"L'allègement des vernis" de Paul Saint Bris : un premier roman d'une grande virtuosité, dans les coulisses du Louvre

Les internautes et le jury du Prix Orange du Livre ont récompensé Paul Saint Bris pour son premier roman L’allègement des vernis, paru aux éditions Philippe Rey.

Nous vous proposons de découvrir la chronique de Florence Mur, membre du jury, sur ce livre lauréat de la 15e édition du Prix Orange du Livre.

L'avis de Florence Mur sur le livre L'allègement des vernis de Paul Saint Bris (Ed. Philippe Rey)

"Mise à mal par la crise financière et les changements d’habitude nés des réseaux sociaux, la fréquentation du Louvre est en berne et peine à progresser. Pour redresser la barre, et contre toute attente, c’est Daphné, la responsable communication qui est nommée comme présidente, une rupture à ce poste généralement réservé au rang prestigieux des conservateurs. Aurélien, le directeur du département des peintures, un moment pressenti, voit cette arrivée avec curiosité et soulagement, car cet homme terne goute peu aux mondanités associées à ce poste. Mais quand, conseillée par une armée de jeunes consultants, Daphné se met en tête de relancer les visites, sa proposition résonne comme un coup de tonnerre : et si on allégeait les vernis de la plus célèbre des pensionnaires, Monna Lisa ? L’opération, aussi risquée que délicate, est confiée à la supervision d’Aurélien qui devra, à son corps défendant, trouver un restaurateur à la hauteur de la tâche, et affronter la tempête médiatique et diplomatique soulevée par cette affaire. Lui l’esthète, l’homme du sérail, à la vie professionnelle sans histoire et à la vie conjugale déclinante, va voir son existence bousculée par cette mission à haut risque.

Bienvenue dans les coulisses du plus grand musée du monde. Sur la base d’une histoire extrêmement bien ficelée, Paul Saint Bris questionne avec finesse les dérives de notre époque. La course à la performance, la toute-puissance des images, le besoin insatiable de nouveauté sont mis en regard de la permanence des œuvres, et de leur intemporalité, de leur coté immuable et rassurant. Alors faut-il les restaurer, attenter à leur intégrité au risque de les altérer ou de les modifier? Ce roman, c’est un peu la bataille des anciens et des modernes, un clivage traité avec délectation, humour et un brin de cynisme qui le rendent savoureux et jubilatoire.
Avec habileté, il nous interroge sur la notion même de beauté, sur ce qui fait l’essence d’une œuvre d’art, il nous pose en juge de cette restauration, sur cette fragile frontière entre l’artiste et l’artisan. Des questions passionnantes qu’il aborde de façon très documentée mais jamais pesante réussissant le délicat équilibre entre érudition et respect de l’intrigue. Malin de choisir comme personnage central Aurélien, qui incarne aussi tous les paradoxes. Conservateur de métier, il l’est aussi dans ses modes de pensées, bien que tiraillé en permanence entre volonté d’évolution et une frilosité certaine qui lui fait préférer l’immobilisme. Un homme figé sous des vernis de convention qu’il conviendrait aussi d’alléger pour lui permettre d’avancer
Que vous soyez féru d’art ou pas, ce livre ne peut que vous plaire, et je suis sure qu’en le refermant vous aurez comme moi, une furieuse envie d’aller vous perdre dans les interminables couloirs du Louvre, d’aller revoir le sourire énigmatique de la Joconde que vous verrez d’un autre œil, et je suis sûre que vous rêverez d’y assister à un ballet d’auto laveuses, mais chut ! je vous laisse découvrir ce délicieux épisode.
Coup de cœur pour ce roman virtuose, lu dans le cadre du Prix du Livre Orange."

Merci Florence Mur !

Pour retrouver d'autres avis sur ce livre, c'est ici : L'allègement des vernis