"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Pendant des années, Kessané et sa soeur ont passé une partie de leurs étés en Géorgie, chez leurs grandsparents.
Même quand la situation politique est devenue instable, leur mère, Daredjane, tenait à ne pas les couper de son pays natal, qu'elle avait quitté pour s'installer en France avec son mari. Ainsi, tous les étés des années 1980, la même scène se reproduisait à l'aéroport de Moscou, au retour des vacances : les douanières soviétiques fouillaient les valises, menaçaient, terrorisaient les filles, ne manquant jamais de rappeler à Daredjane qu'ici, elle était soviétique, pas française, jusqu'à ce qu'enfin elles les laissent monter dans leur avion pour Paris.
Leur père, Tamaz, d'origine géorgienne lui aussi, issu de l'émigration de ses parents en 1921, les y attendait. La famille se retrouvait, reprenant le cours paisible des jours, dans leur pavillon du Vésinet.
Bien longtemps après, Daredjane contemple tristement le portrait de Tamaz. Son mari est mort depuis dix ans déjà et elle ne parvient pas à surmonter son chagrin. Dans la belle maison de Kessané en Provence, elle se sent seule, étrangère, tout est trop raffiné, trop loin d'elle et de la simplicité dans laquelle elle a élevé ses filles. Elle reproche à Kessané, devenue une brillante journaliste, de ne pas lui témoigner assez de compassion, de négliger sa soeur, d'être dure. La mort de Tamaz a fait voler en éclats l'harmonie passée, les soeurs, qui furent si proches, se sont éloignées l'une de l'autre.
Les raisons de ce désamour, Kéthévane Davrichewy va dès lors tenter de les élucider à la lumière des souvenirs heureux. Tout était si simple avant, et si romanesque : le coup de foudre de Tamaz pour Daredjane, venue se produire au théâtre des Champs-Élysées avec le Ballet de Géorgie ; la détermination de la belle danseuse à venir le rejoindre à Paris, alors qu'elle était repartie chez elle ; les vacances enchantées des filles avec leur mère dans la maison d'Abkhasie ; les premières amours de Kessané pour ce jeune Géorgien, un voisin de ses grands-parents...
Alternant passé et présent, la subtile romancière excelle à suggérer les failles, à scruter les dissonances - pourquoi Tamaz n'a-t-il jamais accompagné sa femme et ses filles en Géorgie ? - et surtout les silences :
Si on ne parlait pas de politique, encore moins devant les enfants, c'est pourtant sur fond d'exil et de guerre que s'est écrite l'histoire de cette famille apparemment si ordinaire.
Comme autant d'ondes de choc, les drames de leur pays d'origine viennent alors se mêler au drame intime que vivent ces trois femmes soudain confrontées à leur solitude. Nous nous aimions est un très beau roman sur les infinies répercussions que nous fait vivre la perte de l'enfance.
Dans la complexité politique de la Géorgie, une représentation du ballet de Géorgie à Paris et sa rencontre avec Tamaz va sceller le destin de Daredjane. Accompagnée de ses deux filles, chaque année elle retourne dans les montagnes d’Abkhazie jusqu’à ce que la guerre éclate et sépare les générations. Les années passent, les enfants grandissent, Tamaz disparaît et ces tournants disloquent l’amour familial.
Sur fond politique et historique, Kéthévane Davrichewy dépose toute la nostalgie des belles années sur une querelle familiale sans grand fondement apparent, montrant la fragilité des liens familiaux profonds face au quotidien, à la sensibilité personnelle de chacun… enfin, face aux choses de la vie.
Je ne peux pas dire que je n’ai pas apprécié certains côtés de ce roman, la psychologie de ses personnages et l’écriture acérée entre autres, mais j’aurais aimé plus de profondeur dans la première partie.
Un couple très uni.
Deux filles qui s'entendent bien.
Des vacances chaque année en Géorgie.
Et puis les années passent.
Le père meurt.
La guerre empêche les voyages en Géorgie.
Les deux filles ne s'entendent plus.
C'est un thème qui revient souvent chez l'auteur.
La famille et les déchirures, la nostalgie du pays.
L'histoire est prenante.
C'est une belle analyse des incompréhensions qui peuvent naître dans une famille.
Et que les mots sont difficiles à trouver pour reconstruire l'harmonie !
