"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
S’il fallait ne choisir qu’un des sept tomes de La recherche du temps perdu, ce serait sans doute celui-là. Il arrive comme une apothéose, l’épanouissement d’une fleur qui a progressivement ouvert ses pétales, la clé d’un cheminement qui a pu paraître erratique.
On y retrouve un certain nombre des personnages qui avaient fait l’objet d’une étude dans les précédents tomes, vieillis, changés physiquement et moralement et décalés socialement, l’immuabilité apparente des rôles et des titres ayant été fort perturbée par le temps et les événements, d’autant que le narrateur est resté longtemps à distance, isolé pour des problèmes de santé.
Nous sommes en 1916. La guerre éliminera certains personnages centraux, comme Saint-Loup, faisant de Gilberte une jeune veuve, qui feint d’ignorer les penchants de feu son mari.
Le baron de Charlus n’a jamais été aussi bas : outre le fait qu’il affiche une sympathie pour l’Allemagne, le narrateur découvre l’existence de ses soirées consacrées au vice dans un hôtel mal famé tenu par Jupien.
Mme Verdurin promue princesse de Guermantes par son mariage, perd cependant de sa superbe. Son sens de la répartie a souffert, ternissant par ce biais le nom même de cette lignée, si adulée dans les premiers épisodes de l’oeuvre.
Ce qui fait aussi tout l’intérêt de cet opus, c’est le fait que les constats du narrateur sur l’évolution du monde qui l’entoure sont un puissant stimulant qui le décident à coucher sur le papier l’histoire des tous ces personnages et donc d’écrire la recherche, dans une mise en abîme remarquable .
Certes l’oeuvre n’est pas une lecture facile, il faudra passer par une période d’essais et d’abandons, jusqu’à ce que la mélodie de cette écriture si particulière se laisse entendre et comprendre, mais pour faire place ensuite à un vrai bonheur de lecture.
447 pages Folio 2 novembre 1990
Lorsque je lui ai parlé de mon engouement à la lecture des premiers tomes de La recherche, une amie m'a dit "Tu es face à un coffre au trésor, tu en as trouvé la clé, je t'envie".
Cette métaphore m'a beaucoup plu, elle représente exactement ce que je ressens, on m'a offert un coffre au trésor, j'en ai trouvé la clé et plus je fouille, plus je m'émerveille.
Terminer la lecture de À la recherche du temps perdu, qui m'accompagne depuis des mois, m'a chagrinée, mais je compte bien revenir à cette œuvre, avec les livres audio notamment.
Dans Le temps retrouvé, le ton est plus sombre, la Guerre occupe une bonne partie du récit, le propos regorge d'interrogations. Des interrogations sur l'œuvre de Proust, sur le Temps qui passe ; et d'ailleurs, moi non plus, à l'instar du narrateur, je n'ai pas vu le temps passer, je ne l'ai pas vu vieillir, je n'ai pas vu les Guermantes et la société changer...
Le temps retrouvé est très touchant, c'est certainement le tome le plus personnel de La Recherche et certains passages sont d'ailleurs absolument sublimes.
Jamais œuvre ne m'avait paru aussi magnifiquement bouclée, aussi parfaitement terminée.
Je n'ai plus maintenant qu'à sécher mes larmes et me mettre aux œuvres annexes : biographies, correspondances, pastiches, films...
Je commencerais en disant : comment ne pas aimer Proust ?
L'oeuvre n'est pas accessible à tous, et c'est le propre de la complexité des phrases proustiennes. Les phrases sont très longues, et grammaticalement très riches. Les méandres de la phrase de Proust sont impressionnantes, et l'on ne peut que s'incliner devant une telle écriture.
Le sujet du temps qui passe et qui marque toute La Recherche est exceptionnelle, le bal auquel assiste le personnage décrit comme une comédie tant les personnages ont vieillis est d'une justesse sans nom. Aussi, les souvenirs qui reviennent, et dont chaque homme peut faire l'expérience parait très touchant.
La description que fait Proust des personnages est très précise, et nous voyons se dessiner devant nous les protagonistes. Nous retrouvons évidement dans cette oeuvre la fameuse madeleine de Proust au goût de l'enfance et de la nostalgie. La référence de l'extra-temporalité est juste incroyable et il faudrait des jours entiers pour l'analyser pleinement.
