"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
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Lorsque les éditions Tishina m'ont demandé si je voulais bien lire et commenter leur nouveau livre, j'ai d'abord, comme toujours lorsque je suis sollicité par mail, visité leur site et regardé plus largement ce qu'elles proposaient : des livres, des textes connus illustrés, Le soleil des Scorta est le deuxième, le premier est Soie, d'Alessandro Baricco. Je me suis laissé tenter -ce que je ne fais que très rarement- d'abord parce que je n'avais jamais lu ni ce roman de Laurent Gaudé, ni aucun autre d'ailleurs et ensuite, parce qu'un roman illustré, cela me faisait renouer avec mes années adolescentes et les romans de Jules Verne ou les romans d'aventures illustrés que je lisais. Je reçois donc ce livre aimablement envoyé par Antoine Ullmann, et ma première impression est excellente, puisque le livre est beau. Gros et beau. Une couverture au "pliage complexe qui fait rager les imprimeurs" (p.366 -et oui, je lis jusqu'au bout, même les indications finales de fabrication du livre), qui donc se déplie, façon poster, recelant en son recto un arbre généalogique des Scorta. La mise en page et la police sont irréprochables, et la version italique d'icelle est très classe et facilement lisible, ce qui n'est pas toujours le cas des polices en italique.
Je continue mon exploration en commençant la lecture du roman, et dès les premières lignes, je suis totalement embarqué et ceci, jusqu'au bout, sans aucun temps mort. Je rappelle ici aux ignorants -dont je faisais partie avant, mais c'était avant- que Le soleil des Scorta est écrit en 2004 et qu'il a reçu le Prix Goncourt cette même année, ce qui n'est pas à mes yeux une preuve de qualité de l'œuvre littéraire, mais il se trouve que cette année-là, les jurés ne sont point trompés. Laurent Gaudé a une écriture à la fois directe et poétique. Il procède par phrases courtes, parfois par images, qui s'imposent pour parler d'une chaleur indescriptible : "Un homme poussiéreux et sale entrait dans la maison des Biscotti, à l'heure où les lézards rêvent d'être poissons, et les pierres n'y trouvèrent rien à redire." (p.17). Les Scorta ont cette terre si pauvre dans le sang ainsi que le soleil qui les brûle mais qu'ils ne trouveront jamais ailleurs : "Jamais un Scorta, donc, ne pourrait se soustraire à cette terre misérable. Jamais un Scorta n'échapperait au soleil des Pouilles. Jamais." (p.221). Quitte à souffrir, et ils souffriront, ils restent à Montepuccio. C'est un roman sur l'attachement tant aux siens qu'à la terre, sur l'honneur -à l'ancienne- d'une famille rurale et fière, consciente qu'elle n'existe en tant que telle que sur cette terre. Une saga avec des personnages plus forts que d'autres qui sortent du lot, qui forgeront l'ossature de la famille mais qui ne peuvent le faire que parce qu'ils sont tous ensemble. Une ode à la famille, aux liens familiaux ou non que l'on tisse dans sa vie. Un texte magnifique et fort que je ne regrette pas de n'avoir pas lu plus tôt, car j'ai pu, grâce à cet oubli, le lire dans sa version illustrée par Benjamin Bachelier.
Les illustrations sont très variées, dans les techniques (aquarelles, dessins, acryliques -bon, là j'ai pris les renseignements dans le dossier de presse) et dans les thèmes, les tons et les couleurs. Ils collent parfaitement au texte. Les dessins sur la chaleur accablante rajoutent quelques degrés, par leurs couleurs chaudes. Ceux qui sont dans le chapitre sur la tarentelle sont absolument formidables, en noir et blanc et l'on voit la danse voire la transe des gens dessinés -c'est dommage que je ne puisse pas découper les pages, je les aurais bien encadrées et accrochées. On est assez loin de mes lectures d'enfance, car là les illustrations de B. Bachelier sont vraiment une lecture particulière du roman, on prend le temps de s'arrêter de lire pour les regarder, les contempler. C'est un roman illustré pour adultes. Un très bel ouvrage, de très grande qualité à tous les niveaux
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