Un premier roman consacré à un courageux homme d'art et de culture, mort à Auschwitz en 1942
Décembre 1941. René Blum est arrêté à son domicile parisien avec le concours de la police française, au cours d'une vaste rafle de notables de confession juive. Il est déplacé des camps d'internement français à celui d'Auschwitz, où il perd la vie. Frère cadet de Léon Blum, la grande figure du Front populaire, René Blum est un homme de son temps, au service des arts. Tour à tour journaliste et critique à la Revue blanche et à Gil Blas, il fut aussi directeur artistique de casinos et du théâtre de Monte-Carlo - où il succéda à Diaghilev à la direction des Ballets russes. Il fréquenta aussi bien les écrivains que les peintres et les musiciens avant-gardistes. Profondément humaniste et courageux, il mena pourtant une vie de famille chaotique. Un premier roman riche, passionnant, qui nous fait découvrir les multiples facettes de ce personnage historique méconnu dont l'engagement pour son pays fut considérable.
Un premier roman consacré à un courageux homme d'art et de culture, mort à Auschwitz en 1942
Par-delà l’oubli, voilà bien le titre idéal pour ce premier roman signé Aurélien Cressely ! En effet, ce livre sort de l’oubli le jeune frère de Léon Blum : René. Ce dernier a délaissé la politique pour se consacrer entièrement à la culture, à l’art, en travaillant pour le théâtre, la danse, la musique et la littérature.
Pour faire partager la vie de René Blum, né à Paris en 1878, Aurélien Cressely s’est bien gardé d’offrir un parcours linéaire. Par touches successives, partant de 1941, revenant à 1899 puis 1926, 1942, 1937, jonglant habilement avec périodes heureuses ou dramatiques, il m’a permis de découvrir un homme qui, par exemple, a permis à Marcel Proust de publier chez Grasset, Du côté de chez Swann, roman refusé par les autres éditeurs.
D’emblée, Aurélien Cressely raconte l’arrestation de René Blum, le 12 décembre 1941. Ce sont trois fonctionnaires de la Préfecture de police qui viennent le chercher, l’arrêter parce que Juif. Comme son frère, Léon, il a refusé de fuir, de quitter son pays. Emmené en bus à l’École militaire, il y retrouve Jean-Jacques Bernard, un dramaturge avec qui il partage la même religion mais surtout la même passion pour le théâtre.
Judicieusement, alors que ces hommes sont rassemblés dans le manège à chevaux, l’auteur rappelle qu’au même moment, au palais Berlitz, se tient une exposition nommée « Le Juif et la France » et qu’elle cible principalement Léon Blum qui fut, entre autres, Président du Conseil, c’est-à-dire chef du gouvernement du Front Populaire, en 1936. Depuis 1940, il est interné en Auvergne.
Pour René Blum, c’est le début d’un parcours fait d’humiliations, de souffrances, de faim, de froid, parcours partagé avec des milliers d’autres. Aurélien Cressely emploie des mots très forts, une formulation juste et pleine de sensibilité. Même si son ouvrage est centré sur un homme, il permet aussi de ne pas oublier toutes ces vies sacrifiées par l’idéologie nazie, bien aidée par l’antisémitisme au plus haut dans notre pays.
La carrière de René Blum comme journaliste lui permet de côtoyer le monde du spectacle. Ses critiques font évoluer le genre. Évoluant dans ce milieu, il rencontre des gens célèbres comme Bernard Grasset, Théophile Gauthier, Tristan Bernard ou Marcel Proust, déjà cité.
Ce monde de la culture est assez élitiste et j’avoue que la partie consacrée aux Ballets russes de Monte-Carlo m’a un peu ennuyé mais cela a fait partie de la vie de René Blum et je comprends qu’il ne fallait pas l’occulter.
Il ne faut pas oublier aussi que René Blum a connu un camp de prisonniers pendant la Première guerre mondiale. Comme beaucoup d’autres, il a éprouvé l’angoisse du retour, redouté l’accueil qui lui serait réservé alors que la vie s’est organisée en son absence.
René Blum est aussi un père de celui qu’il appelle affectueusement Minouchou, Claude-René, dont Josette, la mère, est séparée de lui. Hélas, ce fils a rejoint l’Action française, un mouvement d’extrême-droite.
À Drancy, René Blum assiste à l’arrivée des enfants séparés brutalement de leurs parents, est effrayé par les conséquences de la rafle du Vél’ d’Hiv’. Lui qui fut le premier président du premier ciné-club de France, a été obligé de vendre les livres qu’il avait reliés lui-même, tellement la vie était devenue difficile en cette année 1941 si funeste.
