"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
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lu dans le cadre du Grand prix des Lectrices Elle - catégorie fiction
Alors alors voilà un roman qui n'était pas du tout pour moi ! Ces cinq jours passés dessus ont été une épreuve... C'est vous dire !
Explication : on est ici face à une écriture ultra originale et poétique, pas de majuscules, de nombreux retours à la ligne, des insertions de paroles ou pensées au milieu du récit, un village étrange impossible à situer dans le temps et l'espace...
J'ai su immédiatement que ça ne le ferait pas, je me suis sentie bête toute ma lecture, me demandant qui parlait et pourquoi je n'arrivais pas à apprécier cette œuvre qui avait tant éblouie mes camarades co-jurées !
C'est une ambiance étrange et dérangeante, car la protagoniste travaille dans une plumerie, donc elle dépèce les cadavres de bêtes, tout en offrant son corps aux hommes du village, tout en formant les prochaines filles qui prendront sa place...
Je ne voudrais pas trop en dire, au risque de faire du tort à ce texte qui trouvera son public et envoûtera certaines personnes.
Bonjour, Juste pour ceux et celles qui ont apprécié l'oeuvre sur la couverture du livre: la personne qui a réalisé au fusain cette femme vue de dos s'appelle Marina HO. Vous pouvez retrouver ses oeuvres à la Galerie FELLI, 31, rue Saint-Paul 75004 Paris. Cordialement, Olivier
Lu dans le cadre du Grand Prix de Elle
En ouvrant ce livre j’ai tout d’abord été déconcertée par le style puis je me suis laissée embarquer dans cette histoire poétique. Elle se déroule à Kangop au Canada où se côtoient deux communautés : la bourgeoisie dans le haut Kangop et les plus pauvres dans le bas Kangop. Les deux fréquentent Peau-de-sang la plumeuse et prostituée qui vit dans le bas Kangop. C’est une femme libre, objet du fantasme des hommes qu’elle accueille dans son lit tout en gardant farouchement sa liberté et refusant d’épouser le médecin. Elle plume les oies pour le duvet de l’usine, dépèce les animaux de la chasse et effectue de merveilleux travaux de broderie à base de plumes ou de cheveux prélevés en paiement. Son rôle auprès des femmes est également très important. Les jeunes filles viennent la voir pour une aide à broder leurs trousseaux, elle leur apprend à manier l’aiguille mais aussi à découvrir les replis secrets de leurs corps. Elle fait également découvrir de nouveaux plaisirs aux femmes mariées qui deviennent ensuite exigeantes auprès de leurs époux.
Bien sûr tout ça ne peut pas bien finir !
Difficile de parler de ce livre, en me relisant je me rends compte que mes mots sont très plats face à la force et à la poésie de ce livre. Je sais qu’il ne fera pas l’unanimité, mais si on monte à bord, le voyage sera merveilleux.
Peau-de-sang est le surnom attribué à une femme, plumeuse d’oie et travailleuse du sexe. Dans sa plumerie elle accueille des hommes mais aussi des femmes . Dés les premières lignes, nous savons que Peau-de-sang a été assassinée. C’est elle, la narratrice de cette histoire qui nous le dit. Mais qui était-elle ? Pourquoi l’a-t-on assassinée ?
On rembobine donc sur un an le fil dans le fuseau du temps, on détisse les mois et les semaines afin de découvrir la trame de cette histoire. Une histoire de désirs violents assumés ou non, assouvis ou non. Peau-de-sang est une femme libre et forte, dans son échoppe se fait l’éducation des jeunes filles mais aussi des femmes mariées. Elle apporte aux hommes la douceur d’un moment et le réconfort du corps. Tout est affaire de corps, pas de tendresse, rien de ce qui s’y joue n’a à voir avec l’amour. Elle enseigne les choses du corps à qui veut apprendre. Elle hante l’esprit des hommes avec sa sensualité, son désir assumé et son absence de morale tout en les mettant en danger. La plumerie intrigue et est promesse de quelque chose, elle excite le désir des femmes tout comme celui des hommes.
