"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Dans la «maison des femmes» où l'on redresse les torts, réels ou supposés, dont épouses, soeurs, ou filles se seraient rendues coupables à l'encontre des lois patriarcales, une jeune fille cherche en vain l'amour de sa mère, enfermée avec elle, et rêve de rejoindre son père. Sur les ravages du désamour et de l'exil intérieur auquel il condamne, une fable cruelle qui pose en lettres de sang la nécessité de la rupture comme condition de toute survie.
Très beau livre, avec une histoire terrible écrite d'une main poétique et imaginaire. Beaucoup de colère contre la condition de ces femmes et des pratiques archaïques qui font le jeu de la jalousie et de la haine.
Quelques beaux passages aussi. Juste un bémol, je n'arrive pas à lui coller une époque. J'ai l'impression que ce livre navigue entre les époques et les mondes. Qu'il est un portrait de femme de part le monde et le temps.
Extrait :
"Et je parle, je parle, et je lui dis merci de m'avoir préparée, avec dureté, avec distance, avec froideur à ce qui désormais m'attend. Je lui dis merci de m'avoir habituée au manque, à l'insuffisance, à la rareté, merci, car grâce à elle plus jamais je n'aurai faim, plus jamais je n'aurai soif, plus jamais je ne serai seule.
Je lui dis merci pour son amour qui ne m'a jamais comblée, pour sa présence qui ne m'a jamais satisfaite, pour ses baisers qui ne m'ont jamais consolée. Merci de m'avoir appris, en m'aimant de si loin, en m'aimant si peu, en m'aimant si mal, à devenir ma propre mère, à m'aimer moi-même."
Beaucoup de romans s’attachent à mettre en évidence la servitude du corps féminin, issu de traditions implacables, des religions monothéistes, peu amicales avec la femme .Celui de Kaoutar Harchi, récit construit comme une voix off, récitant un texte en illustration d'images, entre dans cette catégorie, il a des chances de marquer de son empreinte cette espèce :Il s’agit d’une jeune fille qui est emprisonnée depuis son plus jeune âge dans une « maison de femmes « de laquelle on ne peut guère sortir, entourée de hauts murs de pierre. Les frères, les maris, les pères y mettent à l’isolement les épouses, les sœurs, les filles seulement coupables d’avoir voulu ou tenté, un jour ou l’autre, d’avoir transgressé la loi patriarcale.
Le récit de Kaoutar Harchi décrit la tentative de cette prisonnière de rejoindre ce « père obscur », qu’elle s’est représentée secrètement .Il n’est à séjour qu’une absence, un vide affectif. On vient prestement au vif du sujet : la condition de la femme à travers les âges, minorée par le patriarcat : « Aucun gardien, ici, ne surveille les femmes .Elles vivent sous le poids des règles familiales inculquées depuis l’enfance et sont devenues leurs propres sentinelles. Vous savez, jamais aucune n’osera ramasser ses affaires, pousser la grande porte et partir. Toutes attendent, même s’il arrive à certaines de le nier, le retour de l'époux qui lèvera la sentence les autorisera à se diriger vers la sortie. (…) Tout n’est question que de gestes, de regard, de paroles .De traditions. »
Cette recherche du père obscur, c’est une quête d’amour, un désir vif et conscient de liberté, de reprise de la possession de son destin et de son corps , par la femme .Il y a dans l’écrit toute une série de descriptions évoquant le corps prisonnier de la femme, l’évocation de scènes de cris et de chuchotements secrets , conspirant contre cette liberté, manifestant leur volonté de prolonger la servitude du corps de la femme, de son sexe : « La part masculine qu’il manquait à mon être et à la conquête de laquelle je suis partie, à mains nues, avec sur le dos une simple robe au col piqué de perles blanches . »
Comme pour mieux mettre en évidence le rôle des religions dans la perpétuation de l’image négative de la femme, Kaoutar Harchi fait précéder le début de chaque chapitre par une citation extraite de la Bible .Le style du récit , marqué par l’usage de l’apostrophe fréquent, de phrases dénuées de verbes, nous surprend ; il nous déstabilise, et provoque largement l’empathie vis-à –vis de cette femme en recherche de ce père obscur dans laquelle on reconnaît sans peine une magnifique tentative d’émancipation .
