"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Elle a beau ne le porter dans son ventre que depuis sept mois, on comprend vite que cet enfant charpente toute la vie de Joana. Il est la réponse à son désarroi d'orpheline, l'aboutissement du couple qu'elle forme avec le pâle Jorge, plus qu'une raison d'être, une revanche. Aussi, quand elle se réveille d'un cauchemar prémonitoire, elle a perdu les eaux, mais non ses illusions. La bête immonde entre alors dans l'arène hospitalière, baignée par la lueur pâle des néons fatigués. De veulerie en lâcheté, chacun des pitoyables acteurs de ce drame se montre virtuose dans l'art d'esquiver l'inéluctable. Courant derrière son délire, jusqu'à quel point Joana pourra- t-elle refuser de regarder en face la nudité obscène de l'échec ? Dans ce deuxième volet de la trilogie qu'il consacre aux paternités ratées, Valério Romão livre un récit impitoyable, tenant à la fois de l'étude clinique sur l'hystérie et du cinéma de Buster Keaton. Avec la crudité d'un Jean Rustin (seconde manière), il célèbre les noces sinistres du désespoir et du dérisoire.
Éditions Chandeigne
Parution le 19/09/2019
Rentrée littéraire 2019
Dès le début de ma lecture, j’ai été surprise par deux choses :
– d’abord concernant la ponctuation, de très longues phrases ponctuées de virgules pour donner l’occasion au lecteur de reprendre sa respiration, mais une certaine timidité quant à l’utilisation du point ; ceci étant, on s’y fait très bien et cela donne même un certain élan à la lecture ;
– et puis une vague incompréhension à la découverte des 1eres pages, lors de la scène de Joana allaitant cet enfant, qui a provoqué un certain choc en moi (était-ce l’effet escompté). Et puis on comprend… et la voilà qui sort de ce rêve… Mais reprend-elle pied pour autant ?
Alors phrase après phrase, on fait connaissance avec Joana et son mari, en découvrant le calvaire qu’ils vont vivre, celui de la perte de leur bébé.
Au delà de la souffrance qu’engendre la perte de son enfant, il y a tout l’aspect de la prise en charge de la maman dès son arrivée à l’hôpital. C’est une telle banalité pour le personnel hospitalier qu’on en est sonné. La manière dont on s’adresse à elle. Les mots et le ton sur lequel on lui annonce que son bébé, qu’elle porte encore en elle, est mort. Et dire que ce livre est écrit par un homme, c’est aussi là un des tours de force de Valério Romão d’avoir su faire passer les sensations purement féminines au fil de ses phrases sans fin. Savoir nous transmettre le sentiment de Joana, une maman en perdition, au bord de la folie. Et un papa désarmé, Jorge au pied du mur, qui découvre avec stupeur cette triste nouvelle après tant d’heures d’attente…
« Comme si l’acte de naître était aussi désacralisé qu’acheter du lait chez l’épicier. »
C’est un torrent, une véritable déferlante d’émotions qui ont fait irruption lors de cette lecture. Parce que l’histoire de Joana fait un immense écho en moi, parce que tout ce que j’y ai lu, on me l’a déjà narré : les souffrances décrites dans ce livre poignant, je les ai déjà entendues, sortir d’un hôpital sans rien dans les bras, on me l’a déjà raconté, me dire comment elle a été traitée, ce qu’on lui a caché et jamais révélé, on me l’a déjà narré. Alors je retrouve tout dans les mots puissants et bouleversants de Valério Romão, qui m’ont touchée au plus profond de mon être…
https://littelecture.wordpress.com/2019/10/23/les-eaux-de-joana-de-valerio-romao/
Ce récit poignant, fort comme un café serré est d’une écriture d’orfèvre, profondément masculine et rassurante. Malgré son ténébreux, ce récit est un plaidoyer bouleversant pour toutes les femmes. On pénètre dans cette histoire par la grande porte. Cruelle de vérité, âpre, implacable, elle annonce un drame dont l’évènementiel n’aura pas sa place. Dans ces lignes matures, pragmatiques se profile un langage contemporain, réaliste, maniant le verbe dans sa plus juste authenticité. Valério Romào se trouve auprès de Joana, l’hôte de cette histoire trop plausible. Néanmoins, la capacité de recul de l’auteur laisse entrevoir une ouverture pour le lecteur qui lit « Les eaux de Joana » en intériorité. Joana est vive, moderne, attentive aux siens, Jorge son mari et cet enfant dans son ventre, grotte parabolique où rien, absolument rien ne peut absoudre ce petit bout de vie, Francisco. Joana, seule, est écartée des affres. Le monde médical qui l’entoure devient la caricature d’un clown qui fait peur. Masque dont les ombres déchire le ventre de Joana. Ce récit démontre, pertinent, intuitif, les incompréhensions et la froideur sadique de tous ceux qui sont éloignés du ventre de cette jeune femme, matrice mère. Il insiste sur cet abîme, sur l’infini du gouffre, sur les douleurs morales de Joana qui a perdu les eaux de la vie. Ce récit décroche la palme d’or. L’auto-dérision est à portée de vue. Nous sommes dans ce brio où pourtant un drame se joue. Valério Romào a cette capacité extraordinaire d’écrire « Joana » en lettres capitales, emblème féminin des maternités universelles. Il dévoile la distance entre les faits et la réalité. C’est en cela qu’il est magnifique. Traduit du portugais par Joào Viegas ce deuxième récit après « Autisme » (finaliste du prix Fémina étranger) est aussi un livre sociétal et sociologique, une révérence pour toutes les femmes du monde, le point dans le centre de toute vie. Publié par Les majeures Editions Chandeigne.
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