"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Personne n'aurait pu prédire un avenir aussi extraordinaire à ce garçon né dans une famille provinciale, bourgeoise et aisée du nord de l'Allemagne. Mais le jeune homme s'appelle Thomas Mann, et il se forgera un destin hors du commun. Une oeuvre littéraire couronnée par le prix Nobel, une vie familiale mouvementée et souvent dramatique, et la traversée de toutes les tragédies politiques de la première moitié du siècle - voilà comment on pourrait résumer la vie du grand écrivain. Colm Tóibin a choisi de nous la raconter de l'intérieur et dans toute sa dimension romanesque.
Cette existence est peuplée d'autres figures inoubliables. Au tout premier plan, son épouse, la fascinante Katia Pringsheim. Avec et grâce à elle, Thomas Mann construit patiemment une oeuvre protéiforme en même temps qu'une apparence de vie confortable qui le protège de ses démons : son attirance pour les hommes. Pour ses six enfants nés entre un voyage à Venise et un séjour au sanatorium - qui seront transposés dans La Mort à Venise et La Montagne magique - il restera à jamais ce chef distant d'une famille où l'on ne sait pas très bien comment s'aimer. Son frère Heinrich, ses enfants Klaus et Erika Mann, Christopher Isherwood, Bruno Walter, Alma Mahler et Franklin Delano Roosevelt - tous joueront un rôle dans la mue du grand bourgeois conservateur en intellectuel engagé face à la montée du nazisme, ou croiseront sa route dans l'épreuve de l'exil. Mais Colm Tóibin évoque avec autant de puissance les élans intimes et douloureux d'un homme secret en quête d'un bonheur impossible. Tous ces fils littéraires, sentimentaux, historiques et politiques s'entretissent dans une fresque qui se confond avec l'émouvant roman d'une vie : celle d'un génie littéraire et d'un homme seul qu'on appelait Le Magicien.
Traduit de l'anglais (Irlande) par Anna Gibson
Cette lecture fut un vrai coup de cœur.
C’est le roman d’une vie et celle de Thomas Mann est passionnante.
C’est l’histoire d’un génie dans la Grande Histoire.
Colm Toibin raconte la vie de ce prix Nobel de littérature avec beaucoup de talent et je n’ai pas pu lâcher ce livre avant la dernière page.
Colm Toibin, romancier irlandais, a écrit une formidable biographie romancée du monument de la littérature que fut Thomas Mann.
De Lübeck, sa ville de naissance au nord de l’Allemagne, en passant par Munich, la Suisse puis enfin les Etats-Unis, nous suivons Thomas Mann au gré de ses lieux de résidence et d’exil.
Né au sein d’une riche famille industrielle, respectée et très en vue, son père était d’ailleurs sénateur, sa condition va changer à la mort de son père. Celui-ci estimant que ses deux fils aînés n’étaient pas capables de reprendre l’entreprise, il ne la leur lèguera pas.
Le jeune homme, qui écrivait déjà de la poésie, décide alors d’écrire un roman racontant la vie de sa famille : ce sera » Les Buddenbrook ». Bien sûr, Thomas a du talent et ce livre aura du succès, le premier d’une longue carrière d’écrivain couronnée en 1929 du Prix Nobel de Littérature.
Colm Toibin, au long des six cents pages du roman, dresse un portrait fascinant de cet intellectuel qui, confronté à la montée du nazisme, s’exile dès 1933 en Suisse, puis aux Etats Unis en 1938.
La vie de sa famille d’origine, de celle qu’il a construite avec son épouse qui lui a donné six enfants, le refoulement de son attirance pour les jeunes hommes, les évènements nationaux et internationaux, tout cela sera le terreau de son oeuvre littéraire.
J’ai aimé découvrir la genèse de chacun de ses romans ainsi que le contexte politique du début du vingtième siècle jusqu’en 1955, année de son décès.
» Le magicien » (c’était ainsi que ses enfants le surnommaient) m’a conquise et passionnée de la première à la dernière ligne.
On suit la vie de Thomas Mann durant tout ce formidable récit qui s'ouvre en 1891 dans l'austère maison familiale où le patriarche le sénateur règne en maître tant sur son épouse d'origine brésilienne que sur ses enfants.
