"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Ce récit qui date de 1892 est peu connu en France, pourtant c’est un classique de la littérature nord-américaine qui mérite d’être lu. Il se présente sous forme de journal intime et s’inscrit dans la lignée des nouvelles fantastiques de Poe ou de Maupassant. La narratrice vit dans une vieille bâtisse en compagnie de son mari qui est médecin. Elle vient d’avoir un bébé et souffre vraisemblablement d’une dépression post partum. Pour tout remède, son époux lui prescrit un repos absolu dans une chambre tapissée de jaune. Le papier peint jaune dont elle déteste le motif devient son obsession. Elle ne dort plus la nuit pour l’observer dans ses moindres détails. Bientôt, elle est persuadée que les motifs bougent et qu’une ou plusieurs femmes rampent derrière. La folie la gagne et elle finit par s’enfermer dans la chambre. Le texte est assez mystérieux pour donner lieu à plusieurs interprétations. L’édition dans laquelle j’ai lu ce texte, récemment retraduit, met en valeur le papier peint jaune et le lecteur est invité à découvrir ce qui se cache derrière. Comme les livres des éditions de Minuit autrefois, il faut découper les pages au fur et à mesure de la lecture pour comprendre ce que voit la narratrice. La nouvelle est un vrai huis-clos mental. L’autrice dénonce un traitement médical misogyne qu’elle a elle-même endurée. Cette femme est séquestrée corps et âme. C’est le même enfermement que celui imposé aux femmes dans « Le Bal des folles » de Victoria Mas. Une découverte intéressante !
Dans le jaune du patriarcat l’oppression lourde des sachants
l’homme médecin riche serait-il le plus caractéristique?
Dans sa chambre close le papier peint raconte une vie qui pourrait et l’obsession ou la folie et la manipulation ou la dépression
A l’extrême la serviabilité tendance perverse et la culpabilité de s’infiltrer de ta faute tout est de ta faute
Un mécanisme en place pour que l’épouse adhère à la thèse violente déclinée petit à petit. L’homme institut dit c’est de ta faute.
Surveillance isolément infantilisation culpabilisation paternalisation en quelques tranches tout y est et la folie pointe.
Tu vas mieux dit le médecin mari mais la femme rampe derrière les regards elle tente d’échapper à l’inertie coercitive elle rampe pour atteindre le dehors et les mots sur le papier peint dansent sauvages.
Trois hommes américains débarquent dans un pays coupé du monde dans lequel tous les hommes ont péri plusieurs siècles avant. Ils sont les premiers hommes à découvrir Herland, une société pacifique, extrêmement bien construit et organisée, très respectueuse de son environnement. Un peuple uniquement de femmes qui se reproduisent par parthénogenèse.
Les trois jeunes hommes qui débarquent dans cet univers inexploré et inconnu, aux tempéraments forts différents découvrent alors une société paisible, solidaire, unie, fondée sur une conception de la maternité et de l'éducation. Un monde totalement irréel pour ces trois américains.
Charlotte Perkins Gilman profite de Herland pour mettre en avant les clichés de l'époque sur les rapports hommes-femmes., tout en faisant passer ses critiques sur des institutions telles que le mariage. Malheureusement, même si l'idée de départ me paraissait originale et voir audacieuse, mon ressenti est moindre, mi figue-mi raisin, du bon comme du moins bon : une écriture trop linéaire qui ennuie vite, le développement de l'intrigue qui peine, l'histoire se veut féministe mais qu'à moitié en fin de compte (peut-être à cause de l'époque), avec une pensée plutôt puritaine.
Publiées sous forme de feuilleton en 1915, les idées sont en phases avec l'époque, voilà peut-être pourquoi mon avis est mitigé sur ce roman. L'autrice élève la maternité au rang de religion, la femme se retrouve effacée au profit de l'éducation. Un monde utopiste certes car pas de violence, tolérante, écologiste mais un monde qui prône l'eugénisme et la diabolisation de l'homme.
Un roman intéressant dans son ensemble, original, moderne pour son temps mais au style professoral, qui rend le récit lent et lourd. "Herland" est étonnant, certains sujets sont brillants mais aussi dépassés, avec un grand manque de romanesque qui se termine par une fin abrupte.
Écrit en 1892, ce court roman bénéficie d'une nouvelle traduction pour les éditions Tendance Négative. Je dois bien dire que ce qui m'a, de prime abord, attiré c'est l'écrin du texte. Un livre très beau que je n'ai pu qu'à peine feuilleter car il faut en couper les pages. Le texte est au début sur des pages blanches, puis de plus en plus sur des pages illustrées, un papier peint. La mise en page est elle-même très originale : parfois des pages pleines, d'autres très aérées parfois vides... C'est vraiment un bel objet et si vous allez sur le site de l'éditeur (Tendance Négative), vous pourrez voir que tous leurs ouvrages bénéficient d'un traitement particulier et original.
Le texte de Charlotte Perkins Gilman (1860-1935) flirte vers le fantastique tendance Edgar Allan Poe, et parle d'une femme séquestrée par un mari médecin qui ne comprend rien à son état de jeune maman et qui, comme beaucoup à l'époque, savait qu'il suffisait de beaucoup de repos, d'abandon de rêves d'écriture et de recentrage sur les tâches féminines -entendre tâches ménagères et de maman- pour que tout aille mieux. L'autrice a vécu la dépression post-partum et l'incompréhension et a suivi les conseils d'un médecin avant de tout balancer et d'aller mieux. Elle fut une militante et une écrivaine féministe. Ce beau livre et cette nouvelle traduction moderne et facile à lire -ce qui n'est pas toujours le cas des textes de l'époque- lui rendent hommage et la remettent en tête de gondole dans toutes les bonnes librairies.
Un petit extrait que j'aime bien pour finir (la mise en page en moins), une description sommaire du papier peint, la première fois que la jeune femme le voit :
"Il est assez fade pour égarer l’œil qui cherche à le suivre, assez marqué pour constamment irriter et susciter l'étude, et quand on suit les courbes médiocres, incertaines sur une courte distance elles se suicident soudainement s'engouffrent dans des angles révoltants, s'autodétruisent en des contradictions inouïes. La couleur est repoussante, presque révoltante un jaune asphyxié et sale étrangement décoloré par la lente course du soleil. C'est un orange à la fois cireux et criard en certains endroits une teinte corrosive et sulfureuse en d'autres." (p.28/29)
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