"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Le héros de ce roman a quitté son pays natal à neuf ans, avec sa mère désormais «analphabète bilingue». D'une enfance pauvre dont les souvenirs reviennent par bribes, il a su sortir grâce à la littérature. Biographe pour anonymes, il écrit l'histoire des autres. Pour quelles raisons s'intéresse-t-il à présent aux bénévoles qui prennent soin des plus démunis? Peut-être retrouvera-t-il parmi eux Nadia, son amour de jeunesse? Dans cette traversée, il rencontre des hommes et des femmes, comme lui en équilibre sur le fil de la vie.
Coup de cœur !
Les thématiques de l’amour perdu, de la quête de soi à travers la quête de l’autre, de la perte de repères, de l’altérité et de la grande misère s’entremêlent et nous emmènent sur les traces de Nadia tout en nous faisant découvrir tant de vies, tant de fêlures.
Un roman cependant positif et porteur d’espoir sur une thématique sombre (la misère, les funambules qui sur leur fil peuvent tomber à tout moment) qui ne bascule jamais dans le pathos, bien au contraire.
De l’audace, beaucoup d’audace dans la façon de traiter le sujet (déjà évoqué à de nombreuses reprises dont dans le sublime Les naufragés de Patrick Declerck de la collection Terre Humaine de Plon).
Un roman qui nous plonge dans la recherche d’un homme et qui, en fin de compte, nous entraîne dans la vie de tout un chacun, car tous, toutes, nous pouvons chuter au détour d’un drame. Ce texte, touchant, somptueux, riche, beau dans sa simplicité est une preuve d’amour du genre humain, de tous les Hommes, quels qu’ils soient, quelles que soient leurs failles ou blessures, leurs difficultés, leurs quêtes, car la Quête concerne chacun d’entre nous… À ne pas manquer !
J'avais aimé l'Affaire de l'esclave Furcy et j'apprécie tout autant les Funambules; le narrateur, arrivé d'Algérie à neuf ans , sait écouter, il est proche du vécu de ceux qui lui demandent d'écrire l'histoire de leur vie, ce qui va leur donner le sentiment d'avoir existé. En même temps il recherche une certaine Nadia ce qui va lui faire découvrir les associations humanitaires comme les restos du coeur, ATD quart monde car il sait que la jeune femme milite pour les démunis.
J'ai beaucoup appris au niveau des institutions humanitaires dont il parle, je regrette que les Secours catholique ou populaire n'aient pas subi le même traitement.
Le côté prête-plume ou ghost writer (on n'ose plus dire nègre) doit être frustrant quand on voit l'hommage fait à l'auteur présumé...
Du narrateur dont on ne connait pas le nom (Il faudra attendre la dernière page pour qu’il nous soit révélé) on ne sait que ce qu’il veut bien nous dire de son enfance pauvre de l’autre côté de la mer et de son arrivée en France, ce qui lui fait dire : « Je ne me sens chez moi nulle part, je ne suis jamais retourné au pays natal. Je ne peux plus dire : Chez nous. »
Il est devenu écrivain public et s’intéresse à la vie de ces anonymes oubliés, les S.D.F. les pauvres et ceux qui leur viennent en aide, ces bénévoles des restos du cœur ou des petits frères des pauvres. Mais ces rencontres, ces visites dans les associations humanitaires nourrissent aussi sa quête amoureuse, sa recherche de Nadia qui s’est mise au service des démunis.
Les funambules, ce sont tous ces démunis, ces laissés-pour-compte, avec leur fêlure qui les rend si fragiles. Bien que passé du bon côté puisqu’il possède un appartement et un travail, le narrateur a également sa fêlure. Lui aussi est en équilibre entre son passé de pauvre et ce présent où il a du mal à trouver sa place. Certains, comme l’ami de la cité Anne Franck, surnommé Bizness, revient souvent avec son culot et sa bonne humeur. Mais qu’ont-ils encore en commun si ce n’est le souvenir d’une enfance de banlieue grise et défavorisée ? Il y a aussi un beau portrait de mère, Zina. Illettrée, elle n’a pas toujours les mots mais elle déborde d’amour.