Il est prévu que Thomas reprenne l'affaire familiale à laquelle il a fait semblant de s'intéresser durant son enfance, alors qu'Heinrich veut devenir écrivain. Quand le pater familias décède, ils s'aperçoivent qu'il a déshérité tout le monde, mis l'entreprise en vente… Adieu la vie bourgeoise aisée. le tout sous l'oeil acerbe de la tante Elisabeth, la soeur du patriarche.
Vus les résultats scolaires de Thomas la famille le fait embaucher dans une compagnie d'assurance mais il préfère écrire des poèmes. Ce que sa mère a permis à Heinrich (une rente mensuelle et le financement de la publication de son premier livre) elle le lui refuse et se réfugie au piano avec Chopin dès qu'il tente d'aborder le problème.
Il finira par obtenir gain de cause, mais cette famille rigide et bourgeoise où il ne sent pas aimé, critiqué par les uns et les autres, dans cette ville bourgeoise de Lübeck, il va finir par lui régler son compte avec « Les Buddenbrock » mais il ne parlera de son projet à personne. Il veut bien montrer ses nouvelles à Heinrich mais c'est tout.
Direction Munich donc, où il fera la connaissance de Katia Pringsheim et son frère Klaus, des jumeaux au caractère fort et provocateur. Il finira par épouser Katia et fonder une famille avec elle, l'attirance pour les corps masculins, l'homosexualité latente, il réussit à les enfouir le plus profondément possible.
On va suivre toute la famille, Thomas, Katia et leur progéniture durant les grandes épreuves de la première guerre mondiale, la ferveur patriotique de l'époque, puis le désastre de la défaite, la révolution de Munich, la montée du nazisme, la nuit de cristal, la nécessité de l'exil car la famille Mann n'est pas bien vue par les nazis, prix Nobel ou non, car les prises de position de Klaus et Erika pro communistes ne peuvent qu'attirer le courroux hitlérien.
Il ne pouvait imaginer, comme beaucoup de ses compatriotes à l'époque, que ceux qu'il considérait comme des « voyous en uniforme » pourraient un jour tenir l'Allemagne sous leurs bottes.
L'idée d'un avenir des nazis dans la politique allemande, sous quelque forme que ce soit, ne valait même pas qu'on s'y attarde. Les nazis avaient surgi de nulle part et ils ne tarderaient pas à disparaître…
Ce sera donc l'exil forcé, la Suisse, les USA, où il sera bien accueilli au départ, dans la mesure il ne s'exprime pas sur la nécessité d'entre en guerre, on l'adule, mais il reste un Allemand et les migrants venus d'Allemagne commencent à lasser le brave peuple (cela n'a guère changé) …
Dévoiler le texte masqué
Colm Tóibín nous permet de revisiter toute l'histoire de l'Allemagne, la fragilité de l'Unité Allemande, les guerres, la guerre froide qui se met en place mais aussi la culture de ce pays, les particularités de la société protestante marchande austère car Thomas est né en 1875 alors manifester ses fragilités, son homosexualité, sa bisexualité du moins, était impensable. Quand on apprécie une oeuvre, il arrive que découvrir la personnalité de son auteur puisse entraîner des désillusions mais j'ai apprécié l'homme que j'ai rencontré avec ses forces et ses faiblesses, même si parfois il m'a quelque peu agacée parfois. Il n'est pas nécessaire d'aimer les livres de Thomas Mann pour apprécier ce pavé de 608 pages car on fait un beau voyage.
J'aime beaucoup Thomas Mann que j'ai découvert avec « Mort à Venise » (lu au moins deux fois) « Tristan » et surtout un immense coup de coeur il y a quelques années pour « La montagne magique » que je voudrais relire dans sa nouvelle traduction. Il faudrait maintenant que je sorte « Les Buddenbrock » de ma liseuse spéciale « classiques ». Cette lecture était donc une évidence pour moi.
Comme Colm Tóibín le précise, dès le départ, il s'agit d'un roman, inspiré du journal de Thomas Mann mais également d'une bibliographie intéressante dont seulement quelques ouvrages ont été traduits en français.
