Ce premier roman puissant vient de décrocher le Prix du Roman Fnac 2022
Ce premier roman puissant vient de décrocher le Prix du Roman Fnac 2022
« Tous les matins, pendant un quart de seconde, je suis bien. Un quart de seconde où je ne me rappelle plus qui je suis, ce que je fais, où je dors »
Celle qui nous parle c’est Rose, reliée à son lit par une longe dans le « mayen », sorte de chalet rustique, que Camil son mari a retapé dans ce coin de montagne valaisane. Voilà trois ans que son monde s’est effondré quand sa fille unique, Anna, a été percutée par un camion. Trois ans qu’elle est broyée, écrasée par la douleur de cet insupportable et impossible deuil. Alors, pendant ses heures de solitude, enchainée à cette corde, elle se repasse le film de sa vie, cherchant les failles, les fêlures annonciatrices du drame à venir.
Et si cette longe au lieu de l’entraver n’était là que pour l’empêcher de couler ? Et si cette attache était son dernier lien à la vie, et à l’amour de Camil et des siens ? Plongée au cœur de la souffrance et au bord de la folie.
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Pas facile de passer le cap du second roman après un succès tel que celui de « Sa préférée ». Et pourtant, Sarah Jollien Fardel y réussit brillamment. Ce roman est une claque. Lu d’une traite il m’a bouleversée et il m’a éblouie. Cette mystérieuse longe dont on ne comprend l’utilité que dans le dernier tiers du roman, elle m’a enserrée la gorge dès les premières pages, me laissant en apnée face à l’immensité de la douleur de Rose. Elle s’est relâchée lorsqu’avec nous elle remonte le fil de ses souvenirs, et qu’elle évoque son enfance choyée auprès de parents aimants dans le bistrot familial, faite de plaisirs simples dans cette montagne en retrait du monde. Elle s’est resserrée peu à peu à l’évocation des maux un peu mystérieux de sa mère et elle m’a asphyxiée quand cette dernière décède alors qu’elle n’a que huit ans, la privant en même temps de son père, changé à jamais. J’ai respiré de nouveau avec elle pendant son adolescence heureuse auprès de son « drôle duo de grands-mères, la citadine dépendante, et la fille de la montagne rebelle » , ses retrouvailles avec Camil, l’amour de sa vie. Et elle m’a définitivement étranglée lors de la survenue du drame et tout au long de la lente descente aux enfers de Rose. Une longue apnée étouffante mais avec au bout la lumière, grâce à l’amour et grâce aux livres et aux mots, onguents précieux pour cette âme délabrée.
J’ai retrouvé dans ce roman l’intensité qui m’avait tant marquée dans le précédent. Une intensité présente dès les premières lignes, qui saute à la gorge du lecteur et dont on pressent qu’elle va nous engloutir. Ce qui m’a marquée aussi c’est la densité du propos, en dépit d’une économie de mots. Il ne fait que 150 pages et pourtant il dit une vie entière, ses joies, ses peines, son insouciance, ses doutes, sa cruauté infinie aussi. Tout çà en peu de mots mais des mots choisis, qui font mouche et qui se grave dans le cœur du lecteur. Il serait dommage pourtant de résumer ce livre à la douleur de cette mère. Là où dans le précédent tout n’était que noirceur, celui-ci est paradoxalement lumineux et on le referme sur une note d’espoir qui le rend inoubliable.
Un livre marquant et la confirmation de la naissance d’une immense autrice.
Vivre son enfance sous le joug d’un tyran domestique violent, cela laisse des traces. C’est ce qui est arrivé à Jeanne, la petite dernière d’un famille vivant dans le canton du Valais. Sa mère a enduré les coups, les insultes, d’un époux tyrannique sans jamais chercher à fuir.
Sa sœur aînée a tout subi elle aussi, mais si elle était Sa préférée, nul ne saura vraiment ce qu’elle a vécu, si ce n’est les quelques révélations faites à sa jeune sœur, puis sa disparition, inacceptable pour les femmes de la famille qui s’interrogeront sans fin, incapables de trouver la moindre réponse à leurs questionnements.
Jeanne enfant subit les violences du père, sa brutalité quasi quotidienne envers ses filles et son épouse, qui lui laissent à jamais un goût amer et provoque en elle une antipathie physique envers les hommes. Et qui dit accepter ces violences dans l’intimité du foyer implique souvent une forme de soumission aux autres maltraitances. Celles des garçons du village, de la cour de récréation, petite fille perdue, moquée, frappée, mais toujours en mal d’amour, de signe de sympathie, d’amitié.
Alors Jeanne grandit, quitte le foyer familial, celui de tous les malheurs, de toutes les questions, pour vivre à Lausanne. Elle reviendra très peu dans son Valais natal, seulement pour y retrouver sa mère, son seul refuge. Trouvera une forme de stabilité dans l’amour, la douceur, la compréhension des femmes qui lui ressemblent parfois si peu mais qui l’attirent. Mais toujours reste en elle la douleur initiale, celle de ces violences à la fois physiques et morales qui détruisent les vies à jamais. Car il ne suffit pas de partir pour oublier, difficile de trouver une forme de résilience dans l’oubli et le silence de ce qui a été. Bien sûr, l’apaisement et la douceur sont là, mais les traumatismes du passé aussi, tapis, prêts à ressurgir au moindre moment de faiblesse.