C'est une histoire intime et émouvante.
Un roman court à l'écriture élégante.
Après "la mer noire" que j'ai adoré, je retrouve avec émotion l'écriture vibrante de Kéthévane Davrichewy et sa nostalgie profonde dans l'évocation des paysages du Caucase et son histoire.
Kessané et sa soeur Tina avaient pour habitude d'accompagner chaque été leur mère Daredajne dans les montagnes de l'Abkhazie en Géorgie voir leur grands-parents avant que tout s'arrête brutalement avec les guerres d'indépendance des années 90.
Elles n'iront plus jamais en Abkhazie.
Une coupure franche et irrémédiable avec les lieux mais aussi avec les émotions pour Kessané et sa mère au centre du roman.
Une déchirure qui cisaille les liens d'amour comme si la perte de l'Abkhazie les avait démembrées et désunies pour n'en faire que des personnes distantes et froides entre elles. Un rupture cruelle que seule l'imagination peut encore sauver « Je voudrais tisser avec les mots une couverture qui nous protègerait, à défaut de nous rapprocher ».
Nous nous aimions, c'est un très beau roman sur le chagrin et la perte quand il ne reste que la beauté rare des images sensorielles.
Viennent les souvenirs comme des vagues sous un vieux pont entre Kessané et Daredjane qui se rejoignent même si elles l'ignorent toutes les deux.
Seules l'imagination et l'écriture ont ce talent de rapprocher et de tout dire. En silence.
Ce roman se lit comme une longue lettre à la mère.
Daredjane et Tamaz forment un couple amoureux et sont des parents complices de deux filles : Kessané et Tina.
Dans les années 70-80, la mère et ses deux filles passent une partie de l’été chez les parents de Daredjane.
Pour les fillettes, avant la joie de retrouver les grands-parents, il y a l’épreuve de l’aéroport. Cette scène d’ouverture est d’une cruauté absolue, totalement abjecte, et montre combien il est difficile pour des exilés de maintenir les liens avec leur famille.
Les deux fillettes sont différentes, Kessané n’a pas le type géorgien, Tina elle peut se fondre dans l’identité des femmes de ce pays. Mais les différences ne sont pas seulement physiques.
Kessané a une meilleure amie, comme une seconde sœur, Béatrice.
« Parfois, il me semble que tu te crois différente parce que tu es géorgienne. Peut-être son amie a-t-elle raison. Parfois, il lui semble être la gardienne d’un trésor caché. »
Si Déredjane est venue en France c’est grâce à l’amour que ses parents vouent à ce pays, danseuse dans un ballet, ils la poussent à partir pour une tournée internationale. C’est à Paris qu’elle rencontrera Tamuz.
La deuxième partie des vacances d’été pour les parents et les deux filles se passe à sillonner la France et ses trésors jusqu’à la rentrée des classes.
Dernier été en Géorgie 1993, le grand-père est décédé depuis deux ans.
Kessané et Tina vont tracer des routes bien différentes, l’ainée est volontaire et travailleuse, Tina rêve d’une carrière de danseuse, et est une enfant inquiète et possessive avec son ainée, des traits de caractères qui ne vont pas s’améliorer à l’âge adulte.
Si Kessané choisit d’écrire leur histoire c’est avant tout pour atteindre le cœur d’une mère, qui vit chez elle depuis la mort du père et cette mère est enfermée dans son monde et elle n’est pas juste avec son ainée, elle couve la cadette.
C’est un écrit intime qui montre que chacun a sa vision de la famille et qu’aucun membre ne vit les évènements de la même façon.
Bébia et Babou sont deux figures emblématique de l’enfance, et avec leur disparition il y a un délitement des liens.
Il y a aussi le premier amour, perdu, retrouvé.
L’écriture toute en finesse nous emporte dans cette fresque familiale qui n’est pas la nôtre mais qui nous amène à réfléchir.
« Je voudrais tisser avec les mots une couverture qui nous protègerait, à défaut de nous rapprocher »
Duras disait « écrire c’est hurler sans bruit », c’est aussi faire une déclaration d’amour sans fioritures.
Lu dans le cadre du Jury du Prix du Roman Fnac 2022, n’est plus en lice et c’est dommage.
©Chantal Lafon
https://jai2motsavousdire.wordpress.com/2022/08/29/nous-nous-aimions/
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