas » parce que personne ne sait. Après quelques années de mariage, son couple ne tient plus, son histoire n’est plus ce qu’elle était ; c’est la rupture. Non sans mal, une telle épreuve ne peut être vécue sans laisser une empreinte en elle, comme sur son petit garçon Tom.
« Je tais ma souffrance par la résilience. »
C’est précisément dans cette faille que Thomas va s’engouffrer pour atteindre Juliette, au cœur déjà meurtri.
Il va lui sortir le grand jeu. Les grands cadeaux, les beaux mots… et petit à petit, il installera son emprise sur elle. Mais Juliette ne s’en rendra pas compte de suite, elle croit en l’amour. Il l’isole de ses amis, s’immisce et se mêle de tout, ses tenues, son physique… Mais ce quelque chose qui les unit, aveugle Juliette… même si parfois elle s’interroge sur certains petits points. Il l’appelle sans arrêt… l’étouffe. Il doit tout contrôler. Il doit la contrôler.
« Juliette, c’est cette copine que l’on a tous envie d’avoir : toujours de bonne humeur, jamais à court d’idées, dynamique, à l’écoute et super-maman. Un concentré de bonnes ondes. »
Mais Juliette change. Elle s’éloigne de tous, elle se transforme en une autre femme que plus personne ne reconnaît… même sa propre famille.
Thomas obtient toujours ce qu’il veut, il sait s’y prendre. Un beau jour, de cette relation, naît un joli petit Maxence. Son fils. A lui.
« Après la séduction, vient naturellement la mise sous emprise. »
A force de scènes répétitives, de crises sans sens ni justifications, elle commence à détecter un comportement étrange, anormal. Depuis la naissance de Maxence, Thomas n’a d’yeux que pour lui. Juliette est de plus en plus victime de brimades, de remarques déplacées, qui se suivent et se ressemblent… Jusqu’à l’altercation de trop qui fait tout basculer.
« Je lui mens, je me mens. Dans mon mensonge subsiste sans doute, peut-être, une infime tentative d’y croire, de renouveler l’espoir, bien que très fragile, de former une famille heureuse, de prouver à tous que je ne me suis pas trompée. »
La descente aux enfers plaque Juliette au sol. La vie ensemble n’est plus possible, la séparation s’impose. Mais Juliette a tellement envie d’y croire, espérer qu’une vie familiale est encore possible. Et pourtant…
« Ma vision du bonheur est viciée, comme si quelqu’un me l’avait volée. »
Est ce vraiment possible ? Où est donc l’amour qu’elle a si souvent lu dans ses livres préférés ?
« Si je devais choisir entre livres et chaussures, je pense que je finirai par choisir les livres tout de même… Ils nous offrent une forme de liberté que personne ne peut nous enlever. Liberté qui n’appartient qu’à nous. Je m’y réfugie souvent pour fuir la réalité. »
« Une odeur indescriptible de papier, le doux parfum des mots imprimés, flotte dans l’air. »
Juliette s’effondre, se métamorphose… Elle touchera le fond. Cette emprise malsaine la détruira. Sa raison d’être et de vivre, ce sont ses enfants… Elle est prise au piège dans les mailles du filet de cet imposteur, tantôt de coton, tantôt d’acier… Toute une technique méthodique pour anéantir et faire perdre pied. Se mettre en avant au détriment des autres, sans aucun scrupule…. quitte à faire passer Juliette pour une folle…
« La seule ivresse qui m’habite est celle de la tristesse. »
Cristina, toi tu sais combien ton histoire m’a frappée, combien de fois j’ai eu envie d’hurler pour réveiller Juliette et la sortir de ce cauchemar. Tu as su très justement retranscrire cette pression qui monte qui monte, crescendo, le piège qui se referme, l’emprise qui s’installe, sournoisement, jusqu’à l’emprisonner. En tant que lectrice, plus j’avançais dans ma lecture, plus j’etouffais. Une montée en puissance totalement maîtrisée et majestueusement orchestrée. J’ai aussi beaucoup ri car, par petites touches justement dosées, l’humour trouve malgré tout une place dans ce récit déconcertant, que j’ai eu tant de mal à refermer… Une leçon de courage, de vie et de résilience !
Cristina, je te décerne un gros coup de cœur littéraire.
Lisez le, ce livre est une bombe !
