"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
« Mon temps n'a rien à voir avec ce temps qui passe à l'extérieur. C'est un temps ralenti, engourdi, un temps un peu malade que j'émiette et qui tombe comme une neige lente, poudreuse. » À l'issue d'une rupture amoureuse, le narrateur de Mon temps libre quitte Paris pour s'installer à Berlin, une ville qu'il connaît déjà pour y avoir passé un hiver fantomatique. Ainsi s'ouvrent les quatre saisons d'une vacance, d'un temps libéré des contraintes mondaines et qui aiguise la perception du monde.
Le jeune homme fait l'expérience d'une étran- geté et d'une solitude radicales, qui est aussi celle d'un entre-deux-langues.
Berlin nous apparaît ainsi sous un jour inédit.
Loin des clichés contemporains d'une ville créative et frénétique - qui surgissent parfois en négatif et comme toujours vus à distance -, cette odyssée en mineur nous confronte à sa météorologie, sa flore et sa faune, à ses lieux périphériques, à ses rebuts et ses personnages secondaires.
Mais au retour de ce voyage presque immobile, grâce auquel le narrateur interroge les preuves de son existence, quelque chose semble s'être déplacé.
Une rupture amoureuse douloureuse, une envie de tout quitter et Il part pour Berlin peu connu mais pas inconnu.
« Chaque soir, pendant des heures, je marche sur les trottoirs couverts de neige sans prendre de direction précise. Les rues sont à peine éclairées et dans les coins, entre les réverbères ou les néons, l’obscurité se creuse et devient brusquement sensible. »
L’incipit plonge le lecteur dans un temps suspendu, rythmé par une errance de perceptions et ceci au rythme des saisons.
Les premières pages montrent combien la dépression induit un voyage immobile dans le temps et étrange dans l’espace. C’est écrit à pas comptés, en noir et blanc.
Ici plus que l’histoire de ce jeune homme et sa rupture amoureuse, le lecteur entre dans ce tunnel de la dépression par le jeu de l’écriture de l’auteur. Les phrases s’étirent, se gonflent, retombent, se relèvent et refont un tour.
Tout vacille mais tout est debout.
Il décrit très bien ce sentiment de vide en soi alors que le monde continue sa vie comme si de rien n’était. Que cela soit la nature, les hommes, le monde tourne au point d’en avoir le tournis.
Comment se réapproprier sa vie ? Mais surtout quel homme sera-t-il après ? Questionnement sur le temps libre celui qui en fait nous construit. Car nous courrons tous, tout le temps, sans prendre la peine de… Jusqu’à ce qu’un événement nous stoppe en plein vol.
Une lecture qui n’est pas ombre, il suffit de suivre les cailloux du petit Poucet.
©Chantal Lafon-Litteratum Amor 15 décembre 2019.
les déambulations berlinoises d'un dépressif ....... cet état ne permet pas d'avoir une vision positive de son environnement, aussi le héros a-t-il la dent dure avec les allemands !..... seuls les oiseaux de la ville et les renards nocturnes lui semblent bien vivants et dignes d'interêt .
je trouve qu'il y a du P.Modiano dans ces déambulations, avec une description délicate de certains quartiers et les souvenirs personnels qui remontent.
c'est bien écrit et on y trouve aussi des moments d'histoire de la ville avec par exemple l'histoire de la dernière victime du mur
Berlin est toujours le lieu d'histoires intéressantes riche de son passé, de ses artistes . je suis toujours attirée par les romans qui s'y déroulent ( "cet instant là" de D.Kennedy) . Ce "Temps libre" me donne encore plus l'envie de découvrir cette ville.
Un roman calme sur un Berlin apaisant auquel on ne peut avoir accès qu'en y vivant au moins plusieurs saisons. J'y ai retrouvé les odeurs, les sensations que l'on éprouve à Berlin et la même impression que l'auteur lors du retour à Paris tumultueux mais vivant. Un livre qui donne envie de retourner dans cette ville magnifique et multiple, multiculturelle et secrète.
Je remercie lecteurs.com pour l'envoi de ce roman.
A la suite d'une rupture amoureuse et désormais seul, le narrateur part une année à Berlin, persuadé que cette ville accueillera sa solitude avec plus de bienveillance qu’aucune autre. Là, le temps s’étire doucement, entre deux mondes, entre deux saisons… Rien ne se passe ou presque, la présence de M est toujours prégnante, puis de plus en plus évanescente. Il est temps de rentrer à Paris pour se retrouver, pour savoir qui l’on est, pour revivre ?
Le narrateur se laisse porter au gré de ses absences, de ses chagrins, de ses souvenirs. Et dans ses rêveries de solitaire, on découvre Berlin autrement, pas le Berlin vivant, créatif, artistique, mais bien l’autre ville, celle que l’on ne voit pas, que l’on devine à peine.