On suit le narrateur qui se dévoile peu à peu, avec pudeur et c’est à travers son regard que l’on rencontre tous ces cabossés de la vie qui donnent sa chair au récit. Comme le dit si bien Monique, une bénévole : « La précarité possède une résistance qui défie le temps » Et puis, personne n’est à l’abri « On peut être tout en haut et tomber. Une maladie. Une rupture. Un accident. Tout peut basculer en un instant »
Tous ces anonymes, en équilibre sur le fil de la vie, on les rencontre au détour d’une page, ils n’ont qu’un prénom, et pourtant ils nous deviennent si proches, soudain. Ces femmes, ces hommes, qui subissent la pauvreté et que la honte rend muets, déclenchent en nous cette réflexion sur notre part d’humanité
Ces portraits, que ce soit ceux de personnes démunies, ou en détresse psychologique, ou bien des bénévoles, je les ai trouvés émouvants et tellement authentiques. C’est là que la fiction rejoint la réalité car, au cours de ma lecture, j’ai eu souvent l’impression de naviguer entre roman et documentaire. Nul doute qu’il a dû falloir à l’auteur une immersion dans ce milieu pour en saisir toutes les subtilités afin de les restituer avec tant de délicatesse et de retenue.
C’est une lecture qui, le livre refermé, continue à nous questionner, une lecture qui bouscule.
Tout comme « L’affaire de l’esclave Furcy » que j’avais beaucoup aimé, « Les funambules » est une lecture qui marque et qu’on n’oublie pas de sitôt.
Ce roman démarre fort, voici l’incipit :
« Chez nous, il valait mieux avoir un père mort qu’un père absent. Un père mort, on pouvait lui inventer une légende, un accident du destin. Les familles les plus heureuses étaient celles dont le père n’était pas revenu de la guerre : un martyr rayonnait sur au moins trois générations. »
Dans « la hiérarchie des absents », la famille du narrateur arrive en dernière position, la moins souhaitable donc. Son père est parti faire fortune dans un autre pays. Il est revenu avec encore moins d’argent qu’avant, « un moins que rien », une véritable honte dans ce village algérien.
Mais il dit avoir eu une enfance heureuse. A l’âge de 9 ans, sa mère l’emmène en France. Elle se démènera pour qu’il puisse faire des études. Aujourd’hui il a 34 ans, il est biographe pour anonymes. Il décèle chez les personnes leur fêlure, cela reviendra souvent dans le roman. On apprendra son prénom qu’à la toute fin du roman car il a une signification particulière.
Les chapitres sont courts. Chaque chapitre évoque un sujet.
Il nous raconte par bribes son enfance, son adolescence dans une cité HLM, sa mère usée d’avoir trop travaillé, son métier et Nadia, son premier amour perdu de vue qu’il veut retrouver.
« Mais Nadia était une funambule, toujours sur le fil de la vie : aidait-elle ou était-elle aidée ? »
On lui propose un travail d’écriture avec des personnes démunies et « ceux au plus près des gens de la rue ». Ce sera l’occasion pour lui de partir à la recherche de Nadia. Aux dernières nouvelles, elle travaille pour une association, les Restos du cœur ou Les Petits frères des pauvres ou Les Morts de la rue (un collectif qui enterre les SDF).
« Nadia voulait mettre des paroles sur les maux des autres et de la beauté chez les plus démunis. Elle pensait : le livre, c’est aussi important que le pain, l’eau, l’électricité… »
Et il ne comprend que ces mots aujourd’hui en rencontrant toutes ces personnes, tous ces funambules, en faisant le parallèle avec sa propre vie.
« Moi, je suis né dans une famille où l’on n’affichait pas ses sentiments. […] Il fallait trouver une autre langue pour s’exprimer. […] Je me rends compte qu’on avait pas beaucoup de mots – la plupart tournaient autour des verbes “manger” ou “s’habiller”. »
Rencontrer avec lui toutes ces personnes engagées dans des associations comme Les Restos du cœur ou ATD-Quart monde est touchant. On réalise qu’il y a une véritable entreprise derrière, mais aussi une solidarité, un humanisme. Bref ça redonne foi en l’humain.
Mais tous ces témoignages m’ont aussi éloignée du roman. J’ai perdu le côté romanesque qui m’avait happée au début, ne le retrouvant qu’à la toute fin.
L’écriture est belle et fluide. J’ai bien aimé les discussions de philosophie lors de cafés offerts à un SDF. Ce roman va forcément plaire aux lecteurs qui, comme moi, aiment la littérature puisqu’elle est au cœur du roman. C’est d’ailleurs elle qui a permis au narrateur de s’en sortir.
