Le festival América qui s'est déroulé à Vincennes, est l'occasion d'aborder la ittérature américaine avec Guillaume, libraire, à la librairie Mot à Mot à Fontenay-sous-bois pour nous faire part de ses trois coups de coeur.
Javier Mallarino est un célèbre caricaturiste politique colombien et une légende vivante. Avec pour seules armes du papier et de l'encre de Chine, il peut faire tomber un magistrat, renverser un député ou abroger une loi. Beaucoup de politiciens le craignent, certains l'encensent. Il a soixante-cinq ans, est séparé de sa femme depuis plusieurs années et vit retiré dans les montagnes qui entourent Bogotá. À la fin du vibrant hommage que le pays vient de lui rendre au prestigieux théâtre Colón, une jeune femme l'approche et sollicite une interview. Il la reçoit quelques jours plus tard chez lui, mais très vite l'entretien le ramène vingt-huit années en arrière, à une soirée lointaine, à un « trou noir ». Qu'avait fait ce soir-là le député Adolfo Cuéllar et qu'avait vu exactement Javier Mallarino ? Deux questions qui conduisent le dessinateur à faire un douloureux examen de conscience et à reconsidérer sa place dans la société.
Juan Gabriel Vásquez poursuit dans ce magistral roman son exploration du passé et des failles de la mémoire. Mais il livre surtout une intense réflexion sur les conséquences parfois dévastatrices du pouvoir grandissant de l'opinion et des médias.
Le festival América qui s'est déroulé à Vincennes, est l'occasion d'aborder la ittérature américaine avec Guillaume, libraire, à la librairie Mot à Mot à Fontenay-sous-bois pour nous faire part de ses trois coups de coeur.
L’auteur signe un roman d’atmosphère hyper tendu dont la progression croît au fil des pages jusqu’à la chute finale. D’un sommet à un gouffre… Javier Mallarino, un caricaturiste politique célèbre en Colombie, publié par un grand quotidien, ne se prive pas de jouer avec les réputations des célébrités en croquant l’actualité au jour le jour. Un de ses dessins, va gravement nuire à un député. Mais, ce pouvoir de dessinateur critique va être mis à rude épreuve… et venir bousculer sa propre réputation !
Tout en donnant un rendu de la ville de Bogota très réaliste, l’auteur nous livre une réflexion intéressante sur le métier des caricaturistes, sur les commentaires de la presse et leurs conséquences, sur le pouvoir d’un journal face à la société, sur le passé qui peut resurgir inopinément et le difficile travail de la mémoire…
« —Vous savez, on vit une époque détraquée. Nos dirigeants ne dirigent plus rien et se gardent bien de nous raconter ce qui se passe. C’est là que j’entre en scène. Je dis ce qui se passe aux gens. L’important, dans notre société, ce ne sont pas les événements en soi, mais ceux qui les racontent. Pourquoi laisser ce soin aux seuls hommes politiques ? Ce serait un suicide, un suicide national. On ne peut pas leur faire confiance, on ne peut pas se contenter de leur version, il faut en chercher une autre, celles d’autres personnes ayant d’autres intérêts, celle des humanistes. C’est ce que je suis : un humaniste. Je ne suis pas un humoriste. Je ne suis pas un barbouilleur. Je suis un dessinateur satirique, une activité qui comporte également des risques, inutile de vous le préciser. Le risque du dessin, c’est de devenir un analgésique social : sous forme de dessins, les choses sont plus compréhensibles, plus assimilables. Il est moins douloureux de les affronter. Je n’ai pas envie que mes caricatures jouent ce rôle, surtout pas. Mais c’est peut-être inévitable. »
« Quel étrange mécanisme que celui qui transforme une attaque journalistique en sables mouvants sur lesquels il vous suffit de trépigner pour vous enfoncer davantage, irrémédiablement. Mallarino se rendit compte qu’en isolant son offensive de tout événement concret et vérifiable, en la présentant comme un acte gratuit, il rendait la défense impossible, voire ridicule : il est difficile de répondre à un non-dit, à moins justement, de le formuler. »
