"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Queensland, nord-est de l'Australie, décembre 1918. Une odeur de printemps salé.. Kader, bouleversé regarde le corps défait de sa femme Lislei, mourante. D'étranges dieux ont présidé à leur rencontre. En 1870, Lislei, l'Alsacienne, est emportée dans la tourmente sanglante de la Commune tandis que Kader, l'Algérien, est fait prisonnier au cours de la révolte des tribus sahariennes contre les colons français. Tous deux sont déportés en Nouvelle-Calédonie et réussissent à s'évader sur le même rafiot se dirigeant vers l'Australie. A son bord, ligoté, gémit un drôle de petit garçon : Tridarir. Dernier représentant des aborigènes de Tasmanie décimés par les colons australiens, l'orphelin courageux tente de retrouver les mythiques Sentiers des Rêves de son peuple Roman d'aventures et d'amour à couper le souffle, L'Enfant du peuple ancien entraîne le lecteur aux confins d'une humanité très lointaine, nourrie de rêves magiques et fondateurs ... Ce voyage initiatique, conjugué à une traversée délicieusement romanesque de l'Histoire, confirme l'humanisme désarmant d'Anouar Benmalek.
Anouar Benmalek est né à Casablanca en 1956. Il a été l'un des fondateurs, après les émeutes d'octobre 1988, du Comité algérien contre la torture. En 1998, il a obtenu le Prix Rachid Mimouni pour son roman Les Amants désunis (Calmann-Lévy, 1997). Il est considéré comme l'un des écrivains essentiels de l'Algérie d'aujourd'hui.
Australie, décembre 1918, Joseph fête son retour de la guerre, sain et sauf.
C'est une belle journée de printemps, Harry son père devrait être heureux, mais il est désemparé, sa femme Elisabeth est mourante. Il se remémore.
Cinquante ans plus tôt, Joseph s'appelle alors Kader, il vit en Algérie, à Biskra, aux portes du Sahara. Il est prince de sang, neveu de l'émir Abd El Kader.
Après la dernière défaite de l'émir contre les troupes française, sa famille doit partir en exil à Damas.
Quelques années plus tard, son père ne supporte plus cet exil et décide de rentrer en Algérie.
Le pays est alors en effervescence. En 1869 le maréchal Mac-Mahon écrivait que "les Kabyles resteraient tranquilles aussi longtemps qu'ils ne verraient pas la possibilité de nous chasser de leur pays [..] un revers de notre part sur un point quelconque entraînerait un soulèvement presque général".
Divers évènements vont accélérer le processus.
Début 1870 il est mis un terme à l'administration militaire de l'Algérie, consacrant l'établissement du régime civil. Les colons ont gagné. C'est eux, qui abandonnant la pioche ou la charrue, deviennent administrateurs.
Puis en juillet de la même année se déclenche la guerre franco-prussienne. El Mokrani un ancien bachaga (haut dignitaire de la hiérarchie administrative "arabe") songe à la révolte dès le début de cette guerre. Mais il est un fervent admirateur de Napoléon III et veut lui rester loyal. Il souhaite avant tout donner un coup de semonce au pouvoir civil.
Il y a des échanges, des demandes de négociations avec Thiers mais sans effet. Une occasion perdue, parmi tant d'autres qui suivront.
Sur ce, un mystique, Ben Haddad, proclame la guerre sainte. El Mokrani n'a pas d'autre choix qu'accepter cette alliance. En quelques jours, au printemps 1871, 100 000 combattants se rallient à ce mouvement. Il faudra 9 mois à la France pour en venir à bout.
Kader y participe avec sa tribu et est fait prisonnier. Il est envoyé au bagne en Nouvelle Calédonie.
Sur le même bateau se trouvent d'autres condamnés. Parmi eux Lislei, qui se cachera par la suite derrière le prénom d'Elisabeth.