Il ne parle pas la langue de sa mère. L’Algérie est un pays maudit pour elle, elle ne veut pas y retourner. « Elle est devenue analphabète bilingue ». Et ne pas (savoir) écrire est une souffrance pour elle, comme un handicap. Un roman qui aborde également le thème des différences.
Si le côté docu-fiction ne vous dérange pas, alors ce livre devrait vous plaire. J’ai noté de nombreuses très belles phrases.
« Je pense que les mots peuvent, peut-être pas guérir ni réparer, mais contribuer à ce que les personnes vulnérables se sentent véritablement exister. »
Arrivé d’Algérie à neuf ans, le narrateur Kateb a grandi dans la pauvreté au sein d’une cité HLM d’Ile-de-France. Aujourd’hui âgé de trente-quatre ans et biographe pour anonymes, il est invité par un ami neuropsychiatre à participer à une expérience, qui vise à sauver des êtres à la dérive en les aidant à coucher leur souffrance sur le papier. Amené par ce biais à côtoyer des bénévoles au service des exclus, Kateb voit resurgir de plus en plus nettement le souvenir de Nadia, son grand et secret amour de jeunesse qui se dévouait elle aussi aux plus démunis. Peu à peu, c’est son propre fil de vie qu’il se met à dérouler…
Roman, enquête, récit personnel ? Ce livre brouille tellement les pistes que l’on ne sait plus. En tous les cas, Kateb semble beaucoup emprunter à l’intimité de l’auteur, et le récit apparaît trop précis et authentique pour ne pas refléter une véritable expérience personnelle du milieu des bénévoles et des exclus. Il y a d’abord la survivance du passé de Kateb qui, de l’Algérie à la France, puis de la cité aux beaux quartiers, vit tous les jours le délicat exercice de funambule de qui change de pays et de milieu social, et qui, toujours entre deux identités, conserve au fond de lui les doutes et la culpabilité du transfuge. En constante recherche d’équilibre culturel et social, ce personnage va peu à peu reconnaître ses fêlures, au contact des êtres cabossés que sa mission lui fait rencontrer : hommes et femmes tombés du fil de leur vie ou à la recherche d’un accomplissement personnel dans l’humanitaire. Dès lors le texte prend des allures de reportage, où se dessine une foule d’anonymes d’autant plus en souffrance que leur misère reste muette et les exclut ni plus ni moins de l’humanité qui les ignore. Une réflexion s’engage sur l’assistance et la charité, qui rend particulièrement hommage aux restos du Coeur, dont on connaît l’aide alimentaire d’urgence mais beaucoup moins les actions pour le retour à l’autonomie des personnes accueillies.
Avec cet homme qui trouve, dans le bénévolat au service des exclus et des démunis, un pansement à son enfance misérable et aux fêlures de son identité, l’auteur semble revisiter sa propre histoire. Il s’interroge ainsi sur la manière dont les livres et l’écriture l’ont aidé à trouver un équilibre sur le fil d’une vie tendue entre deux cultures et deux milieux sociaux. Si l’ensemble a curieusement peiné à me toucher, sans doute en raison de la tonalité journalistique que prend souvent le récit, j’ai littéralement fondu pour Zina, la mère de Kateb, si digne et si généreuse dans l’amour maternel qui, seul, lui tient lieu de balancier dans sa trajectoire d’« analphabète bilingue ».
Hommage aux démunis et à leurs aidants, reconnaissance du pouvoir de l’écriture et de la littérature, ce livre qui renvoie au parcours personnel de l’auteur, mais aussi à nos propres fêlures, sonne profondément juste. Dommage que l’aspect souvent très documentaire du texte tende à masquer sa sensibilité pleine de délicatesse et de pudeur.
J’aime feuilleter la presse littéraire entre deux romans, je suis abonnée à Lire-Le Magazine littéraire, j’achète de temps à autres America. Le Monde et Le Figaro, et d’autres peut-être, éditent des suppléments hebdomadaires littéraires, je n’ai eu le temps que de les survoler pour l’instant même si ce n’est pas l’envie qui me manque. Mohammed Aïssaoui est journaliste au sein de la rédaction du Figaro Littéraire, il est également auteur d’essais, Son pays natale, l’Algérie, a précédemment été au centre de l’un de ses écrits Le goût d’Alger, on ne s’étonne donc pas de le voir surgir ici sous la forme romanesque du récit. Les funambules a été pressenti pour le prix Goncourt, mais n’a pas passé la dernière sélection, qui vient de tomber au moment ou j’écris ces lignes (le 27 octobre).
