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L'arrivée à Palmyre réserva aux premiers explorateurs intrépides qui la visitèrent, à la fin du XVIIe siècle, un accueil saisissant : tous témoignent, dans leurs écrits, de l'étrangeté de ces ruines solennelles, surgies au milieu d'un désert hostile.
Peu de sites offrent une image aussi énigmatique que Palmyre, alimentée par la rareté des sources historiques, les légendes qui entourent ses origines (n'aurait-elle pas été fondée, selon une croyance ancestrale - non confirmée par l'archéologie -, par le roi Salomon, fils de David ?) et, surtout, par son caractère inclassable dans les typologies traditionnelles. Gérard Degeorge rend compte de la fascination exercée par ces pierres, et retrace l'histoire chaotique d'une cité qui demeure, encore aujourd'hui, largement méconnue : comment, d'une petite communauté de tribus peu à peu sédentarisées dans cette oasis du désert de Syrie, Palmyre s'éleva, à la faveur de sa situation de carrefour stratégique, au rang de puissance commerciale de premier ordre, exerçant le monopole sur les routes caravanières entre l'Inde et l'Occident.
Choyé par l'Empire romain qui prisait cette richesse, jamais pourtant ce peuple aux origines mêlées ne se soumit totalement. Sous la conduite de la mythique reine Zénobie, " la plus noble des femmes de l'Orient et la plus belle ", impératrice autoproclamée qui régna sur toute l'Asie mineure, il se posa en rival d'Aurélien, empereur à Rome. Les ruines de cet empire, l'auteur, tel un déchiffreur d'énigmes, s'est patiemment attaché à les comprendre, à la lumière des découvertes archéologiques les plus récentes.
Il décrit comment l'architecture porte les traces de l'histoire mouvementée de la ville : à la bigarrure d'une population d'origines araméenne, arabe ou iranienne, mais qui subit profondément l'influence gréco-romaine, fait écho un art mélangé, inclassable. La superposition des styles dans le temple du dieu Bel, le contraste entre le faste de l'Agora, du théâtre et des bains de la ville aux prétentions impériales, et le mystérieux visage des statues funéraires, aux yeux grands ouverts...
Dans la préface, Paul Veyne nous transporte au coeur de l'étrangeté palmyrénienne. Il détaille les multiples composantes qui s'y amalgament : l'antique fonds tribal araméen, qui restera vivace jusqu'à la conquête islamique ; la présence nomadique des " Arabes " ; et en même temps la fierté de participer à la modernité grecque, le sentiment patriotique à l'égard de l'Empire : Odainath défendit Rome contre l'ennemi héréditaire d'Iran (260 après J-C), avant que Zénobie, loin de se révolter contre elle, n'échoue à s'en rendre maîtresse (274).
Ainsi se dessine le " territoire de l'historien " : scruter les spécificités de l'époque et du lieu, en dégager la mentalité propre, et corriger avec toujours plus de finesse et de rigueur les assimilations hâtives des jugements anachroniques. Mais, en vertu même de ce décalage, éclairer d'une lumière autre les questions de notre temps - tradition et modernité, urbanité et ruralité, nation et empire, religion et tolérance...
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