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Lionne : nom échappant au bestiaire féminin, contrairement à poulette, morue, gazelle ou thon.
Lionne : désigne bien plus que la femelle du lion. Définit une créature noble, chasseresse, autonome, capable de sororité, de ruse, et même d'assassiner un mâle vieillissant.
Lionne : perd toute joie de vivre en captivité, comme la romancière lorsqu'elle avait vingt ans, prisonnière d'un amour carnassier, dévorant.
Lionne : source d'inspiration pour celle qui aura appris à rugir, à défaire ses cages mentales. Animale indispensable, qui méritait une magnifique mise en mots, mêlant enquête animalière, réflexions sociologiques et récit intime.
Cochonne, gazelle, vipère, puce, truie, poule, biche, thon… Toute leur vie, les femmes sont animales. Un bestiaire infini rêvé par les hommes qui verse dans la fascination, la sexualité, l’insulte ou la domestication. "Comprenez donc le trouble qui peut nous envahir, à se faire interpeller tout au long de nos vies, avec ces substantifs du règne animalier. Cela défie toute tentative de raisonnement logique. Je veux dire : comment peut-on être à la fois une chienne et une lapine ? un poussin et une lionne ? une louve et une morue ?"
S’il ne devait en rester qu’un chez Wendy, ce serait la lionne. Dès l’adolescence, le fauve est là, tapi en elle. C’est comme une schizophrénie animale. À tel point qu’on lui prescrit des médicaments pour éviter les lacérations, les sauvageries, les morsures. À vingt ans, à défaut de savane, elle creuse son trou à Berlin. "Une ville âpre, vibrante et abîmée, lardée de cicatrices" où l’on croise des punks et des artistes, des rats et des chiens perdus, mais aussi des hérissons, des renards, des ratons laveurs. Une ville qui grouille de vie animale. Pour Wendy, c’est au Tiergarten que tout se joue. Elle y croise d’un côté les yeux voilés d’une lionne encagée, privée de l’horizon, devenue presque aveugle, et d’un autre l’aura magnétique d’un employé du zoo, appelé Léo - évidemment. Avec lui, “le dompteur”, elle redevient bestiaire. Ronronnant dans ses bras. Ondulant sous ses caresses. Courbant l’échine. Devenant une proie. Transformant leur chambre en enclos. "Ce n’est pas l’amour qui rend aveugle, c’est la captivité."
Au-delà de cette intime histoire d’emprise, Wendy Delorme désosse dans ce livre les représentations de la lionne dans la culture, l’histoire, la mythologie, la littérature. Documentaires animaliers mensongers ou incomplets, signe astrologique sans grand intérêt, divinité égyptienne au corps de femme et à tête de lionne à la fois vénérée et détestée… La figure de la lionne continue de lui échapper, indomptée. L’autrice évoque “des millénaires de culpabilité féminine fossilisés dans sa moelle”. Une tendance à la soumission pour les “assignées-femmes”. Un “masochisme femelle, construit depuis des siècles, historiquement, socialement, culturellement ancré, inculqué, chevillé…” Il était grand temps d’en prendre conscience et de “rendre leur honneur, leur panache, leur fierté, à toutes les truies, pucettes, poulettes, poussins, gazelles, baleines, morues, thons, chatasses, chiennasses.” De redevenir humaines ?
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