Nous plongeons dans l’histoire, à la fois algérienne et française, d’un narrateur d’une trentaine d’années. Un homme solitaire mais qui écrit pour et à travers les autres. Car c’est toujours à travers l’autre, sa mère, ses amis, qu’il se montre, mais son métier, et sa personnalité, l’amène davantage à jouer le porte-parole de son semblable que de lui-même. Et c’est ce qui est appréciable ici. Avec cet œil finement observateur sans jamais être inquisiteur, mais toujours juste, un esprit à l’affut de ce que son interlocuteur exprime à travers son attitude et ses gestes, ce qu’il ne dit pas. Et un fil conducteur, Nadia, sa Nadia, celle qu’il recherche, afin de clore un chapitre, le sien, peut-être le leur.
Je ne sais pas vous, mais me concernant, je commence à saturer de ces romans dans lesquels les auteurs s’épanchent à longueur de temps. Et notre narrateur, est-ce seulement Mohammed Aïssaoui, quelques éléments le laissent croire, c’est surtout l’autre qui l’intéresse, sa vérité. Non rien d’époustouflant, rien de transgressif, de blasphématoire dans ce roman, et je peux comprendre celui qui est davantage habitué à lire Bernanos ou d’autres écrits très engagés, que ce roman puisse ne pas le contenter (toute ressemblance avec une personne existante ou ayant existé n’est, bien entendu, pas fortuite). Moi, j’ai été frappée par la justesse de son regard, de celui qui se préoccupe de ces gens de tout les jours, de moi, de vous peut-être, de ce que leur apparent anonymat dissimule, mais un regard toujours pertinent et bienveillant. Voilà un narrateur, un homme qui sait mettre son interlocuteur en valeur, qui décèle ses fragilités, ses faiblesses, ses « failles » comme il le dit lui-même, qui prend soin de ne pas juger – à quoi bon ? – et surtout de rendre extraordinaire l’apparente banalité de chacun. Il est de ces hommes qui lit dans l’histoire des gens. Il est plus facile de parler de l’époustouflant que de l’immensément ordinaire, la beauté n’est seulement pas dans l’éclat du subversif mais dans la banalité de l’ordinaire que la plume de Mohammed Aïssaoui dépoussière d’un clin d’œil.
Et puis, j’ai eu une approche plus personnelle à ce roman, Parce qu’à travers ce quartier de Paris où il a essayé de se recréer un foyer, lui l’exilé, j’y ai vu une réplique de ces petites ou grandes villes de province qui ont vu arriver à diverses époques, italiens, espagnols, turcs, algériens, tunisiens, portugais, marocains, et j’en oublie. Ces villes qui abritent ces bars, un peu passés, mais que son propre grand-père, frère, père fréquentait, avec les mêmes individus, un peu paumés, les mêmes piliers de comptoir. Approche personnelle aussi parce qu’il a su percevoir du premier coup d’œil les défaillances de certaines familles qui s’adressent à lui, les égos disproportionnés.
C’est un regard presque affectueux sur les gens, une douceur apaisante qui fait du bien à coté des coups de griffes continuels des uns et des autres, des critiques littéraires qui confondent un peu parfois leur stylo avec un pic à glace. Un regard qui pénètre et sonde les gens, qui parvient à capter leur personnalité profonde au-delà de toute forme de jugement péremptoire. Cette image du narrateur avec son crayon, son bloc-notes face aux personnes qu’il interroge me fait penser à une forme de psychothérapie avec tous ces individus qui s’ouvrent à lui. C’est aussi le roman d’un homme qui cherche sa place, perdu entre plusieurs mondes, celui qui était le sien, celui qui l’est devenu, celui qui fut un temps près de Nadia. Il semble être à la recherche d’un lieu qui l’adopte, qu’il adopterait, mais finalement, peu importe le lieu, il s’agira peut être de découvrir que ce sont les gens qui l’entourent, et c’est à lui d’adopter. Les Funambules parvient à décrire la précarité, l’équilibre chancelant, de ces personnes fragiles qu’il rencontre, qui se maintiennent en vie grâce au mince fil d’une raison, d’une cause, d’une passion. Grâce à Mohammed Aïssaoui, on se rend davantage compte de la fragilité de ce qui peut nous tenir en vie, et de certaines personnes dévouées aux autres.
