Des conseils de lecture pour faire le plein de découvertes
« L'alcool se liquéfie en passant par les intestins du serpent », lança Wilfrid, fébrile, agité en tous sens à la vue de l'alambic posé au centre de la place de la mairie, face au Goulet-Turpin. Le distillateur versa le marc de raisin dans sa bouilloire. Son écharpe tricolore en écu (il sortait du conseil municipal), les mains sur les genoux, mon grand-père écoutait le grésillement tuyauté de la liqueur. « Visite les entrailles de la Terre, cadet ! Ce qui passe ici se passe en toi, de la même manière. Tout au plus sommes-nous machinés comme des tuyaux d'orgue, des souffleries, des cucurbites échauffés à la moindre émotion, un clapet cliquette : c'est la parole ! ».
Portrait de Wilfrid, grand-père, imprécateur colérique, pêcheur ivre, poilu astronome, spirite macabre, maître queux oriental, furet latiniste, voyant, topographe solitaire, étrusque picard, souffleur perplexe et... momie.Érik Bullot est né en 1963. Il est écrivain, cinéaste et photographe. Après des études à l'École nationale supérieure de la photographie (Arles) et à l'IDHEC (Paris), il réalise des films à mi-chemin du film d'artiste, du documentaire et du cinéma expérimental. Ses films explorent les puissances poétiques et formelles du cinéma. Sa filmographie compte une trentaine de titres.
Tombeau pour un excentrique a été publié en 1996 par Eyrolle éditeur. Sa réédition a été revue par l'auteur.
Des conseils de lecture pour faire le plein de découvertes
Le fronton des républiques du cœur. « Tombeau pour un excentrique » est une bouffée d’oxygène. Un lâcher de crayons de couleur. Pétri de malice, de soubresauts, de bienveillance et merveilleux d’intelligence.
Ce livre unique est une ode pour Wilfrid. Le grand-père du narrateur (double de l’auteur). On aime d’emblée ce tombeau à l’instar de l’Alcazar et d’une grotte cachée en haute montagne. La vie palpite tout au long des pages. Elles font saillir l’émotion de lire du grandiose. L’écriture palpite et virevolte. Les multiples signaux pour les initiés (es). Pour tous, la chance innée d’apprendre la géométrie comme le pain nourricier du matin.
L’enchantement d’un texte qui ne tient pas en place, bouge et frétille. Il annonce l’hommage roi d’un homme extraordinaire, joyeux, libre, et stimulant. Un gai-luron, un grand-père et franc-maçon dévorant d’authenticité.
« Tu dois dissimuler dans le chaos des morceaux brisés du carrelage trois fines lignes blanches se coupant en triangle, la pointe orientée vers la butte, l’Orient quoi ! Le delta lumineux doit être à la fois absent et présent . Qu’il disparaisse sous sa propre apparence…Le feu gronde sous la mosaïque ».
Érik Bullot enchante les pages. Le portrait atypique de Wilfrid dont on le verrait bien maire dans Clochemerle de Gabriel Chevallier. Conscient du temps présent, épris de symbolisme. Le temple jusqu’aux pavés (mosaïques) de la cuisine. Le récit est un feu de St Jean, lorsque l’on saute au-dessus des flammes . On sait qu’ici s’élève l’égrégore des grandes importances. Lovées souvent dans les petits riens et les paroles tirées au cordeau. Ici, c’est la joie de vivre qui danse.
« Wilfrid, lui, aime le tranchant, le contondant, les sabres, les fleurets, les coupe-papier, les rasoirs. L’âme est une lame. Le plus tendre domine le plus dur, l’eau engouffre la lame qui la fend dans un tourbillon d’écume. »
La maison catalane, signature de l’excentricité. Oser être le tout et offrir une éducation dont les consignes sont des adages, des respirations, et des postures venues de cet ailleurs parabolique et formateur.
On aime la douceur de sa voix, son caractère affûté aux rituels de son libre-arbitre.
« L’écriture est fleurie », me dit-il, dépliant ses agendas sous le saule, croquant des raisins secs, « au seuil du jardin que ne trouble nul cyclone. » « L’épée que l’on aiguise sans cesse peut-elle conserver longtemps son tranchant ? »
Ce livre est une percée de lumière. L’héritage dans les carnets, les filigranes et les pavloviennes attitudes. L’acuité d’un hommage où la transmission est garante. Sans pathos aucun. Érik Bullot convoque les rires et les élégances. Et l’on aimerait connaître le son de cette voix singulière et délicieusement optimiste, en vérité. Ce grand-père dont les multiples facettes sont des conjugaisons oniriques.
« Il sait que j’écris. J’ai emporté ses carnets, sa collection de photos, ses lettres, cahiers, livres. Patiemment recomposé la mosaïque, ses entrelacs, ses caprices. Son héraldique. J’accumule les traces ».
Ce livre est un edelweiss à flanc de rocher. Précieux et salvateur, mage et signifiant. Un grand-père feu follet, original, épicurien.
« Imprécateur colérique, pêcheur ivre, poilu astronome, spirite macabre, maître queux oriental, furet latiniste, voyant, topographe solitaire, étrusque picard, souffleur perplexe et… momie . »
Ce texte flamboyant est une aurore boréale. Une rose blanche entre nos mains. (Prenez soin de la page 96).
Lire Érik Bullot c’est tomber amoureux (se) d’un style, d’une histoire de vie courtoise et noble et qui nous fait une sacrée accolade.
Haut les cœurs !
Publié par les majeures Éditions Quidam éditeur.
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