René Blum méritait vraiment que sa vie, son apport important à la culture, soient rappelés, sa fin tragique aussi, à Auschwitz. Aurélien Cressely l’a réussi tout en me faisant ressentir une fois de plus toute l’horreur, l’injustice, le scandale de toutes ces vies brisées, de toutes ces souffrances insupportables que seule l’espèce dite humaine sait infliger à ses semblables.
Chronique illustrée à retrouver ici : https://notre-jardin-des-livres.over-blog.com/2024/01/aurelien-cressely-par-dela-l-oubli.html
Vibrant hommage à un homme des Arts et des Lettres que fût René Blum, frère de Léon Blum.
Encore un très beau premier roman de cette rentrée littéraire de l’automne 2023.
Aurélien Cressely fait un splendide portrait de René Blum. Ce dernier ne nous est pas familier puisque sa vie n’a pas eu la même aura que celle de son frère. Mais la vie de cet homme n’en aura pas été moins méritante pour autant.
Pendant que Léon Blum est, de par le Front Populaire, sur le devant de la scène, René sera d’abord critique, puis journaliste, puis directeur du théâtre de Monte-Carlo pour enfin devenir diriger la compagnie de Ballets russes qui, au passage, fera le dit du grand danseur Nijinski. Il s’occupera de la troupe jusqu’à la toute fin de sa vie : il a alors 63 ans.
Aurélien Cressely nous fait voyager aux côtés de René Blum tantôt dans le monde des Arts aux cotés de grands peintres tels que Matisse, tantôt dans celui des Lettres aux côtés de Proust ou Pagnol. Il jouera par exemple les intermédiaires entre Marcel Proust et les éditions Grasset, puis auprès de Gallimard pour La Recherche.
Le cinéma l’attirera en toute fin de vie active.
On navigue judicieusement dans le temps. Au fil des chapitres, on se trouvera tantôt durant les périodes fastes et tantôt durant celle de sa fin tragique dans les camps de la mort.
En 1941 il décide, par dignité pour son nom, de rentrer en France. Le 12 décembre 1941, sonnera sa fin tragique lorsqu’aura lui la rafle des notables de confession juive. Anne Sinclair a réalisé un documentaire concernant une partie de sa famille pareillement arrêtée et dans lequel elle nous parlait des mêmes scènes du quotidien de ces hommes enfermés. Documentaire aussi poignant que ce livre.
Cet humaniste a donc été arrêté, interné. On le suivra dans les camps français avec tout ce que cela sous-entend d’inhumanité. Il mourra comme tant d’autres sous les coups d’une barbarie sans nom.
La plume de l’auteur a cette sobriété qui sied à ce type de témoignage. Elle a cette finesse qui annonce la naissance d’un auteur français qui pourra se frayer un chemin parmi les grands.
Citations :
« Pourtant en ce jour si gris, elle n’avait pas su protéger ‘’son M. Blum’’ lorsqu’ils pénétrèrent Elle le regarda s’éloigner, gravant dans sa mémoire chacun de ses mouvements, de ses gestes, passer la lourde porte en fonte, traverser la rue silencieuse, rentrer dans ‘’cette foutue voiture, avec ces foutus soldats, dans cette foutue guerre » s’écria-t-elle dans une colère froide et humide de larmes. »
« Il savait que les livres renfermaient l’âme du monde et, pour cela, il en cherchait le meilleur écrin. Le livre est une porte vers l’ailleurs, vers tous les possibles qu’il faut chérir, qu’il faut protéger. Et restaient gravées en lui les images de ces livres brûlés, empilés, jetés, les flammes emportant toutes ces pages, tous ces mots. »
« René observait les autres hommes autour de lui. L’un d’eux, à quelques mètres, attira particulièrement son attention. Son regard était vide, ses yeux ailleurs. Où ? Nul ne le savait et ne pouvait le savoir, ses pensées étaient encore l’une des rares choses qu’il avait pu prendre avec lui. »
Et une phrase choisie par l’auteur et qui est de Chris Marker :
« Rien ne distingue les souvenirs des autres moments : ce n’est que plus tard qu’ils se font reconnaître, à leurs cicatrices. »
C'est un très beau premier roman qui met en avant le destin oublié de René Blum, le frère oublié de Léon.
Par un jeu de double fil narratif, on va découvrir l'homme et la vie de René d'une part, et de l'autre sa fin tragique dans les camps depuis le moment de son arrestation à l'âge de 63 ans.
René est avant tout un homme d'honneur qui a toujours refusé tout privilège, il se devait de montrer l'exemple car l'honneur de son patronyme Blum était en danger.