« Le 4x4 de Mallarino serpentait sur la route vitreuse en direction de la ville. Fouettait la carrosserie : c’était à Bogota une de ces averses typiques qui empêchent toute conversation posée, obligent les conducteurs à froncer les sourcils et à empoigner le volant à deux mains. A gauche s’élevait la montagne, toujours menaçante, donnant toujours l’impression qu’elle allait s’effondrer sur les gens et passer sous le ruban gris de la route avant de dégringoler à droite en pente rude, puis d’exploser au loin pour devenir miraculeusement la topographie étendue de la ville. A l’horizon, là où les collines de l’ouest perdaient leur côté verdoyant et se teintaient de bleu, le ciel couvert de nuages gorgés de pluie se parait de la lumière des avions comme une vieille putain essayant une paire de boucles d’oreilles. »
« Bogota est une grande ville désolée ; à l’approche de Noël, ses rues aux lumières scintillantes lui confèrent l’aspect mélancolique d’une fête qui a mal tournée. »
Un roman de fiction passionnant sur les dessins dans la presse, ceux de Ricardo Rendon, de James Gillray « où Napoléon se coupe une belle part du gâteau représentant l’Europe », « les têtes grotesques de Léonard de Vinci », les physionomies de Pora et Lavater ou encore le fameux dessin de Daumier qui en 1834 portraiturait Louis-Philippe avec une tête en forme de poire contenant trois visages. Les dessins satiriques restent un sujet très actuel …
Toujours est-il que le portrait de Javier Mollarino est une naration talentueuse qui se lit à trait tendu…
"Les réputations" est un roman qui porte bien son nom. Après avoir lu la dernière ligne, je me suis dit que Juan Gabriel Vasquez n'aurait pas pu l'appeler autrement. Effectivement, ça parle de la vie d'un caricaturiste colombien qui publie quotidiennement dans un journal national. Ca fait 40 ans qu'il y travaille, il est célèbre et sait qu'il détient un certain pouvoir au niveau national puisque, d'un coup de crayon, il peut faire ou défaire les réputations des "puissants". Puis un jour, sa vie déraille quand une jeune femme le ramène à un épisode de son passé, le liant au décès d'un député. Au fil du roman, on en apprendra plus sur l'évolution de leurs "réputations" et sur l'impact des médias, que l'information soit sure ou pas, sur les personnes.
Le livre est court et surprenant du début à la fin. le style de Juan Gabriel Vasquez est dense mais très agréable à lire. On se complaît à relire certains passages pour mieux les apprécier ou mieux les comprendre.
Cette histoire est finalement intemporelle et pourrait être transposé au web 2.0 dans lequel un simple tweet ou publication peut détruire la réputation voire la vie d'une personne.
Ce livre est une excellente surprise et je remercie les éditions Points pour me l'avoir fait découvrir dans le cadre du prix du Meilleur Roman 2016.
Javier Mallarino, auteur de dessins satiriques pour la page Opinions du journal El Independiente, se prépare à recevoir une distinction pour l’ensemble de son œuvre. C’est alors qu’une vieille histoire refait surface.
Le métier de caricaturiste confère un puissant pouvoir à celui qui l’exerce. Et les croquis que Javier dessine à coup de traits corrosifs, malmènent les politiques, fustigent les narcotrafiquants, égratignent les militaires, interrogent les magistrats. Et d’un trait de crayon, Mallarino peut détruire une réputation, pousser sa victime à la démission ou même pire... car aux yeux de ses concitoyens, c’est une sorte de justicier incorruptible.
Cette image est le fruit d’une pugnacité à toute épreuve et d’un courage politique sans faille, à l’instar de l’homme qui lui inspira cette vocation : Ricardo Rendòn grand caricaturiste de Colombie du XXe siècle qui se suicida à l’âge de 37 ans.
Mais le roman est là pour nous montrer le revers de la médaille en explorant les failles de cet homme qui a conquis la confiance des gens au détriment de sa vie familiale et de l’amour de sa femme, cette dernière ne supportant plus les menaces et intimidations répétées auxquelles les soumets le métier de son mari.