Ce livre est une histoire de désirs. Dans cette ville de Kangoq, figée dans le temps, isolée dans la solitude glaciale des forêts, la plumeuse aide les hommes à assouvir leurs instincts mais aussi les femmes à découvrir leur corps et à exprimer leurs désirs.
Alors qu’au départ on a l’impression que cette l’histoire est celle des hommes qui viennent à la rencontre de Peau-de-sang, on se rend compte qu’ en fait, en arrière-plan, c’est l’histoire des femmes du village, qui, à son contact se rencontrent entre elles et commencent à développer leur propre voix. Au fil des chapitres l’histoire des hommes est supplantée par celle des femmes qui opèrent les transformations sociales de cette communauté.
Audrée Wilhelmy nous livre ici une histoire de femmes et de transmission ainsi que le parcours initiatique de jeunes filles qui vont apprendre de la plumeuse bien plus que la broderie et la confection de leur trousseau.
L’autrice a fait le choix d’une écriture très particulière sans point ni majuscule pour ce récit poétique, qui, tout en délicatesse évoque l’appel de la chair et la sournoiserie des hommes.
Ce texte incantatoire libère les femmes du poids de leur héritage et leur fait reprendre la main sur un destin jusqu’alors tout tracé par le patriarcat.
Lu dans le cadre du « Grand Prix des Lectrices ELLE 2025 ». Je remercie les Editions « Le Tripode » pour cet envoi.
« dans la vie de mes amants, je suis l'autre chapitre, le texte plus court, celui de l'interdit, des possibles avalés par les mots de tous les jours: les autres doivent écrire à tâtons avant de trouver la langue exacte du corps déposé dans le lit, moi je suis polyglotte des désirs »
Elle, c’est Peau de sang, la tenancière de la plumerie située dans le bas de Kangok, le quartier où vivent les pauvres de ce petit village perdu dans la forêt québécoise.Ils sont pourtant nombreux les notables à pousser la porte de sa boutique ou à passer devant sa vitrine où, impudique, elle dévoile ses charmes à la vue des passants, suscitant dans un même temps attraction et réprobation. Il y a le maire, le médecin, le chasseur ou encore le notaire, qui viennent rechercher le plaisir de la chair. Il y a aussi les mères de bonnes familles qui lui confient leurs filles pour qu’elle leur enseigne les mystères du corps, ou encore les femmes jalouses ou simplement envieuses, curieuses de savoir comment satisfaire leurs maris. Mais dans ce lieu où la plus grande douceur côtoie la plus brutale des violences, où plumes et rémiges se mélangent aux cadavres, aux chairs, aux crânes et au sang des oies sur lesquelles elles sont prélevées, c’est aussi le refuge des indigents, des orphelins, et l’antre de curieux sortilèges. Portrait d’une femme libre, sauvage, et affranchie, d’une femme indépendante mi putain mi sorcière qui assume avec fierté sa féminité. Jusqu’à attirer rancœurs et jalousies…
Ce livre est à la fois fascinant et déroutant et il m’a fallu du temps pour en rédiger un avis. À l’image de la superbe illustration de couverture, les premières pages m’ont plongée dans le brouillard et m’ont fait perdre mes repères. Pas de points, pas de majuscule, pas de phrase, Des énumération, et un récit ou les dialogues se mêlent à la narration dans un fouilli surprenant. La langue est violente, charnelle, mais aussi érotique et poétique. Elle choque, elle bouscule, elle caresse et elle enveloppe, provoquant au final une attraction quasi magnétique. Et puis il y a le propos. Il prend la forme d’un conte un peu
mystérieux, un peu étrange, mais il porte un message féministe puissant qui m’a vraiment séduite. Il aborde aussi les fractures sociales, la question de la différence, ou encore le poids des conventions, ces barrières invisibles qui nous cloisonnent et nous entravent, un maelström de thèmes qui pourtant s’emboîtent dans un récit étonnant.
Cela donne un roman sombre et sensuel qui surprendra et divisera, mais qui marquera, j’en suis sûre, par son originalité. Vous l’aurez compris, je l’ai fini conquise. Et vous, qu’en avez vous pensé ?