René Blum a toujours été un défenseur des arts et de la littérature. Attiré par ce domaine dès son plus jeune âge, il a été critique pour le journal "Gil Blas", a contribué à faire connaître Proust, Pagnol. Il a dirigé le théâtre de Monte Carlo, est devenu propriétaire en 1937 de la Compagnie des Ballets qui avait rendu célèbre Nijinski et "Le sacre du printemps". Il a dirigé la troupe jusqu'à son arrestation. Il était rentré des États-Unis, toujours dans le but de sauvegarder l'honneur du nom des BLUM, c'était son devoir d'être là.
Le 12 décembre 1941, lors de la rafle des notables, lui français est arrêté, coupable d'être juif et devient un étranger dans son propre pays.
Aurélien Cressely décrit alors son internement, la vie des camps en France, où René va organiser et participer activement à des causeries pour oublier leur condition, la déshumanisation qu'on leur fait subir. On va vivre avec lui les fausses libérations, la déportation et son rendez-vous avec la mort.
Ce livre est très documenté, il nous fait découvrir un homme attachant, profondément humain. Il permet de mettrre en lumière sa vie, son combat pour les arts et de le sortir de l'ombre.
La plume est sensible, sobre et d'une très grande justesse. Un premier roman prometteur et bouleversant.
Les jolies phrases
Son regard restait fixé sur son reflet. Irrémédiablement. Que cherchait-il ? Une réponse ?
René avait suffisamment vécu pour savoir que la vie n'en offrait pas. La vie était uniquement constellée de questions. Il appartenait à chacun de vivre avec elles.
La volonté des hommes de faire changer les choses s'arrêtait à leur égoïsme, celui de défendre le droit des ouvriers, en oubliant les ouvrières. Ces dernières étaient souvent décriées et critiquées pour leur concurrence déloyale : elles travaillaient plus et pour moins cher que les hommes.
L'art permettait de traduire la conscience, de retranscrire des époques, de révéler des peurs, et contribuait à réduire l'ignorance.
Il avait dédié sa vie à l'art et n'en attendait aucune rétribution, hormis, peut-être, de contribuer modestement à son expansion dans le monde.
L'amitié c'était aussi comprendre l'autre, tenter d'aller plus loin, chercher à connaître, à fouiller au plus profond, à découvrir ce qui se cachait, derrière le cuir dur des êtres. Peut-être, aussi, à percevoir la sensibilité.
La vie était faite d'oubli. Ce qui comptait, c'était le sens de sa vie.
https://nathavh49.blogspot.com/2023/10/par-dela-loubli-aurelien-cressely.html
Dans la famille Blum, je connaissais le grand frère Léon, mais n'avait jamais entendu parler de René, le plus jeune frère. C'est désormais chose faite grâce à ce premier roman d'Aurélien Cressely.
L'auteur a découvert l'existence de René Blum grâce au livre de Anne Sinclair sur la rafle des notables. Car en décembre 1941, René Blum, comme bien d'autres hommes qui n'avaient en commun que le fait d'être nés juifs, ont connu l'horreur absolue au nom de leur religion.
Cet homme là est un amoureux des arts. Passionné et travailleur, il refuse de suivre le chemin proposé par ses parents pour réaliser ses aspirations les plus profondes, la promotion de l'art, la danse, la musique sous toutes leurs formes. Il a été tour à tour critique d'art, journaliste, promoteur des ballets russes de Diagilev puis directeur des ballets de Monaco.
Il sera aussi celui qui permettra l'édition des romans de Marcel Proust avec qui il nouera une profonde et sincère amitié.
À la suite de la rafle de 1941, il sera déplacé de Compiègne à Drancy, puis à Auschwitz.
Le récit alterne plusieurs époques et plusieurs voix. L'internement dans les différents camps de concentration, et le fil de la vie talentueuse et bien remplie de René Blum, fidèle par delà toute logique à la famille, à la droiture et à son frère. Lui qui avait une carrière toute tracée en Amérique revient en France pour aider son frère alors interné avant son procès. Au péril de sa vie, il reste toujours fidèle à sa ligne de conduite, garder sauf l'honneur des Blum en affrontant l'adversité sans jamais reculer face aux obligations. Retour qui le fait se jeter dans la gueule d'un loup à propos duquel trop peu avaient compris l'horreur qui les attendaient.
Il est indispensable de lire ce que les hommes ont été capables de faire pour comprendre qu'il faut encore et toujours tout faire pour ne plus jamais voir cela arriver. Mais hélas l'actualité brûlante nous fait craindre le pire.
Rentrée Littéraire 2023
Aurélien Cressely a reçu pour son premier roman les Talents Cultura 2023. A l’occasion de la remise de ce prix début octobre à Paris, il a expliqué comment il a découvert l’existence de René Blum : grâce à un panneau de nom de rue devant lequel il passait tous les jours.