Un grand merci à NetGalley et aux éditions qui m'ont permis de découvrir ce roman (qui sera je l'espère salué par la critique comme par les lecteurs) et la plume de son auteur dont j'aimerais bien découvrir « le Maître » consacré à Henry James.
#LeMagicien #NetGalleyFrance !
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j’adore quand un écrivain s'intéresse à la vie d’un autre écrivain.
Issu d’une famille de cinq enfants, Thomas Mann a épousé une femme juive au début du XXème siècle. Ensemble ils ont eu 6 enfants, tous assez excentriques. J’ai adoré leurs enfants et surtout leur couple. J’ai trouvé l’histoire encore plus passionnante à partir des années 1930, la défaite de l’Allemagne et ses conséquences après la première guerre mondiale, la montée du nazisme. La fuite vers les Etats-Unis, les rencontres avec Einstein et Roosevelt.
J’ai aimé traverser les années, l’Histoire mêlée à l’histoire des membres de la famille Mann souvent tragique, une famille séparée dans différents pays avant et durant la 2eme guerre mondiale qui tente de sauver ses membres. J’ai surtout beaucoup aimé le portrait que dresse l’auteur, d’un homme assez ambiguë, pas décrit comme un héros, un portrait modeste d’un homme avec ses hésitations mais qui a, au final, accompli, de grandes choses. Le portrait de sa femme est aussi très reussi et offre un couple plein l'humour et soudé.
Un pavé qui se lit très bien tant l’histoire est passionnante.
Netgalley réserve décidément de bien belles surprises, et cette biographie du célèbre écrivain allemand Thomas Mann, publiée aux Editions Grasset, en fait partie. Je suis ressortie de cette lecture avec une tendresse particulière pour la famille Mann, et pour ce patriarche dont le nom n’a pas pris un millimètre de poussière depuis sa mort. Cette biographie est, à mon humble avis, indispensable pour les lectrices et lecteurs intéressés par Thomas, par les autres membres du clan Mann ou par curiosité pour la littérature allemande. Ce fut l’occasion de découvrir l’auteur irlandais Colm Tóibín, dont le nom m’était familier, mais l’occasion de lire l’un de ses titres ne s’était encore jamais présentée.
L’ouvrage est épais, la vie de Thomas Mann est longue et tumultueuse, son œuvre est dense : tout commence à Lübeck, deuxième plus grande ville allemande située sur la côte Baltique, et tout finit à Zurich. Et entre les deux villes, il y a Munich, la Suisse, les Etats-Unis, la Suisse-bis. Il y a Heinrich et Julia avec Heinrich, Thomas, Lula, Carla et Victor, parents et fratrie, puis Katia, et Erika, Klaus, Golo, Elisabeth, Monika, Michael, épouse et enfants. Et de fil en aiguille, il y a Les Buddenbrook, La Mort à Venise, Le docteur Faustus… Et la première, puis la Seconde Guerre mondiale. De quoi largement couvrir les six cents pages de cette biographie exhaustive et passionnante, si tant est que le sujet vous intéresse, qui couvre la première moitié du XXe siècle et une Europe en pleine mutation politique et sociale.
La vie de Thomas Mann suit le courant de ce changement d’époque : de l’Empire allemand et de l’empire claustro-hongrois d’avant-guerre, altier, clinquant, un nouvel ordre européen se met en marche, les cartes sont redistribuées, les empires s’éteignent. La famille Mann tant bien que mal réussit à conserver son train de vie, le succès littéraire de Thomas est presque immédiat avec Les Buddenbrook et ne se démentira jamais, ce qui lui permettra de mettre sa famille à l’abri de la première puis de la seconde guerre mondiale alors même que Katia, sa femme, est d’ascendance juive. L’auteur irlandais retrace avec réalisme la construction progressive du mythe, qui a donné quelques-unes des plus grandes œuvres allemandes. Preuve en veut le titre empreint d’un symbolisme puissant qui fait allusion aux jeux du père de famille avec ses enfants, lors des rares moments qu’ils passaient ensemble. Ce n’est pas seulement un écrivain talentueux, novateur, c’est un leader, un homme de poigne, un prestidigitateur qui use de son alchimie dans ses romans en transformant une réalité terne par le biais du philtre de son écriture, qui vous envoûte sans même sans rendre compte. C’est un homme qui a su transmettre son engouement pour la littérature, qu’il a d’ailleurs en commun avec ce frère si différent de lui, notamment à chacun de ses enfants, qui chacun a sa manière mènera une existence de femme et d’homme libres de faire leurs propres choix.
