"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
"On revient chez soi. Beaucoup d amis me demandent comment je fais pour ne pas me lasser de voyager autant et souvent si loin. On se lasse au contraire de rester chez soi, dans sa propre ville et son propre monde, où l on est broyé par des tracas et des devoirs, transpercé par les mille flèches banalement empoisonnées du quotidien, opprimé par les idoles de sa propre tribu. C est quand on est chez soi que se jouent, en bien et en mal, la vie, le bonheur et le malheur, la passion, le destin. Le voyage, même le plus passionné, est toujours pause, fuite, irresponsabilité, trêve de tout véritable risque. On revient donc chez soi, au monde adulte, sérieux, envahissant." Claudio Magris a depuis longtemps le goût, dans ses voyages, de s écarter des sentiers battus pour cueillir l inattendu et souvent le ténu, une façon bien à lui de feuilleter le grand livre du monde qui sans cesse lui donne matière à réfléchir, à s émouvoir, à vivre enfin - et à écrire, bien sûr, puisque pour lui les deux sont inséparables.
En 2003 et 2004, il a visité la Chine, le Vietnam et l Iran, creusets de très anciennes civilisations et aujourd hui théâtres d importantes mutations politiques et historiques. Sous la diversité des apparences, qu il sait apprécier à sa juste et irremplaçable valeur, il perçoit la permanence et l universalité de l humain, notamment à travers ses rencontres avec de nombreux étudiants, universitaires et écrivains. Et il nous invite, à travers des analyses éclairées par une grande érudition et une réflexion toujours active à nous défier des approximations et des schémas qui ont cours à propos de ces pays. Il évoque, dans leur complexité et sans complaisance, certains aspects majeurs du passé ou du présent tels que l impact de la révolution communiste puis de l évolution vers une économie de marché (Chine), les stigmates laissés par la violence et la guerre et la faculté des peuples à en guérir (Vietnam), la nécessaire distinction entre les sphères éthico-religieuse et politico-juridique (Iran), les tourments infligés à des peuples (les Arméniens) et à des individus (par exemple les enfants américano-vietnamiens), les enjeux de la globalisation... Sans jamais perdre de vue que le temps de ces simples chroniques est celui, très éphémère, de l instant vécu et qu avant, après, rien n était, ne sera pareil.
Il nous livre aussi dans ces pages son sentiment sur le voyage lui-même, vécu comme persuasion, c est-à-dire la capacité de vivre l instant, chaque instant, et comme désir de s abandonner au monde qui risque d entraîner l être jusqu au bord de sa propre dispersion, mais peut lui permettre aussi de se retrouver. Le voyage est sans fin parce qu il n y a jamais de point d arrivée ni de retour définitif.
Traduit de l italien par Jean et Marie-Noëlle Pastoureau
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