Après avoir effectué des recherches, il a décidé de remettre dans la lumière celui qui fut un grand défenseur de la Culture en France, en plus d’être le frère cadet de Léon Blum et grand ami de Marcel Proust.
Arrêté en décembre 1941 par la police française en raison de sa judéité avec d’autres notables, incarcéré dans des conditions terribles, il n’eut pourtant de cesse de faire vivre malgré tout la culture dans ce camp.
» René dédia sa vie à promouvoir la représentation artistique. L’art permettait de traduire la conscience, de retranscrire des époques, de révéler des peurs, et contribuait à réduire l’ignorance. René s’était battu jusqu’à sa ruine pour donner aux artistes les moyens d’exprimer leur art. Une vie passée auprès d’eux. Pour eux. «
En dépit de toutes les infâmies subies, René Blum décida d’être jusqu’au bout un homme digne. Par conviction d’une part mais aussi en raison de la position de son frère Léon.
» Il restait néanmoins le frère de Léon Blum. Depuis l’évocation du Front populaire, René avait bien senti les regards sur lui, directement ou subrepticement. Au camp, l’information avait largement circulé sur la présence du frère de Léon Blum. René le savait bien. Toute sa vie, il avait vécu avec ce halo fraternel. Il était parfois pesant. René avait ainsi toujours fait le nécessaire pour éviter toute suspicion de connivences pouvant mettre en difficulté Léon. »
J’ai été touchée par le destin de René Blum auquel Aurélien Cressely rend hommage avec une plume tout en délicatesse et intelligence. Un très beau roman.
Toujours un sujet à découvrir, Léon blum la guerre ,les nazis ,la terreur, un ensemble de découverte intéressante vis à vis de son frère dans l ombre de celui ci ,voir sa passion ,son parcours différent de son frère malgré les obstacles de la vie ,une lecture prenante et une decouverte pour moi de la vie de ses 2 frères très différents
L’intention est louable : rendre hommage à rené Blum, beaucoup moins célèbre que son frère Léon, et qui fut cependant une figure active de la diffusion de la culture en France. Il a été entre autres le créateur des Ballets russes de Monte-Carlo. Il est aussi intervenu dans la publication de Proust et dans la querelle entre Grasset et Gallimard autour de cet épisode marquant de l’histoire de la Recherche.
Comm étant d’autres, il est victime de la vague antisémite qui a traversé l’Europe au coeur du vingtième siècle, prisonnier des camps de Compiègne , puis Drancy, avant d’être déporté à Auschwitz où il décède rapidement.
Déstructurée dans sa chronologie, la biographie, alterne les passages d’enfermement et les épisodes les plus marquants de sa vie artistique.
Il est intéressant d’avoir attiré l’attention sur les antichambres de l’horreur qu’étaient les camps française, qui n’avaient pas grand chose à envier aux camps polonais.
Il est dommage que le parti pris narratif surexplique chaque donnée, créant des doublons de phrases qui signifient la même chose :
« Derrière la vitre, l'étendue bleue n'avait pas de limite, elle semblait infinie. »
Une lecture mitigée pour ce premier roman.
163 pages Gallimard août 2023
Talents Cultura 2023
Ce roman commence par l’arrestation de René Blum à son domicile en 1941. René est le frère cadet de Léon Blum, « Par-delà l’oubli » nous raconte donc la vie de cet homme resté dans l’ombre de son illustre aîné. Élevé dans une famille de cinq frères où l’art est central, une famille de militants du progrès. La vie de René sera entièrement consacrée à l’art sous toutes ses formes. Tour à tour, journaliste, critique d’Art puis directeur de théâtre, il a côtoyé les plus grands : Matisse, Pagnol, Théophile Gautier, Tristan Bernard, Émile Zola, Marcel Proust, Nijinski.
Mais le roman d’Aurélien Cressely nous raconte aussi les camps d’internement, la vie dans les baraquements, la solidarité, l’amitié, la déportation dans un train vide d’espérance. Aurélien Cressely alterne les chapitres consacrés à la carrière culturelle et la vie personnelle de René à ceux concernant sa détention dans les camps de Compiègne et Drancy.
À travers le portrait de René Blum, un homme intègre qui refuse les avantages que son nom aurait pu lui offrir, un homme qui a une certaine idée de l’humanité, l’auteur nous invite à un devoir de mémoire et de transmission afin de ne pas oublier.
Un premier roman qui est une vraie réussite, tant dans la qualité de l’écriture que du choix du sujet qui m’a vraiment intéressé.
Merci à lecteurs.com et aux Éditions Gallimard de leur confiance.
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