En effet, au printemps 1871, Paris se soulève également. Les conditions de vie des ouvriers sont particulièrement misérables. Et durant l'hiver 1870-1871, la ville a été assiégée par les troupes prussiennes, ce qui a provoqué une grave famine. Le gouvernement signe l'armistice et les vainqueurs se voient accorder le droit de défiler le 1er mars 1871 à Paris. Les parisiens se sentent trahis par leurs gouvernants et s'en prennent aux troupes gouvernementales. Le chef du pouvoir exécutif, Adolphe Thiers, déserte sur le champ Paris pour Versailles. Un mouvement insurrectionnel improvisé assume alors le pouvoir sous le nom de «Commune de Paris».
La capitale doit dès lors supporter un deuxième siège, non par les Prussiens mais par l'armée française. Il s'achève dans la tragédie deux mois plus tard, avec la Semaine Sanglante, qui fait 20 000 victimes et 38 000 arrestations. Environ 10 000 personnes sont déportées vers les bagnes de Nouvelle Calédonie. Parmi elles, une certaine Louise Michel bien réelle, et Lislei personnage de cette fiction.
Les destins de Lislei et de Kader se croisent à nouveau quelques années plus tard lorsqu'ils tentent de fuir le bagne pour rejoindre l'Australie.
Durant leur fuite ils vont croiser un enfant, Tridarir, qui va sceller leur destin.
La vie les a terriblement malmenés et ils n'aspirent qu'à réussir leur évasion et regagner au plus vite leur pays respectifs.
Mais Tridadir bien qu'encore très jeune, a vécu des horreurs bien pires. Les colons australiens ne considèrent pas les aborigènes comme des humains, mais comme des animaux et les traitent comme tels. Ils les maltraitent, les chassent,les dépècent, les vendent.
Je voudrais préciser qu'en 1803, lorsque les premiers colons britanniques s’établissent en Tasmanie, la population aborigène est estimée à 6 000 personnes. Elle a chuté à environ 300 en 1833. La dernière survivante décède en 1876. Malgré ces chiffres sans appel, une polémique perdure chez les historiens concernant les "effets" de la colonisation sur la disparition des aborigènes.
Tridadir est le dernier représentant des aborigènes de Tasmanie, ses parents ont été tués de façon particulièrement atroce.
Kader et Lislei ne peuvent pas le laisser seul, ils connaissent parfaitement le sort qui lui sera réservé. Alors ils vont abandonner leurs rêves de retour et de retrouvailles pour veiller sur cet enfant.
Ce roman est porté par l'écriture toute en fluidité d'Anouar Benmalek. C'est un plaidoyer contre toutes les formes d'asservissement, les guerres, le colonialisme.
Une extrême violence est omniprésente dans ce livre mais totalement contrebalancée par l'humanisme des trois personnages centraux et l'amour qui les unit.
Et puis j'ai beaucoup aimé la poésie d'Abul Faraj Isfahani qui parsème le livre:
"Bois dans le verre du destin quand il te sert ce qui ressemble au bonheur. Mais, pour ce verre où tu ne trouveras peut-être que funeste calamité, sera-tu prêt à payer le prix exigé?"
Quel beau livre !!! Quelle histoire touchante est celle de ces trois destins rongés par le colonialisme et l'occupation.
Celui de kader algérien descendant du vaillant Emir Abdelkader, emprisonné et déporté en Australie.
Celui de Lislei jeune française communarde déportée elle aussi de son pays dans le même bateau que kader vers l'Australie.
Et enfin celui de Tridarir, dernier enfant du peuple tasmanien exterminé par les colons. Ce petit être qui a vécu plus de misères et de tristesse que n'en ont vécu kader et lislei durant toute leur vie. Cet être qui à la force des choses scellera le destins des deux autres.
L'écriture est belle, douce, empreinte d'amour et d'humanité.
Un roman à lire et à faire découvrir autour de soi.
Un livre époustouflant
merci à l'auteur pour le travail de mémoire
Un livre qui vous saisi par les tripes.J'en serai tjr reconnaissante à l'auteur pour le merveilleux travail de mémoire qu'il a fait.
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