« L’amour, c’est comme la brume du matin au réveil… avant que le soleil ne se lève. Ça tient un instant et puis ça s’évapore. Rapidement. L’amour est une brume qui disparaît à la première lueur de réalité. »
https://littelecture.wordpress.com/2019/03/02/une-carte-postale-du-bonheur-une-femme-sous-emprise-de-cristina-de-amorim/
Ne vous fiez surtout pas à cette couverture rigolote et à ce titre qui sonne très feel-good ! Une carte postale du bonheur n'est absolument pas ce genre de livre, bien au contraire. le sous-titre donne le ton !
Juliette n'est plus heureuse dans sa vie. Elle saute le pas et quitte enfin son mari. Soulagée, elle veut prendre du temps pour elle, et pour son fils. Mais c'est sans compter sur l'apparition de Thomas dans sa vie, le début d'une lente descente aux enfers.
Tout va très vite, dès le début de leur relation. Thomas insiste pour déjeuner avec elle tous les jours. Il profite de sa situation instable de jeune divorcée, qui n'a plus de repère. Petit à petit, il l'éloigne de toute relation sociale, amicale, et même familiale. Dans le même temps qu'il lui montre son « amour », il lui fait des petites remarques concernant son physique, ses kilos qu'il estime en trop. Il surveille tous ces faits et gestes. Il la rabaisse en toute circonstance. Elle n'est plus maîtresse de sa vie. Et même lors de leur rupture, Il ne cesse d'avoir une grosse influence sur elle.
"« -Ah non. Cette fois-ci tu n'allaiteras pas ! Tu te mettras au régime c'est tout. Tu ne feras pas partie de ces femmes qui se laissent aller sous prétexte qu'elles sont enceintes.
[…]
-Alors, nous sommes bien d'accord, bébé. Dans un an, tu seras comme aujourd'hui. Point barre.
Et sinon ? ne puis-je m'empêcher de penser. Sinon quoi ?"
Les chapitres s'enchaînent, la lecture est fluide, on a tellement envie de voir Juliette se sortir de ce piège. Mais toutes les excuses sont bonnes pour pardonner, et les mensonges pour cacher la situation pleuvent. Juliette minimise tout et ne dit pas tout à ses proches. Peu elle s'enferme dans cette relation-prison. le choix d'insérer certains chapitres relatant les points de vue d'autres personnages comme le fils de Juliette ou ses amis nous montre la difficulté pour l'entourage d'agir face à ce genre de situation.
"Cela ne lui ressemble pas. Ce type ne lui correspond tout simplement pas. […] Il y a quelque chose qui me dérange chez ce type, je ne saurais exactement dire quoi. Je lui réponds par un message d'encouragement et de méfiance.
Camille : Veinarde. FAIS GAFFE A TOI !"
La seule volonté de la personne sous influence ne suffit pas, et les conseils avisés de ses proches non plus. On est impuissant face à la destruction à petit feu de la personne qu'on affectionne. Et le pire dans tout ça est peut-être l'image que donne le pervers narcissique aux personnes extérieures à son couple. Il cache bien son jeu et il est souvent quelqu'un d'apprécié ! du moins au début…
"Il possède une véritable force de persuasion, voire une aura de leader qui ne laisse personne insensible."
Que cette histoire est difficile ! Surtout quand on sait que l'auteure s'est grandement inspirée de sa propre vie… Même si par moment, on a envie de secouer Juliette, de lui dire : « Mais réveille toi ma vieille, ce mec n'est pas pour toi, tu n'es pas heureuse, ni épanouie ! Regarde toi, tu n'es plus que l'ombre de toi-même ! » Mais on se rend compte que rien n'est aussi simple quand on est au contact d'un pervers narcissique. Et que dire, et comment agir quand des enfants sont impliqués…
Malgré tout, Cristina de Amorim garde toujours son sens de l'humour. Son héroïne Juliette a beaucoup d'autodérision. Un peu de légèreté détend parfois l'atmosphère et fait baisser la tension pendant quelques mots.
Un livre à lire, un livre coup de poing, mais aussi un livre qui donne l'espoir de s'en sortir aux victimes de pervers narcissiques. Et surtout, ce livre incite à être vigilant aux personnes qui nous entourent. Parce que les pervers narcissiques ne sont pas aussi rares qu'on pourrait/voudrait le croire et que les dégâts peuvent être irréparables. Ou qu'il est parfois trop tard.
https://ellemlireblog.wordpress.com/2018/07/02/une-carte-postale-du-bonheur-cristina-de-amorim/
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