Le soir de la consécration, à la suite des discours, une jeune journaliste se présente à Javier et lui demande un entretien. Samanta Leal, n’est pas ce qu’elle prétend ; elle est pourtant la protagoniste d’une ancienne histoire qui refait surface, celle d’un incident dont a été témoin Mallarino. Son talent et son influence avaient alors été utilisés pour discréditer et accuser le coupable présumé.
La venue de la jeune fille est l’occasion pour le caricaturiste de revenir sur cet événement, le fondement et la réalité des faits. Avec le recul, le doute l’effleure et c’est bientôt une totale remise en question qui s’empare de lui. Mais à l’époque les dessins de cet homme infaillible auréolé de son autorité morale sont une arme en faveur de la justice et il frappe.
Tout ceci est bien le cœur du roman. Qu’est-ce que la réputation ? Comment la gagner, la conserver ? Mais aussi une fois acquise, quel est son pouvoir ? Lorsque qu’une personne a la faculté de faire et de défaire une réputation ou plus généralement lorsqu’une personne a du pouvoir, n’est-il pas tenté, même avec les meilleurs intentions du monde, d’en abuser ?
Ce roman en trois parties, au style impeccable, profond et subtil nous pousse vers la réflexion et le questionnement et ce n’est plus si courant. Un vrai récit intelligent que je vous recommande chaudement et qui incite à la découverte de l’œuvre de cet auteur colombien.
Le résumé de ce livre m’attirait beaucoup et donc le thème : le pouvoir de la caricature en Colombie. C’est pour cela que j’ai été particulièrement captivée par la première partie du livre. En effet, ce livre est divisé en trois parties. J’ai beaucoup aimé la structure du roman et j’ai trouvé le découpage assez judicieux. Outre ces parties, l’auteur alterne le passé, le présent et le futur. L’énigmatique phrase de la reine de coeur (Alice au pays des merveilles) semble avoir une certaine emprise sur tout le roman : « c’est une pauvre mémoire que celle qui ne fonctionne qu’à reculons. «
D’abord, la partie concernant la cérémonie d’hommage nous fait profiter de beaucoup de réflexions de la part de l’auteur. J’ai vraiment adoré cette partie. Le reste du livre n’est pas en reste sur ce côté réflectif, mais le début pose le sujet et m’a donc marqué.
La seconde partie était plus addictive quoique différente. On entre dans le vif du sujet : l’examen de conscience de Mallarino déclenché par un certain événement, l’occasion pour lui de faire travailler sa mémoire.
C’est un passage à la fois stupéfiant et dérangeant. Malgré le résumé du livre, je ne m’attendais pas vraiment à cette tournure des événements. Cet exercice de mémoire place Mallarino face au doute. J’ai trouvé ça génial et cela a vivement suscité mon intérêt. En revanche, je ne sais trop comment prendre la dernière partie du livre. Ce court roman a été addictif et réflectif jusqu’au bout, mais je l’ai refermé avec une étrange sensation. Le dénouement est magistral et clôt le roman avec brio. Mais, je ne sais pas, je suis restée sur ma faim. En relisant la fin, je ne vois pas pourquoi. Elle est assez mystérieuse. Je pense que mon esprit cartésien voulait des réponses plus claires, même si l’auteur a fait exprès de ne pas les donner.
J’ai du mal à mettre le doigt sur cette petite chose qui m’empêche de faire de ce livre un coup de coeur. A vrai dire, malgré le fait que le livre m’ait bluffé pour pas mal d’aspects, je n’ai pas tellement aimé le narrateur. Cela ne m’a pas tellement gêné durant la lecture, mais quand j’ai refermé le livre, je me suis dit que Mallarino n’était définitivement pas le caricaturiste que j’attendais. Je ne savais pas comment le cerner, et je pense qu’il est important de bien le comprendre pour suivre son cheminement… et du coup, la fin m’a paru un peu surfaite.