" Comme au moment où je goûtais la madeleine, toute inquiétude sur l' avenir, tout doute intellectuel étaient dissipés. Ceux qui m' assaillaient tout à l' heure au sujet de la réalité de mes dons littéraires et même de la réalité de la littérature se trouvaient levés comme par enchantement. "
La guerre de 14 fait rage. Mais du salon Verdurin, aucun n’est sur le front. Certains travaillent dans des bureaux, le narrateur lui-même est en maison de santé.
Il compare le comportement des nations à celui des individus : la logique qui les conduit est tout intérieur, et perpétuellement refondue par la passion comme celle de gens affrontés dans une querelle amoureuse ou domestique.
M. de Charlus est accusé d’être allemand, étant germanophile.
La guerre fait des dégâts : l’église de Combray a été détruite par les Français et les Anglais car elle abritait un observatoire allemand.
M. de Charlus se fait torturer physiquement dans la maison de passes de Jupien. Françoise se fait torturer psychologiquement pas le maître d’hôtel qui lui fait peur.
Des pavés inégaux et un bruit de roues de train tire le narrateur de son découragement et lui rendent la confiance dans l’écriture.
Manuel du parfait écrivain, ou quels écueils éviter pour faire un bon livre (contrairement à Sainte-Beuve, encore lui….)
Le hasard existe-t-il ? Il semblerait que non.
Le narrateur prend conscience, lors d’une matinée chez les Guermantes que tout le monde a vieilli, y compris lui-même, qui se considère toujours comme un jeune homme.
Révélation : Mme Verdurin a épousé en troisième noce le prince de Guermantes. Les bras m’en tombent !
Morel est devenu un témoin moral (si, si….)
Malgré sa maladie, ou plutôt grâce à elle, le narrateur peut enfin commencer son Grand Œuvre et placer ses personnages dans le Temps, malgré le peu de place qu’ils ont occupés dans l’espace.
Quelques citations :
« Les jambes, les bras sont pleins de souvenirs engourdis. »
« Ce qui est étonnant, dit-il, c’est que ce public qui ne juge ainsi des hommes et des choses de la guerre que par les journaux est persuadé qu’il juge par lui-même. »
« Les cathédrales doivent être adorées jusqu’au jour où, pour les préserver, il faudrait renier les vérités qu’elles enseignent. »
« Le salut empressé et humble du baron proclamait ce qu’a de périssable l’amour des grandeurs de la terre et tout l’orgueil humain. »
« Car les vrais paradis sont les paradis qu’on a perdus. »
« Un être qui n’apparaissait, par une de ses identités entre le présent et le passé, il pouvait se trouver dans le seul milieu ou il pût vivre, jouir de l’essence des choses, c’est à dire en dehors du temps. »
« L’impuissance que nous avons à nous réaliser dans la jouissance matérielle. Et repensant à cette joie extrasensorielle….. »
« La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie, par conséquent, réellement vécue, c’est la littérature. »
« Je m’étais rendu compte que seule la perception grossière et erronée place tout dans l’objet, quand tout est dans l’esprit. »
« Mon livre, grâce auquel je leur fournirai le moyen de lire en eux-mêmes. »
http://alexmotamots.fr/?p=2420
On en arrive à l'aboutissement de la saga, la fin qui ouvrira, au narrateur, les portes de la littérature. Sublime et criant de vérité lorsqu'il peine à reconnaître les gens qu'il côtoya autrefois dans sa prime jeunesse. L'un des meilleurs de La recherche du temps perdu.
c beaux
C'est inouï, les personnages, vieillis, tous, deviennent presque vivants, presque humains. C'est mon livre préféré de la recherche du temps perdu, que dans le fond - bon, la forme - je ne suis pas sûre d'aimer vraiment. Sinon la prouesse technique que je préfère, et de loin, dans Balzac. Mais il avait un peu plus de temps devant lui.
Peut se lire seul, non accompagné, mais vraiment, non, cela doit perdre son charme et son sens. Bêtise!! Non, lire Proust, après on en parlera...
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