Comme tout à chacun, Thomas Mann a ses côtés plus obscurs, une facette de lui un peu moins glorieuse hors de portée du commun de ses lecteurs : une vie d’artiste aux dépens de sa famille proche, des choix faits dans le souci unique de protection des siens, du moins c’est comme cela qu’on peut voir les choses, dans la mesure où il a longtemps choisit de ne pas se positionner sur le parti à prendre pendant les deux guerres. Alors qu’Heinrich a fait le choix de crier publiquement sa réprobation totale de la politique allemande en 1914 et en 1939, Thomas Mann a pris l’option de préserver d’abord sa réputation d’écrivain, ce qui signifie aussi préserver les finances familiales, en séparant son œuvre de la politique de l’époque. Alors qu’Heinrich n’a pas hésité à crier publiquement sa réprobation totale de la politique allemande en 1914 et en 1939, Thomas Mann a d’abord eu en tête de préserver d’abord sa réputation d’écrivain, ce qui signifie aussi préserver les finances familiales, en séparant son œuvre de la politique de l’époque. Et l’auteur irlandais démontre à quel point son mariage avec Katia, qui est davantage un mariage d’arrangement que d’amour, l’a servi durant toutes ces années, derrière ses succès littéraires.
Et ce qui reste le plus digne d’intérêt à mes yeux, c’est le contexte d’écriture de ses œuvres principales, que l’on découvre ou que l’on redécouvre sous un autre jour : j’ai lu La montagne magique il y a près de douze maintenant et le processus de sa conception, le séjour au sanatorium de Katia Mann, m’a précisément remis en mémoire cette atmosphère mélassée, sucrée, collante, qui prend au piège quiconque y séjourne à l’instar de la patiente allemande. On revit La mort à Venise, née de la propre expérience de l’auteur pris sous le charme vénéneux d’un jeune éphèbe. On visualise Les Buddenbrook polaroïd de la famille Mann, celle de Julia et Heinrich, au temps de leur position de notable dans cette Allemagne d’avant-guerre, parangons d’une bourgeoisie qui sera longtemps leur étendard.
Merci à Colm Tóibín de nous avoir donné un éclairage unique sur la complexité de la famille Mann, de Thomas Mann qui a sans doute été bien plus écrivain qu’époux et père. Et de ce drôle de duo antithétique et fraternel ambivalent qu’ils forment avec Heinrich, un auteur pas moins doué que son frère, l’un très engagé, l’autre se complaisant dans une neutralité un peu trop confortable, peut-être : autant l’écrivain Thomas Mann est grand et il a sans aucun doute réussi avec succès à s’accomplir à travers l’écriture, autant l’homme, plus fragile dans ses positions, ne ramènera pas le prix Nobel de la paix ou de l’altruisme. Ou du courage. S’il y a beaucoup d’actes manqués dans sa vie personnelle, il semblerait que l’écriture lui serve, à certains moments, à transcender cette impossibilité à s’accomplir totalement. Et encore une fois, La mort à Venise semble apparaître, d’après le récit de Colm Tóibín sur la personnalité de l’auteur allemand, comme une variation fantasmée, projetée de ce qu’il a vécu, là où le reste de la famille Mann n’existerait pas. Et Thomas, c’est aussi le paradoxe incarné de plusieurs générations qui se succèdent, s’opposent diamétralement, celle du classicisme d’un Goethe et de Weimar au Weimar des tortionnaires et du camps de Buchenwald.
Ce roman est une fiction biographique de l’écrivain allemand Thomas Mann.
Au-delà des éléments réels et connus de l’œuvre et de la vie de ce grand auteur, Colm Tóibín nous emmène dans la conscience d’un homme et dans l’intimité de sa vie familiale.
Il commence par mettre en parallèle le vécu de l’auteur et l’intrigue de ses romans. Un déracinement d’abord lorsqu’en 1891, à la mort de son père, Thomas est contraint de quitter sa ville natale de Lübeck après la liquidation de l’entreprise familiale. Un épisode de sa vie qui lui inspira son premier roman « Les Buddenbrook ». Le début d’une longue carrière littéraire qui sera couronnée par le prix Nobel en 1929.