Roman souvent glacial et perturbant lorsqu’il évoque le foyer, cette violence intrafamiliale et les silences, les mots et les gestes du père, ses colères et ses coups, tous les traumatismes de l’enfance. Émouvant aussi, puissant lorsque l’autrice évoque de deuil, l’enfance, les douleurs et les coups. Le silence des voisins, celui du médecin, sont autant de coups portés aux femmes victimes de violences. Et pourtant, j’ai trouvé difficile d’entrer en communion avec Jeanne, de la plaindre ou de la comprendre tant son personnage m’a paru froid, elle en qui la violence du père à fait sourdre une autre forme de violence, celle qui lui est indispensable pour tenir, se défendre, continuer à vivre et à exister. Une fin ouverte qui laisse tout envisager, mais surtout le pire.
Ce roman est lu par Lola Naymark. Sa voix est à la fois douce et forte, hésitante et décidée. A l’image de Jeanne qui se cherche et reste si fortement en colère tant la douleur et les blessures de l’enfance sont prégnantes, toujours vivantes en elle. Si j’ai aimé cette écoute et la voix de la lectrice, la violence qui est en filigrane du roman et qui explose à chaque chapitre le rend parfois difficile à écouter, trop d’émotion, de douleur, de doute. Et pourtant, j’avais l’impression d’être une oreille attentive aux confidences de Jeanne, d’être à ses côtés, mais incapable de l’aider ou de la sauver des réminiscences destructrices de ces violences subies.
https://domiclire.wordpress.com/2023/03/28/sa-preferee-sarah-jollien-fardel/
Lorsqu’elle était passée à la Grande Librairie, Sarah Jollien-Fardel ne m’avait pas convaincue. Son livre, je l’avais acheté dès sa sortie, car j’avais beaucoup apprécié son précédent. Mais, il était resté dans mon sac de livres à lire. Lorsqu’enfin la curiosité fut de nouveau plus forte et que j’ai lu le prologue, j’ai su que l’écrivaine m’avait harponnée avec son écriture, puissante et symbolique. Je n’ai pu le quitter.
L’histoire de La longe est une métaphore pour décrire comment le désespoir et la souffrance vous retiennent dans un univers que vous subissez. Rose est attachée à sa longe depuis que sa fille est morte. Le passé revient en cascade et c’est d’une autre absence que Rose se souvient, celle de sa mère qui s’est suicidée à l’âge de sa communion.
Rose fait remonter les images d’un passé qui peut-être n’a jamais existé. Seulement, ces mots sur les images, revisitées par la mémoire, lui permettent de cheminer pour enfin se libérer de cette longe de souffrance qui la retient au pays des absents. Au fil des pages, le lecteur découvre pourquoi c’est le mari qui place une longe autour du corps de sa femme…
La nature tient une place à part entière : réparatrice, ancestrale, pesante et légère à la fois. Elle ancre les êtres, les accueille pour choyer leurs blessures et les aider à leur renaissance.
Admirable conte contemporain, que La Longe de Sarah Jollien-Fardel nous raconte avec l’apport des mots de l’écrit, réparateurs pour que Rose retrouve le goût des autres. Bien sûr ce roman parle de la perte, de l’absence mais aussi de réveil avec une écriture toujours aussi sublime.
Chronique illustrée ici
https://vagabondageautourdesoi.com/2025/02/03/sarah-jollien-fardel-la-longe/
Nous sommes en Suisse, dans le Valais. Rose, 43 ans, ostéopathe, mariée à Camil, architecte, auquel elle est liée depuis l'enfance, remonte dans ses souvenirs, enfermée, attachée à une longe, parfois bâillonnée dans un chalet loin de tout. Non, elle n'a pas été enlevée par un psychopathe mais c'est son mari, qui par amour, pour la sauver de la folie trois ans après la mort accidentelle ou pas de leur petite fille, pour la ramener à la vie qui a décidé, en accord avec le reste de sa famille, de la maintenir enfermée et entravée. Lorsqu'il s'absente, une femme, Hélène, vient lui lire de la littérature derrière la porte.
A nouveau, après "Sa préférée" (2022), Sarah Jollien-Fardel nous livre un portrait magnifique de femme, Rose, face à la violence, celle de la mort de sa mère alors qu'elle avait 8 ans qui a laissé une béance jamais comblée, puis celle insupportable de sa fille mais aussi de son cheminement vers la résilience. Elle est écrasée par la culpabilité de ne pas avoir désiré cette enfant et d'avoir eu des envies de lui faire du mal lorsqu'elle hurlait sans discontinuer. Elle nous offre également deux autres très beaux portraits de femme, les grands-mères, symbole de transmission, qui ont su guider Rose sur le chemin de la vie, lui offrir un exemple.
La littérature joue un rôle important : elle est celle qui apporte des réponses, apaise, console, ouvre d'autres perspectives que celles dans lesquelles on est enfermé.
Ce roman est surprenant, il peut être dérangeant, malaisant par le traitement infligé à Rose par Camil. La longe est ce qu'on met à un animal, cheval ou chien, pour le rendre docile et apte à l'apprentissage. Ici, elle est ligne de vie, qui permet à Rose de revenir vers la vie, en descendant au plus profond d'elle-même, d'en refaire l'apprentissage.
J'ai eu plaisir à retrouver l'écriture de l'auteure, âpre comme les montagnes du Valais, incisive, qui nous transmet, brutes, les émotions.
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