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Rentrée littéraire 2023 : l'enfance et les écrivains

Des premiers romans et des découvertes qui éclairent ce thème intarissable

Rentrée littéraire 2023 : l'enfance et les écrivains

Que cela évoque de la nostalgie, de la joie ou de la tristesse, l’enfance marque à jamais ce que nous devenons à l’âge adulte. La rentrée littéraire 2023 est riche de premiers romans qui s’immiscent dans ce sujet par le biais des souvenirs, de l’innocence qui se désagrège ou des traumas profondément ancrés. Voici cinq propositions de titres qui vous permettront de découvrir cette thématique tentaculaire.

 

Il a 83 ans, il est le fils du célèbre écrivain américain James Agee et Le monde de Pira (Mercure de France) est son premier roman. Joel Agee a construit sa deuxième vie après une carrière de traducteur. Son enfance au Mexique esquissera les premiers pans de ce livre remarqué par Paul Auster – rien que ça. Nous sommes en 1946 quand le narrateur, Pira, a six ans et demi et débute sa jeune vie dans ce pays d’Amérique centrale en compagnie de Martha, sa mère violoniste, et de Bruno, son beau-père écrivain. Communistes, ils font partie des multiples réfugiés venus d’Europe pour fuir le régime fasciste. De ses yeux d’enfant, Pira découvre le monde tel qu’il est : en proie aux violences, aux incohérences sociales et à l’injustice générale. Subissant ce climat anxiogène, le garçon interroge les adultes dont les réactions l’ébranlent plus encore. L’écrivain américain signe un roman extrêmement puissant sur une période historique complexe tout en proposant une vision du monde juvénile, pleine de poésie, de lyrisme et de légendes ancestrales venues des hauteurs du volcan.

 

Restons aux Etats-Unis avec la grande fresque familiale de la rentrée, Les Chants d’amour de Wood Place (Les Escales) par la poétesse Honorée Fanonne Jeffers. Après cinq recueils, l’autrice s’est lancée dans un livre audacieux de 900 pages qui fait voyager son lecteur entre passé et présent. Ailey, le personnage principal, est issue d’une famille africaine-américaine. Malgré son jeune âge, son identité a toujours été une source de lutte. Tourmentée par des problématiques transgénérationelles, Ailey va creuser l’histoire de ses ancêtres esclaves, de leur condition, découvrant peu à peu des enfances malmenées, des vies brisées, des morts terrifiantes. Cette immense saga retrace pas à pas la cruauté du Grand Sud au temps de l’esclavage tout en abordant des sujets actuels dont la portée est loin de s’arrêter à la jeune Ailey. Le livre a été reconnu comme l’un des cinq meilleurs romans de l’année par le New York Times.

 

En littérature française, Aline Caudet – qui écrit sous pseudonyme, publie lors de cette rentrée son premier roman aux confins de la littérature blanche et du thriller. Déchirer le grand manteau noir (Viviane Hamy) commence dès la première page par le fil conducteur de l’intrigue : Lucie, mère de trois enfants, reçoit la visite de la police. Elle apprend qu’un huissier doit lui remettre un document. Le suspense ne se fait pas attendre : les parents de la jeune femme attaquent le couple en justice et réclament le droit de voir leurs petits-enfants. Les souvenirs tragiques de sa propre enfance remontent, sans cesse percutés par un flot d’angoisse. Une bataille judiciaire sans merci se révèle contre ses géniteurs pour protéger ses enfants, réveillant avec elle la rage d’une petite fille autrefois brisée. Aline Caudet dissémine les révélations, ménage son suspense, instaure de terrifiantes attentes. Si l’intrigue fait froid dans le dos, sa construction est de toute beauté.

 

De son côté, Marie de Chassey explore en très peu de pages l’indicible douleur de la perte d’un enfant. Ce qu’il reste à faire (Alma) prend forme alors que Judith est atteinte d’un cancer incurable, sa mère décide, contre l’avis médical, de l’hospitaliser à la maison afin de lui prodiguer les meilleurs soins. Il n’est plus l’heure de guérir, seulement de soulager. Les chapitres se suivent entre les comptes-rendus médicaux, les souvenirs d’enfance et l’injustice qui peut creuser le cœur d’un parent face à la maladie qui condamne son enfant. Le format du livre se prête particulièrement à cette histoire car, de petite taille, il esquisse d’une intime humilité l’immensité de la dévotion d’une mère quand tout ne tient plus qu’à un cathéter.

 

Et au contraire, il y a Ceux qui ne meurent jamais (Les Argonautes) dans lequel Dana Grigorcea offre à son lecteur la perspective la plus gothique qui soit ! Au cœur des Carpates, la ville de B. abrite une villa dans laquelle la narratrice a passé, sous le régime communiste, de merveilleux étés toute son enfance. Bien des années plus tard, la jeune femme devenue artiste revient dans ce lieu tant chéri. Plus rien n’est comme avant, la politique en place semble avoir brisé plus d’un rêve et nombreux sont ceux qui se sont exilés à l’Ouest. Tout s’emballe cependant lorsqu’un corps mutilé est retrouvé dans la crypte familiale, serait-ce l’œuvre de Vlad l’Empaleur en personne ? L’écrivaine roumaine nous lance dans une chasse aux vampires plus vraie que nature, limitant la frontière entre le réel et ce qui ne l’est plus vraiment, le tout dans un décor qui n’a rien à envier à celui du compte Dracula de Bram Stoker. Ames sensibles s’abstenir !

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