"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Après Trois jours dans la vie de Paul Cézanne et Trois nuits dans la vie de Berthe Morisot, Mika Biermann revient à la peinture. Dans cette merveille de petit ouvrage, l'écrivain s'empare cette fois-ci de la figure de Vincent Van Gogh.
Trois moments de la vie de Vincent sont marqués par trois femmes : Saskia, la petite gardeuse d'oie, pendant son enfance ; Agostina, sa compagne éphémère, modèle pour les peintres « de la Butte », patronne du café le Tambourin et qui le quitte ce jour-là ; et enfin Gabrielle, accorte paysanne d'Auvers-sur-Oise et dont le chien vient d'être trucidé par des canailles, le jour même de la mort du peintre.
Évitant le piège hagiographique, Mika Biermann, renvoie ici Van Gogh à l'arrière-plan des seconds rôles pour mettre en majesté ces femmes de rencontre.
Le roman aurait pu être tout simplement trois étapes dans une vie d'homme, l'enfance, l'âge mûr, la mort.
À travers trois femmes, nous découvrons à la fois les origines, les désirs et la passion de la peinture, et l'œuvre de l'artiste.
L'enfance, et la rencontre avec Saskia c'est avant tout l'éveil des sens dans une vie jusque là bordée par un père pasteur, une vie de famille austère aux Pays-Bas, et l'appel des couleurs qui illustrent bien mieux la vie que le noir et blanc imposé par le père avec son Dieu et son Diable.
L'âge mûr a Paris, quand la vie artistique foisonne mais que les peintres maudits tel Vincent ne savent plus comment survivre. Quand l'argent vient à manquer et que même Agostina, la femme qui le soutient, ne peut plus continuer à tenir son estaminet et doit fermer boutique, quand les cafetiers de la bute refusent le don de toiles de Vincent en paiement de quelques vivres.... Ah, si seulement ils avaient ouvert les yeux sur ce monde de couleurs qui s'offrait à eux.
Quand enfin dans les sentiers, les champs et les ruelles de Auvers-sur-Oise, celui qui aura peint un tableau par jour pendant les 70 jours de son dernier séjour sur terre va trouver la mort au bord du chemin. Il aura rencontré Gabrielle, qui n'a pas vraiment fait attention à cet homme blessé tant elle était de son côté occupée à venger la mort de son chien.
Trois femmes, trois époques, pour une vie de passion, celle de la couleur, de la peinture, d'une œuvre incroyablement belle et différente de tout ce à quoi ses contemporains étaient habitués.
Un court roman qui m'a rappelé de très bons souvenirs. Auvers-sur-Oise bien sûr, dont j'ai pu arpenter les rues pendant plus de 30 ans, habitant tout à côté, l'auberge Ravout, les pas de Vincent, les tombes de Vincent et Théo. Mais aussi les Pays-Bas et les souvenirs du musée Van Gogh, l'austérité qui se dégage des premières œuvres, puis la vie et les couleurs lumineuses, éclatantes, les traits vifs, parfois tourmentés de celles que nous connaissons tous plus ou moins.
Saskia, Agostina et Gabrielle
Dans un court roman Mika Biermann raconte trois rencontres dans la vie de Vincent Van Gogh. Le garçon, l'homme dans la force de l'âge et celui qui déprime, à quelques heures de sa fin, vont croiser la route de Saskia, Agostina et Gabrielle. Une jolie manière de résumer la vie et l'œuvre du peintre.
Quand il fait la rencontre de Saskia, le jeune Vincent Van Gogh va sur ses dix ans. Nous sommes aux Pays-Bas, à Groote-Zundert et le futur peintre découvre la vie. Il peut se réjouir du soleil qui brille sur la campagne, mettant un peu de relief dans des paysages le plus souvent gris et ternes. Mais sa journée va devenir vraiment mémorable quand il va assister à un spectacle aussi merveilleux qu'inattendu. La gardeuse d'oies profite de cette chaleur pour se déshabiller et prendre un bain dans la rivière, ne cachant rien de ses formes sculpturales, de ses rondeurs affriolantes. La vie est belle et l'occasion idéale pour réfuter le précepte de son père pasteur qui énonçait que Dieu avait créé le monde en noir et blanc et que c'est le diable qui y avait mis des couleurs.
Quelques années plus tard, le jeune homme est à Paris. Il est toujours sans le sou, mais il peut compter sur le soutien de son frère Théo et sur la plantureuse Agostina qui partage sa couche avec lui. La patronne d'un petit estaminet du côté du Boulevard de Clichy va bientôt faire faillite. Mais avant de qui la capitale, elle partage quelques rêves avec le peintre. Un voyage en Italie, un beau mariage...
Las, le ciel de la capitale reste désespérément gris et froid. Il n'est en réalité que question de survivre, alors que jamais peut-être autant de grands peintres ne réalisent des œuvres majeures durant cette période d'une richesse artistique sans égale. Mais l'ironie de l'histoire veut que ses toiles qui se vendent aujourd'hui des millions d'euros pouvaient alors être cédées à un tripier pour régler une ardoise et que ce dernier considérait ce cadeau comme une arnaque.
Gabrielle, quant à elle, ne connaît le peintre que pour l'avoir croisé à Auvers-sur-Oise, traînant sa mélancolie. Occupée à venger la mort de son chien, elle ne prêtera guère attention à ce vagabond qui, quelques heures plus tard aura cessé de vivre.
Mika Biermann, qui connaît la vie de Van Gogh comme sa poche, réussit le tour de force de nous la raconter à travers ces trois femmes. Mais au-delà, son style très imagé lui permet aussi d'évoquer les toiles les plus emblématiques du grand artiste. En le suivant dans ses pérégrinations, on "voit" ses sources d'inspiration, les paysages et les hommes, les couleurs et les ombres. Voilà une heureuse initiation à une œuvre majeure qui fait suite à Trois Jours dans la vie de Paul Cézanne et Trois Nuits dans la vie de Berthe Morisot.
NB. Tout d'abord, un grand merci pour m'avoir lu jusqu’ici! Sur mon blog vous pourrez, outre cette chronique, découvrir les premières pages du livre. Vous découvrirez aussi mon «Grand Guide de la rentrée littéraire 2024». Enfin, en vous y abonnant, vous serez informé de la parution de toutes mes chroniques.
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Elles sont trois, trois femmes qui ont eu une importance dans la vie de Vincent Van Gogh. Le première c'est Saskia, premiers émois adolescents, la deuxième Agostina modèle et soutien, la troisième Gabrielle, croisée la veille de sa mort.
Un roman bien écrit selon un parti pris: évoquer des instants d'un homme connu sans vraiment les relier les uns aux autres. Un prologue et un épilogue plus longs et plus explicites ne m'auraient pas déplus. Je reste un peu sur ma faim, il m'a manqué une vingtaine de pages!
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