"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Un peu par hasard, un peu par ennui, Louise découvre une mystérieuse étude datant des années 60 de la canine d'un certain George. Au fil des pages, Louise se prend inexplicablement de tendresse pour l'énigmatique canine et ce George auquel elle imagine une histoire, donne peu à peu un visage, et, étrangement, fantasme comme une âme-soeur.
Plus loin, par-delà la Manche, à Liverpool, Helen, 10 ans et 5 mois, souffre d'une maladie qui l'empêche de respirer et projette de se jeter dans la Mersey pour abréger ses souffrances. Mais avant ça, elle aimerait que George, son voisin électricien-guitariste à la retraite de 77 ans qu'elle adule, l'accompagne dans une dernière aventure.
Dans l'espoir de se délester des poids qui les empêchent d'aimer, de respirer, d'avancer, Louise, Helen et George se retrouveront par une coïncidence presque cosmique à Christiania, paradis perdu de Copenhague, où Angelo, gourou repenti et astrologue de pacotille, tente de reconstituer une fresque où semblent se découper les silhouettes de quatre garçons dans le vent...
À travers la figure sublimée de George Harrison, Sigolène Vinson livre un hommage vibrant aux mots et à la musique, comme seules armes pour traverser l'existence.
J'ai découvert l'écriture de Sigolène Vinson en lisant Les Jouisseurs et j'avoue que j'avais eu beaucoup de mal à entrer dans son univers poétique.
J'étais curieuse de voir ce que cette poésie pouvait donner en la mêlant avec celle de George Harrisson.
Passé quelques pages un peu déstabilisantes, je me suis profondément attachée aux protagonistes de cette histoire folle. Chacun évoque une facette, ou un âge de l'artiste, tout en étant un personnage à part entière.
Une mission leur est confiée qui les fera se rencontrer.
C'est inracontable, c'est poétique, fascinant, magique, chamanique.
Un très grand moment de lecture que je ne suis pas là d'oublier.
"Si ce chagrin n'est pas soluble dans l'écriture, dans quoi pourriez-vous le diluer ? - Anne-Laure Bondoux et Jean-Claude Mourlevat, "Et je danse, aussi"
"Mon propos est la fiction. Parce que le réel, c'est mon chagrin."
Il est beau le dernier roman de Sigolène Vinson, douloureusement beau. J’ai presque aussitôt pensé à une phrase lue il y a quelques années et dont j’ai peiné à retrouver la trace. Je viens de l'écrire en exergue, médusée d'y trouver un écho si clair à la phrase de Sigolène Vinson.
"La Canine de George" n’est pas qu’un récit prétendument halluciné ; je doute même qu’il le soit tout à fait. C’est surtout la mise à l’épreuve d’une quête que jalonnent les fulgurances terribles d’une tristesse sans fond sur le chagrin, la solitude
"je suis seule parce que nous le sommes tous"
la mort
"[ce] quiproquo impossible à démêler"
et des questions aussi essentielles que douloureuses
"l’effort doit-il être toujours surhumain ?"
Quand Sigolène Vinson commente à travers son personnage, de manière quasi métafictionnelle, que "ce qui compte ce n’est pas ce que je raconte", elle nous invite à ne pas occulter ce qui git sous les mots et, dans son cas, sous l'extrême pudeur de ses mots. Quand il est trop éprouvant de parler de ce qui a troué son existence un jour de janvier 2015, je ne peux que supposer que l’on reste seule avec un traumatisme qu’on ne peut partager avec personne et qui se terre là, indélébile. Oui, George n’est qu’un prétexte ou plus sûrement comme elle le conjecture "peut-être n’est-il qu’une construction de ma solitude".
Ce roman est douloureux aussi dans ce qu’il a d’universel en nous renvoyant sans ménagement à notre finitude "tout est mort tout est en train de mourir"… et nous donc, nous devrions l’accepter. Sauf que son personnage aimerait bien savoir si "quelqu’un pourrait me dire quand je mourrai". Ce questionnement, je le dis tout net, n’est pas le mien puisque, ce 7 janvier 2015, je n'ai pas vu la mort en face et, aujourd'hui, je ne suis pas une survivante.