Kangoq est un petit village comme on n’en trouve que dans les contes. On y croise un chasseur, un notaire, un orphelin, un maire, un médecin, des ouvrières. Tous s’agglutinent, affolés ou intriguées, devant la vitrine embuée de la plumerie, contemplant leur reflet en même temps que les jupons de la narratrice qui éviscère, dépèce et brode, dans la poussière et le duvet. Là, dans les odeurs faisandées, au milieu des carcasses et des peaux, la plumeuse reçoit le désir des hommes autant que les questions des femmes : “je suis là comme ils me veulent, sans nom, sans visage que celui qu’ils m’accolent.”
“Je vois les débutantes passer à la fenêtre et je n’envie pas leur âge, je sais qu’il mène au mien.” Sauvage et souveraine, riche de ses dessous brodés insolemment portés sous trois tabliers sanguinolents, elle est la lumière qui manque à ce petit monde enténébré : “je sais tout enseigner à qui veut apprendre”, la couture, l’éviscération, le commerce, le langage des corps. “Il n’est pas difficile de déchiffrer une âme surgie devant soi, déposée dans son amas de chair, de peau, elles sont toutes pareilles, brodées de veines et d’artères.” Mais la plumeuse, depuis sa fenêtre sans rideau, peine à éclairer les ruelles noires de Kangoq, aussi sombres que l’âme errante d’une vache dépiautée, que le sang qui dégouline des arbres, que les esprits étriqués des villageois, que les dangers qui guettent les femmes seules.
Ce livre ne contient pas de majuscule et pas de point, car rien ne termine ni ne commence dans cette histoire venue d’un autre temps. Les tirets y sont légions, annonçant parfois des répliques, et parfois pas. Ils entaillent quelque peu la lecture, mais ils relient aussi, ils emmêlent, ils tissent, “dans la vaste étoffe de la fiction”, de la poésie hachée.
Voici un livre qui se vit plutôt qu’il ne se raconte. Entrez dans une ambiance, sensorielle et sensuelle. Il n’y a pas de lieu ni de temporalité, à part la saison de l’hiver. Pas de majuscules ni de point.
Il est beaucoup question de sang, d’abord dans la scène d’ouverture où Peau-de-sang est morte dans son atelier, mais aussi dans les scènes d’éviscération des oies ou d’autres animaux pendus à des crochets, pour récupérer ensuite leurs plumes ou fourrure.
Après la scène d’ouverture, on part en arrière pour savoir ce qui s’est passé. C’est la morte qui raconte. Peau-de-sang est travailleuse du sexe et vit dans une plumerie. Elle aide chacun, aussi bien les femmes que les hommes. Elle prépare les jeunes filles avant leur mariage. C’est une femme libre qui parle de désir et de sexualité sans détours. Elle montre son corps le soir venu.
D’autres voix se mêlent ensuite à la sienne, notamment un chœur de femmes du village comme dans une tragédie grecque. Les notables défilent chez elle, d’autres la regardent par sa vitrine.
Un livre qui peut décontenancer certains lecteurs, mais qui en vaut largement la peine. C’est un texte original et poétique, une voix unique, un imaginaire foisonnant. Laissez-vous bercer par cette voix sortie d’outre-trombe, comme dans une sorte de conte.
Il s’agit du sixième roman de l’autrice québécoise Audrée Wilhelmy, actuellement en tournée en France.
Je remercie Frédéric Martin et les éditions du Tripode pour cette lecture par l’intermédiaire de VLEEL.
Difficile de donner réellement un avis sur ce court roman.
Original, troublant, dérangeant voir malaisant….
C’est très bien écrit, on aimerait adorer l’héroïne, mais je ne sais pas, quelque chose me retient.
Pourtant, une jeune femme qui plume des oies, dans une ville obscure…et qui finalement, « tient » toute la communauté par sa seule connaissance de la sensualité, c’est assez intrigant.
Une femme qui se mesure aux hommes et aux notables.
Mais c’est souvent confus, on sent que bien sûr, toute cette histoire va fatalement se finir dans le sang….mais là, vraiment, ce n’est pas très clair.
Alors je ne sais pas, il faut le lire pour l’originalité, se laisse porter, ne pas trop chercher d’évidence. Et se dire que c’est un livre, comme un ovni !!
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