Mon temps libre est un roman sur la disparition des sentiments, sur l’impression de vide, l’absence, qui font qu’il suffit de presque rien pour basculer dans le vide sidéral d’une vie sans but.
Lire ma chronique complète sur le blog Domi C Lire https://domiclire.wordpress.com/2019/01/26/mon-temps-libre-samy-langeraert/
« Chaque soir, pendant des heures, je marche sur les trottoirs couverts de neige sans prendre de direction précise. Les rues sont à peine éclairées et dans les coins, entre les réverbères ou les néons, l’obscurité se creuse et devient brusquement sensible. J’ai fini par m’apercevoir qu’elle ne recouvrait pas les choses, mais leur donnait plutôt un degré de consistance dont je n’avais jusque-là aucune idée : les grilles, les branches tombées par terre, les angles du caniveau me semblent plus vrais, mieux dessinés qu’ailleurs. Chez moi, le blanc des lampadaires les écrasait tandis qu’ici, le peu de lumière les gonfle et les soulève. »
Dès les premières phrases de ce court roman, Samy Langeraert installe l’ambiance qui va accompagner le lecteur tout au long du livre, faite davantage d’ombres que de lumières, de sensations que de faits. Ce faisant, il capte beaucoup mieux le pouls de cette ville que ne le ferait un guide officiel en allant d’un monument à l’autre. Il préfère se pencher sur les plantes aromatiques qui poussent sur la terrasse des appartements que nous parler de la porte de Brandebourg, s’intéresse davantage à la faune qui investit la ville qu’aux Palais que l’on reconstruit à coup de millions. Et davantage aux destins individuels qu’à la mémoire collective.
Au début du livre, il nous parle de Winfried Freudenberg dont il a découvert le nom sur une plaque commémorative. Cet homme est la dernière victime du mur de Berlin, le 7 mars 1989. Avec son épouse, il a construit un ballon mais il est repéré durant les opération de gonflage. «Le couple décide alors que Winfried Freudenberg doit partir seul (la plaque ne précise pas ce qu’il est advenu de sa femme), mais le ballon s’élève beaucoup plus rapidement que prévu et Freudenberg se retrouve bloqué des heures en altitude, "accroupi dans une boîte de 40 centimètres de large et deux centimètres d’épaisseur". On a retrouvé son corps dans la Limastrasse, dans le sud-ouest de la ville… ».
À la fin du livre, il évoque Ida Siekmann, qui serait la première victime. Elle est «morte le 2 août 1961 des suites de ses blessures après avoir sauté par la fenêtre de son appartement de la Bernauer Strasse.» Deux faits divers qui relient plus d’un quart de siècle. Car si le mur a aujourd’hui disparu – à part les quelques mètres érigés pour les touristes – il reste bien présent dans l‘esprit et dans le cœur des berlinois. Et si depuis 1989 la ville a été transformée, elle conserve de son lourd passé de vastes espaces plus ou moins sauvages dont profitent les animaux.
Lors de ses déambulations, le narrateur a ainsi pu croiser plusieurs fois un renard vraisemblablement à la recherche de nourriture.
Les jours passent et, petit à petit notre visiteur s’installe: «L’hiver s’est dissipé, le printemps gonfle, les jours s’étirent, j’examine les bourgeons de toutes mes forces, les mouches encore si peu méfiantes, je crois pouvoir sentir la chaleur du soleil sur mes poignets, mes tempes, mais ça ne va pas plus loin, et puis les phrases et les pensées s’étiolent, le blanc revient toujours, c’est comme si les idées, les fleurs, la terre, les mots s’évaporaient… »
Il donne des leçons de français via Skype à une chercheuse dans un laboratoire qui habite dans la banlieue ouest de Zurich ainsi qu’à un cadre d’une société de conseil installée sur le Kurfürstendamm, effectue quelques traductions, mais préfère de loin la musique de certains mots tels que Gedankensprung ou Schadenfreude. «Parfois, le simple fait de les retrouver sur la page d’un journal me redonne presque la santé» écrit-il.
Il s’installe à la bibliothèque mais regarde plus les autres visiteurs que ses livres, va manger une currywurst, apprécie la tiède soirée au bord d’un lac, apprécie la bière achetée dans un späti «à l’heure où la journée s’achève et où il est temps d’en faire une sorte de compte rendu mental». Il pourrait alors s’amuser à décortiquer le titre de son premier roman. Il découvrirait alors qu’il ne pouvait en trouver de meilleur, car la notion de temps y est omniprésente et que ce temps à disposition lui a conféré la liberté d’observer et de raconter.
https://urlz.fr/8LWK
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