De lourdes portes de bois ferment un antre où maris, frères et pères mettent à l’isolement épouses, soeurs et filles coupables, ou soupçonnées, d’avoir failli à la loi patriarcale.
Une enfant observe cet univers d’où les hommes sont absents, elle grandit avec une mère qui sombre peu à peu dans la folie, et rêve de rejoindre un père inconnu mais sacralisé. Seize ans que l'enfant est là, avec sa mère, et que leur lien qui fut fusionnel ne cesse de se distendre. Seize ans que l'enfant idolâtre l'image d'un père rendu définitivement absent par le poids de la tradition. Des murmures résignés et des cris révoltés tissent cette fable magnifique et tragique qui interroge la violence du corps dans un monde dominé par le poids des traditions.
Ce livre est un pur joyau, j’en suis ressortie bouleversée.
L’écriture simple et élégante de Kaoutar Harchi, jeune auteure de 28 ans seulement, laisse présager du meilleur.
Quelle claque ! J’en suis restée abasourdie, étourdie ! Une prose magnifique, des phrases qui tour à tour glissent puis frappent, un texte charnel, éblouissant !
Et pourtant le sujet est violent, dur, et ça demande un sacré talent que d’en traiter sans tomber dans le pathos, dans la caricature sociétale, en laissant filtrer des brides de poésie dans la douleur.
Le livre se lit comme une respiration, tout à coup angoissée, étouffée, et tout à coup libre au loin...
Aucun prénom ("le Père" et "la Mère"), aucun lieu, aucune date...
Une histoire de femmes, fortes et fragiles, d'une femme si belle, amoureuse, dans l’attente... Une histoire de résignation, d'aliénation, une histoire où l’homme emprisonne ou délivre..avec en exergue, avant chaque chapitre, un extrait de la Bible, pour montrer peut-être que tout ça n’est pas qu’une histoire de religion ou de culture.
Je crois que, pour la première fois depuis bien longtemps, je pourrais manquer de superlatifs, de vocabulaire, pour ce roman qui m’a laissée sur le flanc et qui pourtant m’a transportée, tant appris, qui montre l’amour et le désamour, la « prison » morale et la liberté, le poids de la tradition et de la rumeur.
Scandé par des citations bibliques, le roman de Kaoutar Harchi est le récit à la première personne d'une "enfermée". Enfermée physiquement, mais surtout affectivement, parmi d'autres femmes accusées d'adultère. Le récit de l'enfance et du début de l'adolescence s'inscrit dans une quête d'amour et d'attention d'une fille envers sa mère.
L'écriture à la fois sensorielle et glaçante nous fait ressentir cette absence au monde qui est aussi une absence à soi-même et la lutte menée pour réintégrer sa propre vie. L'imbrication des temporalités nous fait perdre nos repères et nous fait ressentir cette sensation d'enfermement que vivent ces femmes que le temps semble avoir oubliées.
La narratrice laisse entendre une longue plainte faite de larmes, de peurs mais aussi d'une forme de jouissance dans le sacrifice. Elle interroge subtilement cette aliénation consentie, acceptée, transmise de femme en femme, de mère en fille.
Dans ce lieu clos, dans la famille paternelle qu'elle découvrira plus tard, dans l'histoire de sa mère, toutes les formes que l'amour peut prendre sont esquissées, toutes ses souffrances et toute sa lumière. C'est cette lumière et l'espoir splendide qu'elle fait naître qui clôt le roman. L'amour transmis, l'amour enfin exprimé dans un geste d'abandon et de foi absolue, donne une force inaltérable quelles que soient les épreuves qui restent à surmonter.
Le tissage de l'histoire de la mère à celle de sa fille et aux autres vies "empêchées" forme un réseau si dense que l'on perçoit la confusiion qui guette sans cesse la jeune héroïne.
