Alice a quatorze ans quand elle est hospitalisée : un premier roman foudroyant
Estela nous apostrophe dès les premières lignes du roman : « La fillette meurt. Allô ? Aucune réaction ? »
Cette narratrice sans pitié invective le lecteur, le malmène tout au long du roman, l’agresse presque, et il devient malgré lui juge de sa confession.
Ce monologue nous amène à remonter aux multiples sources de cette mort. La fillette, c’est la fille de ses patrons chez qui elle loge et fait le ménage depuis sept ans. Les journées sont rythmées par les corvées, les repas et les soins à la petite, une routine de soumission implacable qui la dépossède peu à peu de son propre corps. Dans cette maison bourgeoise qui devient le huis clos du roman, le malaise s’insinue, sans échappatoire, avec une violence sociale tue visible uniquement par condescendance des patrons d’Estela.
Je découvre la littérature chilienne avec cette jeune autrice, Alia Trabucco Zerán. Son analyse des rapports sociaux est percutante. Elle décrit avec psychologie la montée progressive de la rancoeur de son personnage, à l’aide d’un cheminement narratif qui nous amène jusqu’à sa propre enfance, aux racines de la soumission. A la lecture de ce roman on est dérouté, chamboulé, angoissé, et on se met à douter de la narratrice, qui nous entraine dans ses zones d’ombres et de doute. Ce sentiment d’inconfort, voulu par l’autrice, est une réussite.
Un thriller psychologique captivant !
Propre est un roman haletant qui plonge le lecteur dans un univers où règne une tension omniprésente. Dès les premières lignes, une atmosphère lourde et suffocante s’installe.
Estela, domestique à Santiago, mène une vie simple et répétitive jusqu’au jour où tout bascule : la petite fille dont elle s’occupe meurt brutalement.
Mais l’a-t-elle tuée ?
Cette question plane tout au long du récit, enveloppant chaque page d’une angoisse tenace.
Ce roman est un véritable page-turner, un récit intense où chaque protagoniste cache une part sombre.
L’autrice maîtrise avec brio la psychologie des personnages et la complexité des relations humaines, faisant naître un jeu troublant entre vérité et mensonge.
À travers le destin d’Estela, des thématiques profondes émergent : solitude, domestication, pression psychologique, souffrance enfantine, rapports de classes.
Un texte questionnant la place des femmes invisibles dans la société.
Le monologue intérieur d’Estela révèle les contradictions d’une femme tiraillée entre culpabilité et désir d’émancipation.
Sur fond de société chilienne, ce drame intime devient le miroir des tensions sociales et des inégalités, rendant ce roman encore plus poignant et pertinent.
Un thriller psychologique très réussi.
J’ai très envie maintenant de lire son autre roman, La soustraction.
La fin est claire. Une fillette meurt. Le début l’est moins. C’est ce que s’acharne à nous expliquer Estela García depuis l’autre côté du mur, comme si on était en détention avec elle, prisonnier de son récit. “Je ne suis pas là pour vous divertir. Je n’ai pas envie d’être amusante.” Elle livre une confession abrupte et glaçante, dont elle peine à déterminer l’origine.
Tout a sans doute commencé lorsqu’elle s’est installée chez les López à Santiago en tant qu’employée de maison, sept ans auparavant. Ou alors à la naissance de la petite Julia López, quand Estela s’est penchée sur son berceau comme au-dessus d’un gouffre. Ou peut-être plus tard, après une énième culotte lavée, chemise repassée, tache de sang nettoyée. Ce qui est sûr, c’est qu’au cœur de cette histoire, au beau milieu des racines emmêlées du drame, dans un pays gangréné par les inégalités sociales, il y a le mépris d’une famille bourgeoise pour sa bonne. “Notez ceci dans votre rapport : être docteur n’a aucune importance. Quand meurt ta fille unique.”
Jusqu’à la fin et dès le début, quel qu’il soit, Estela prend le lecteur à partie, tant et si bien qu’on tourne les pages avec la sensation d’avoir les mains sales. Comme après un coup d’éponge poisseuse sur une vieille toile cirée.
Ce roman fort et puissant retrace l’histoire d’Estela, femme de quarante ans qui quitte son village du sud du Chili pour venir à Santiago occuper le poste d’employée de maison auprès d’un médecin et de sa femme avocate, alors enceinte. Estela va travailler chez eux durant sept ans et s’occuper de leur fille Julia.
Ce récit lucide, impitoyable et brutal est le monologue d’une grande sincérité d’Estela qui pointe le caractère insidieux du mépris social tout en retraçant les étapes qui mèneront au drame et feront s’effondrer le décor idyllique d’une vie bien « propre » et aseptisée.
Ce monologue nous laisse à penser qu’Estela est au poste de police et s’adresse à ses juges installés derrière une vitre sans tain. Elle raconte l’histoire qui mènera à la mort de la petite Julia. Dés le début du récit on sait que la fillette est morte. Estela avec lucidité, très chirurgicalement, va disséquer ses sept années de domesticité dans cette famille, son quotidien, leur comportement méprisant à son égard, leur caractère, leurs failles, leurs secrets jusqu’au point de bascule qui mènera au drame.
Ce récit social se lit véritablement en apnée. L’autrice a parfaitement bien réussi à créer l’ambiance tendue et oppressante dans laquelle évolue Estela qui doit faire face à un couple exigent, pour lequel elle est invisible, ainsi qu’ à une fillette colérique « pourrie gâtée » bien consciente du pouvoir qu’elle a. Plus on s’enfonce dans le récit, plus la noirceur omniprésente déroute le lecteur qui n’a qu’une envie, que prenne fin le calvaire d’Estela.
Lu dans le cadre du « Grand Prix des Lectrices ELLE 2025 ». Je remercie les Editions Robert Laffont pour cet envoi.
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