Pour la couverture tout d’abord, rien de très original comme critère, mais la tonalité rouge, le stylo, le livre....Eh oui, à chacun ses déterminants... Le thème ensuite : les caricaturistes et leur impact, ceci à cause de mon métier où je rencontre et fréquente plusieurs caricaturistes... Et puis aussi le fait que la littérature espagnole ne m’est pas trop connue, mais qu’un grand intérêt se développe pour celle de l’Amérique du Sud.
Caricaturiste au trait dévastateur, dont l’entièreté fait et défait les réputations depuis les années 80, Mallarino a ses dessins qui paraissent au centre de la page “Opinions d’un quotidien de Bogota. Reprenant l’expression Ricardo Rendón, caricaturiste célèbre des années 30 qu’il a affiché au dessus de son mur, il se veut “un aiguillon enrobé de miel”. Les caricatures sont là pour “déranger, incommoder, être insulté”. Il ne supporte pas la censure ni les mondanités, au point de vivre seul dans les montagnes, séparé de sa femme. Pourtant il va accepter d’être célébré au théâtre Colón de Bogota, pour l’ensemble de sa carrière. J’ai beaucoup aimé découvrir son rituel (p.38) et une phrase dite par une ministre lors de cette soirée : “Je n’imagine pas une vie sans la caricature quotidienne de Javier Mallarino, mais je n’imagine pas non plus qu’un pays puisse se permettre de ne pas avoir un artiste tel que lui.”
C’est à la suite de cette soirée que va être intervenir une rencontre qui va introduire toute la seconde partie du livre : transition et changement qui se remarquent dans le rythme même du livre, différent à partir de la rencontre avec Samantha Leal. Alors que dans la première partie du livre et de sa vie, on ressent que peu lui importe presque les conséquences de ses dessins, cette rencontre avec cette jeune fille, son histoire et le fait d’y repenser vont l’amener à en découvrir d’autres aspects .... Et l’oubli qu’il voyait lui même comme la seule réalité démocratique de son pays lui revient en pleine figure. Les choses ne sont jamais nommées, on suppose. Mais la conséquence des murmures et de son dessin (dont je suis admirative de la description : on dit souvent qu’un dessin vaut mieux que des mots, et l’exercice n’est vraiment pas facile de décrire un dessin par des mots...) ont amené un député à se jeter par la fenêtre. Il réfléchit sur son métier. Et c’est la force et la qualité des questions posées, sur le pouvoir des médias, et les conséquences parfois imprévisibles de leurs articles, sujet encore très contemporain, encore plus lorsqu’on lit un tel livre au moment du premier anniversaire des attentats de Charlie Hebdo... L’histoire avec Samantha n’est finalement pas conclue, on ne sait pas ce qu’elle devient et si ce qu’ils ont pu découvrir lui a permis d’avancer, mais elle va avoir des conséquences radicales pour Mallarino !
L’élégance du style a aussi fait beaucoup pour que ce livre soit mon premier coup de coeur de la sélection. L’Express a appelé ce personnage le Plantu de Bogota et j’avoue que pour mettre ensuite renseignée sur les thématiques abordées dans les autres ouvrages de cet auteur, je me plongerai avec envie dans quelques uns de ses autres livres, notamment Le bruit des choses qui tombent.
Un caricaturiste vedette du plus grand quotidien Bolivien se voit envahi par le doute en regardant son passé à la fin de sa carrière. Un thème tristement d'actualité mais traité avec une rare intelligence. Juan Gabriel Vasquez traite son sujet avec pudeur et honnêteté et un talent pour la narration digne des grands auteurs sud-américains.
Mallarino est caricaturiste. Durant 40 ans ses dessins ont fait et défait les vies politiques de Bogota. C’est un personnage exotique attachant, une légende vivante qui va jouer de sa réputation dans une affaire dont il ne tire pas toutes les ficelles. Le pouvoir des médias, le sens de nos engagements, la mémoire qui entretient les haines tenaces … de beaux sujets de littérature, bien orchestrés, dans un roman sud-américain parfaitement bien écrit. Un roman qui se lit avec avidité et incite à découvrir l’œuvre toute entière de Juan Gabriel Vasquez, connu notamment pour « Le bruit des choses qui tombent ». On dirait du Garcia Marquez …
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