J’ai lu un retour négatif sur ce roman, car il n’a pas d’intrigue à proprement parler, j’avoue que c’est le genre de roman qui peut décontenancer dès lors que l’on s’attend à une structure classique, incipit, intrigue, dénouement. Je pense qu’il faut se laisser porter par les différents récits de ces personnes dont il croise le chemin et dont il sait capter l’âme comme personne. De l’observation, de la réflexion, sur ceux qui se vouent aux autres, le contraire ne l’intéresse pas, et leur redonner une parole lui permet quelque part de trouver la sienne de voie, lui le témoin presque invisible, de ces voix que personne n’écoute plus.
Un peu déstabilisée au début par l'amoncellement des témoignages énumérés par le héros de ce roman, j'ai été finalement bouleversée par ces morceaux de vies, la pudeur mêlée d'impudeur, l'abnégation dont font preuve tous ces bénévoles, qu'ils soient aux Restos du coeur, à ATD quart monde, Petits frères des pauvres ... Quelle belle tâche que celle de biographe pour anonymes, quelle richesse dans les rencontres avec ces maltraités de la vie, au point d'ignorer ses propres fêlures. Notre héros se raccroche à l'espoir de retrouver un jour Nadia, son amour de jeunesse, qu'il cherche à travers toutes ses rencontres, mais au fond, n'est-ce pas lui même qu'il cherche. Belle lecture très émouvante.
Qui sont ces funambules que va rencontrer notre narrateur ? Des artistes assurément. Des artistes pour tenter de rester debout sur le long fil de l’existence qui menace de se rompre et même qui, souvent, s’est brisé. Certains chutent inexorablement, d’autres se raccrochent aux balanciers que d’aucuns tendent depuis les associations qui aident hommes et femmes à se reconstruire sur ce périlleux chemin suspendu sur leurs vies, car vivre pour ces blessés de la vie est une acrobatie perpétuelle.
Le narrateur est biographe pour anonymes. Il est parfois une prête-plume pour une personnalité, politique ou autre, qui n’a « pas le temps » d’écrire elle-même… mais à la demande d’un éminent neuropsychiatre il a va recueillir le témoignage des écorchés de la vie, ceux qui n’osent avouer leurs fêlures ou qui ne savent comment les exprimer, de ceux qui voudraient « vivre comme tout le monde », une phrase prononcée par une funambule et qui résonne comme un électrochoc.
Du narrateur, on ne connaîtra son prénom qu’à la toute dernière phrase mais on sait qu’il est, lui aussi, porteur d’une fêlure, celle de l’exil. Un exilé de l’enfance parti de « chez lui » qui est désormais un « là-bas ». Depuis, il lui semble qu’il n’habite « nulle part ». Il va parcourir les centres d’accueils, les entités caritatives, s’entretenir avec ceux qui donnent de leur temps et ceux qui reçoivent des souffles d’humanité. En même temps, il continue à fréquenter des âmes errantes comme Le Philosophe, à s’occuper de sa mère, sa seule famille, qui n’est plus que l’ombre d’elle-même, et à tenter de retrouver Nadia, un amour perdu parlant « toutes les langues de la vie ».
Les Restos du Cœur, ATD Quart Monde, les Petits Frères des Pauvres, le Collectif Les Morts de la rue, sont les organisations qui vont être visitées par le biographe et qui met en lumière l’immense courage de ceux qui essaient de réparer le fil cassé, un fil qu’il faut continuer à saisir malgré l’absence de l’amour reçu pendant l’enfance, malgré la violence d’un conjoint, malgré le chômage, malgré le rejet et le regard des autres. Aux bénévoles de rendre moins périlleux le fragile équilibre, eux aussi nécessitent une sacrée dose d’énergie et du don de soi.
Mohammed Aïssaoui signe un livre d’une humanité inouïe et rend hommage à ces oubliés de la société. Pourtant, comme le souligne le titre d’un chapitre, « la misère a un visage et un prénom ». Une âme également et une histoire à raconter. Tout porte à croire que le journaliste écrivain a lui aussi une histoire à nous dire mais il a préféré s’épancher sur celle des autres. Une noblesse également dans l’écriture, toute en humilité et sans voyeurisme, juste mettre en lumière les cœurs assombris et d’expliquer ce qui semble inexplicable.
Une ode à la bienveillance, un socle d’humilité, une voix pour rompre le silence, qui apportent une aube sur ceux qui naissent et grandissent en cherchant un fil plus solide face aux souffrances, puissent ces funambules devenir des jongleurs de vie.
Blog => https://squirelito.blogspot.com/2020/09/une-noisette-unerentree-litteraire-15.html
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