Se construire au milieu des autres, sans se confondre, est le combat qu'elle doit mener. Le père "à l'origine" de tout projette une ombre dont on ne sait jamais si elle sera néfaste ou bénéfique.
Voilà un roman de déchirure des corps et des âmes, un roman initiatique, un roman d'amour, écrit dans une langue superbe, d'une poésie puissante. Vraiment magnifique ! Ne le manquez pas !
C'est une maison à l'écart de la ville, une maison en pierre, sombre, avec une salle d'eau, une cour intérieure, une pièce commune et des chambres sans fenêtres. Ici ne vivent que des femmes. Amenées par un mari, un frère, un cousin, un homme qui a jugé qu'elles n'étaient plus dignes de partager la vie familiale. Réelles pécheresses ou victimes de la rumeur, elles vivent dans l'attente du pardon et d'un possible retour auprès de leurs maris. Une enfant a grandi dans cette maison, parmi les répudiées. Elle aussi attend. Même si la Mère ne fait jamais partie de celles qu'on vient chercher, même si après quinze longues années de réclusion, l'espoir est mince. Le Père, un jour viendra. Et s'il ne vient pas, c'est elle qui ira, chercher son amour et sa protection dans la riche maison où il vit entouré d'une famille qui a chassé la Mère, mais qui est aussi sa famille et ne pourra rien faire contre les liens du sang et de l'amour.
Cela commence dans un huis-clos étouffant. La fille entourée, oppressée par des femmes cloîtrées, rêve évidemment de liberté. D'ailleurs, la porte de la maison n'est pas fermée à clé. ''Il suffirait d'un pas'' dit-elle à la Mère, à la fois suppliante et résignée. Car plus sûrement qu'un verrou, c'est le poids de la tradition qui pèse sur la porte qui les tient éloignées de la vie. Intimité forcée, promiscuité, les femmes meurent à petit feu...mais se réconfortent aussi, se soutiennent. Seule la fille est solitaire. La Mère s'en est éloignée à mesure qu'elle grandissait, pour lui donner une leçon de vie, lui apprendre la froideur et le rejet du monde extérieur. Le grand absent est évidemment le Père, celui qui les a conduites ici, pressé par sa famille. Il n'est qu'une ombre menaçante alors qu'on la voudrait protectrice.
Difficile de s'immerger dans ce monde décrit avec une certaine distance. Kaoutar HARCHI n'a voulu nommer ni le pays, ni la ville, ni les femmes. On pourrait être tenté de situer l'action dans un pays d'Afrique du Nord (l'auteure est d'origine marocaine) mais plus largement cet endroit où l'homme est tout-puissant et soumet la femme pourrait être n'importe où dans le monde. La femme oppressée, bafouée, répudiée, la femme accusée des pires maux, la femme qui n'a droit ni à la parole ni à la justice, la femme qui porte le péché en elle...La société faite par et pour les hommes, la société qui juge, qui rejette, qui ostracise...C'est la condition féminine qui est décrite ici dans la métaphore de cet enfermement qui est le carcan où les femmes sont confinées quand on a peur de leur éventuel pouvoir.
Une belle écriture, qui va du concis au lyrique, de l'incisif au poétique, mais qui peut émouvoir ou laisser complètement sur le bord de la route le lecteur, selon sa sensibilité.
Etrange roman qui n'est ancré ni dans le temps, ni dans l'espace (mais immanquablement, sa couverture nous guide vers un là-bas plutôt qu'un ici) et dont certains trouveront l'écriture belle alors que d'autres la trouveront trop uniforme pour un roman qui laissent la plume à plusieurs femmes ou trop grandiloquent. Je fais partie du second groupe. J'ai été étonnée de ne pas être touchée par les passages sur la disparition maternelle et je pense que le choix de l'utilisation de "La mère" à la place de "Ma mère", même si elle s'explique, m'a toujours laissée à distance. Bref, il m'a semblé que ce roman manquait d'originalité, dans l'écriture comme dans l'intrigue. Et puis, j'ai eu une impression de déjà-vu dans un épisode mettant en scène notre narratrice et son demi-frère.
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