Des récits qui ont marqué l'année, à découvrir ou à offrir
Kurt et Maggie se sont rencontrés lors d'une soirée arrosée. Depuis, entre désir et dépit, ils s'efforcent tant bien que mal de vivre ensemble. Alors que la compagnie de bus de Kurt réalise quelques bénéfices, celui-ci cherche à investir son argent dans un grand projet. Mais son placement dans l'idée d'un ferry low-cost aura des conséquences dramatiques.
Sous la plume de la jeune autrice danoise Asta Olivia Nordenhof, poétesse acclamée, cette fiction fabuleusement dense a pour point de départ la tragédie de l'incendie volontaire du ferry Scandinavian Star, en 1990. Dans une prose suggestive, nerveuse et profondément originale, De l'argent à flamber fait résonner l'âpre histoire d'amour et de violence de deux personnes modestes avec une flamboyante démonstration des dérives du capitalisme.
Des récits qui ont marqué l'année, à découvrir ou à offrir
La littérature éminente !
« De l’argent à flamber » Scandinavian Star 1 d’Asta Olivia Nordenhof est une chance éditoriale rare.
Ce premier roman qui dépasse largement ses grands frères est envoûtant et sublime.
La métamorphose d’une beauté d’écriture . Finement politique, « ce premier livre d’une série de sept », la féminité en diapason, une histoire contemporaine, dont le sociétal est bouleversant.
Entre les lignes, un fil rouge : l’incendie volontaire du Scandinavian Star en 1990.
« J’étais dans le bus quelque part sur l’île de Fionie ».
L’incipit inaugural d’un récit sensible et percutant. Une mise en abîme d’ombre et de lumière, touchante et vibrante.
Maggie voit Kurt pour la première fois dans un bus. Elle est subjuguée par son visage. Elle n’aura de cesse de le retrouver, captivée par son aura. Ce dernier travaille à son propre compte : « Service de cars de Kurt », tel est le nom de sa société tout simplement. C’est dire déjà, combien cet homme sera, tout au long de ce récit, son propre anti-héros. Maggie est jeune, fragile et tourmentée. Ses relations avec les hommes souvent chaotiques. Elle pressent en Kurt, rencontré enfin en vérité, lors d’une soirée, dans un pub, un homme sur qui compter. Tant il semble mature. Mais c’est l’arbre que cache la forêt. Elle l’oisillon fragile et déjà si percutée par la vie-même.
« Avant même qu’il ait pu penser un seul mot, Maggie l’avait aspiré dans son silence ».
Ils vont vivre ensemble. Maggie est en proie au bovarysme, la mélancolie exacerbée. L’ennui fige ses élans. Kurt est obnubilé par sa réussite et sa condition sociale, cornélien et dur, voire bipolaire. « Mais tout se brouille, pas un seul instant il ne lui vient à l’esprit d’arroser les plantes, de taper les coussins du canapé ou de ranger son manteau d’hiver. Ceci est donc ma vie, pense-t-elle comme une sorte de titre… Une idée, petite, fugitive, et dure comme une noix qui tombe d’un arbre, s’insinue en Maggie et s’installe sur ses genoux. Elle a été si jeune autrefois ».
Kurt est envieux, désire évoluer, gagner de l’argent encore plus. Il se méprise. Pour lui, sa compagnie de bus est un enfermement, un isolement, un frein à la réussite. Il est avide de reconnaissance. Manichéen, le complexe d’infériorité à feu et à sang, sans un mot de consentement de Maggie, il va investir dans un projet. Celui d’un ferry Low-cost : Le Scandinavian Star.
Le récit est un puzzle dont la pièce majeure est la tragédie. Celle d’un couple en déliquescence. La solitude pour Maggie, Kurt, malgré tout, malheureux. Il aime Maggie, mais mal. Tout est statique dans leur foyer, le silence règne et l’enfant s’est envolé du nid.
Il est inconséquent, violemment épris par l’appât du gain. L’inévitable basculement d’un Kurt somme tout naïf, voire cupide. Celle aussi d’un drame enclenché par un incendie volontaire sur le Scandinavian Star. Dans un seul but : celui de toucher la prime d’assurance.
Le récit dévoile alors son pan journalistique. Il rassemble l’épars de ce qui fut en vérité, de cette population complètement anéantie par ce drame intentionnel. Il est rappelé par la voix d’une autrice qui n’a de cesse que la vérité éclate que La société SeaEscape a connu un nombre élevé d’incendies volontaires. Le Scandinavian Star : Cent-cinquante neuf personnes sont décédées dont 28 enfants. Les flammes d’un capitalisme à outrance. L’ubuesque d’un remboursement des primes d’assurance. Comme si cette pratique assassine était réhabilitée par l’argent. « De l’argent à flamber » prend sens.
« Ole B. Hansen ne purgea pas sa peine. Il partit en exil en Espagne, où il incarna l’impunité réservée à sa seule classe sociale ». « Cent cinquante-neuf personnes périrent. Il est malheureusement vraisemblable qu’elles soient mortes parce que d’autres désiraient réaliser une plus-value financière ».
La trame est un cri du cœur. Le vacillement des injustices et de l’immoralité. La frénétique puissance des corrompus. Dans la nuit du 7 avril 1990 au Danemark, la main de l’homme tueuse, la fraude aux assurances et le déni de la justice.
« Quelque chose et quelques personnes peuvent avoir à mourir pour que d’autres puissent y gagner. Telle est l’idée. Le capitalisme est un massacre ».
Que va t-il se passer pour Kurt et Maggie ?
Ce roman d’une intelligence rapide et pénétrante, dont les signaux heurtent nos consciences et c’est bien ainsi, est engagé, lucide et crucial. On aime Maggie au-delà de nos forces. Percutant, son enjeu de réhabilitation est ici-même, dans les croisements de ce roman dont les voies de traverse sont un livre blanc à bâtir pour une humanité plus juste et équitable.
Traduit à la perfection du danois par Hélène Hervieu. Doté de nombreux prix, « dont le Prix Per Olov Enquist, le Prix de l’Union européenne (2020), ainsi que nominé pour le Grand prix de littérature du Conseil nordique (2021). Traduit en treize langues ».
Publié par les majeures Éditions Les Argonautes
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