"La Canine de George", contrairement à ce que laisse penser son titre, n’est pas un roman sur George Harrison, c’est un roman pour se réparer, si cela est possible. Il s'ouvre et se referme sur deux lettres adressées à un "Dear Gardener" dont on ne saura rien - celui de Friar Park ? le premier jardinier de l'univers ? Qu'importe car, quel qu'il soit, on attend du jardinier qu'il ordonnance le chaos. Et c'est bien cela qui est à l'oeuvre dans ce roman. Comment ? C'est là que réside aussi le plaisir de cette lecture.
J’ai noté au hasard quelques petites trouvailles (?) dont j’ignore si elles sont le fait conscient de l’autrice ou ma part d’élucubration ! En voici une : en piochant deux lettres dans le prénom de chacun des personnages principaux se forme celui de Sigolène : LouISe, HelEN, GeorgE, AngeLO comme si chacun d’eux, à sa façon, participait à la reconstruire en rassemblant des bouts d'elle-même. Mais peut-être - sûrement ? - est-ce trop tiré par les cheveux ?
Mon coeur est resté coincé entre ces pages, à la recherche du "souvenir des joies profondes" dont nous avons tous tant besoin. "La Canine de George" aura ses lecteurs conquis et les autres qui, comme l'un des personnages, resteront dubitatifs :
"Tu comprends ce que ça signifie, toi ?
— Que dalle. Je fume trop."
J'appartiens à la première catégorie, mais aussi à celle des lecteurs qui lisent vite et ont besoin de revenir en arrière et laisser poser. Plus que jamais avec ce roman de Sigolène Vinson, qui est plus vaste que ce que je viens d'écrire.
https://www.calliope-petrichor.fr/2021/01/21/la-canine-de-george-sigolène-vinson-éditions-de-l-observatoire/
"Mon propos est la fiction. Parce que le réel, c'est mon chagrin."
Les pages qui ouvrent et ferment l'histoire de La canine de George ont leur importance, comme deux parenthèses nécessaires, protectrices et salutaires. Ce sont deux lettres adressées au "Dear Gardener", qui peut être celui du parc où se trouve la narratrice ou celui de l'univers, le grand ordonnateur de nos vies et des tourments qui y sont associés. Entre Terre et Ciel. A quoi se raccrocher lorsque tout autour le monde part en vrille, en lambeaux, en cadavres ? A quoi et à qui croire encore ?
Le livre que nous offre Sigolène Vinson est un cadeau. Un vrai. Pas au sens esthétique du terme mais pour ce qu'elle y met d'elle-même, de ses sensations, de ses douleurs. Pour l'élégance avec laquelle elle ajoute une touche de merveilleux qui permet de transcender les chagrins. Le lire est une expérience singulière, pas forcément simple mais qui convoque le cœur et le ventre autant que le cerveau. Suivre Louise, George, Helen et Angelo c'est entamer un parcours qui interroge la puissance des rêves, l'étrangeté des utopies, la magie de l'art, la force des souvenirs et l'importance de la quête. La permanence du "souvenir des joies profondes". C'est aussi accepter d'être en lévitation, entre vie et mort, réalité et fantasme. Dans un espace-temps qui agrège les recours, les refuges, tout ce qui console ou détourne du chagrin. Astrologie, utopies, religions, stupéfiants, pensée magique jusqu'au pouvoir de l'écriture et à celui du compagnon doté d'un nécessaire sens de l'humour et de l'équilibre. Où passent le fantôme de George Harrison, la lumière réfractée d'une chemise pourpre, l'image de quatre garçons dans le vent, la magie d'une foule électrisée, les ruines de Chritiania et les liens par-delà la mort. Où la nature est omniprésente, comme si sa beauté et son intelligence avaient le pouvoir de retenir sur Terre les esprits trop tentés par une évasion définitive.
A partir d'un chagrin profond, indicible, personnel et indélébile Sigolène Vinson propose un questionnement universel qui mêle environnement, société et politique tout en gardant la tête dans les étoiles. Quand le sens s'échappe, tous les moyens sont bons pour tenter de le retrouver. La canine de George est un livre déstabilisant, qui ne s'offre pas forcément au premier abord mais dont le propos s'insinue au fil des mots par toutes les parties du corps pour finir par coloniser le cerveau, désormais incapable de s'en détacher. Il m'a mis le cœur en miettes mais m'a aussi emplie d'une joie simple, celle que l'on éprouve lorsque contempler un échantillon de la beauté du monde fait se sentir tellement vivant. Merci pour ce cadeau.
(Chronique publiée sur mon blog : motspourmots.fr)
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