« Le Magicien » est aussi une saga familiale passionnante. Entre un frère communiste et des enfants tout aussi engagés politiquement ou œuvrant dans le domaine artistique, Thomas n’aura de cesse de s’en remettre à son épouse Katia pour canaliser et entretenir cette famille haute en couleur.
Et puis il y a l’homme lui-même et son ambiguïté. Un homme qui peut sembler froid et sans passion mais qui s’enflamme devant le corps d’un jeune homme. Un homme qui n’ose pas tout, qui souvent se contient, se retient et qui ne se livre entièrement que dans ses romans.
"Le Magicien" est un roman passionnant tant sur la vie de Thomas Mann et de sa famille que sur cette période historico-politique de la montée du nazisme, de la seconde guerre mondiale et de la guerre froide, cela dans un style qui rend parfaitement la complexité du personnage.
Un roman qui donne envie de (re)découvrir l’œuvre de Thomas Mann.
C'est sur une grande figure intellectuelle de la première moitié du vingtième siècle que Colm Toibin s'est penché.
Ni biographie, encore moins hagiographie, « Le Magicien » serait plutôt un récit de l'intimité de l'auteur de « La Mort à Venise » dans lequel l'écrivain irlandais témoigne de son talent de romancier.
De la petite enfance de Thomas Mann, nous ne saurons rien, car le récit commence en 1891, seize ans après sa naissance et année de la mort du père.
C'est la mère qui ouvre la galerie de portraits. D'origine brésilienne, la fantasque Julia, « mélange d'exotisme, de charme et de fragilité » détonne à Lübeck, ville hanséatique imprégnée de rigueur protestante. Son mariage avec le géniteur de Thomas, sénateur austère et riche négociant, est une incongruité dans ce monde si policé et préfigure peut-être la singularité de sa descendance.
Cinq enfants naîtront de cette union improbable. Deux d'entre eux seront écrivains : le rêveur et rebelle Heinrich, l'aîné de la fratrie, et Thomas, dont le sérieux le destinait tout naturellement à succéder au patriarche.
Humiliée par le testament de son époux, Julia décida de quitter la triste Lübeck pour la riante Munich, laissant Thomas terminer sa dernière année de lycée.
Meurtri par le choix de sa mère, Thomas l'est encore plus par la volonté de son père de ne pas faire de lui l'héritier.
C'est en 1892 que la sensualité se révèle à l'adolescent, l'objet de sa sollicitude étant l'un de ses pairs. C'est ainsi qu'il découvre son homosexualité qu'il tentera de dompter en épousant la formidable Katia avec laquelle il conçut six enfants. Trois d'entre eux eurent une vie sexuelle ne répondant pas aux normes de l'époque !
Cette ambiguïté et cet art de la dissimulation, l'écrivain les pratiqueront tout au long de sa vie. On peut même se demander s'il n'exprimera pas son attirance pour les hommes à travers ses personnages de fiction. On peut penser au Gustav von Aschenbach de « La Mort à Venise » fasciné par la beauté juvénile de Tadzio.
Au plan politique, l'homme est insaisissable. Contrairement à son frère Heinrich et à ses deux turbulents aînés Erika et Klaus, il ne perçoit pas la menace que représentent les Nazis. Même dans son exil obligé, il se fait violence pour défendre un humanisme dont il est pourtant l'un des représentants les plus illustres, auréolé du Prix Nobel de littérature en 1929.
Le courage de l'un des plus grands écrivains de langue allemande, on le trouve dans ses écrits souvent pessimistes qui mettent en scène le déclin et la décadence.
À la lecture du « Magicien », on découvre un Thomas Mann qui refuse de confondre l'action et l'art, tout le contraire d'un écrivain engagé.
En s'attachant à cette figure de grand bourgeois souvent seul et incompris, Colm Toibin a composé la saga d'une famille singulière ainsi qu'une fresque poignante sur un monde en train de disparaître, anéanti par la barbarie.
http://papivore.net/litterature-anglophone/critique-le-magicien-colm-toibin-grasset/
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