"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
On ne sait pas ce qu'il se passe derrière chaque porte. Un père pervers, dominateur, qui impose ses règles sociales. Une femme soumise. Des enfants perturbés,... L'éducation, qui rime avec construction, laisse des traces néfastes. Une famille isolée qui se cache. Le contact avec l'extérieur fait prendre conscience du déséquilibre en interne. On est loin des valeurs de la famille où l'amour doit tout sceller.
Il y a des éducations dont on ne sort pas indemnes. Chacun des membres de cette famille vit indépendamment les uns des autres, dans la soumission, le mensonge et l'autorité du père particulièrement, dans une sorte de violence non physique mais masquée, en humiliation et en chantage affectif. Dans ce milieu semi bourgeois se déploient des relations oppressives. Dans la mesure où cette famille est recentrée sur elle-même et uniquement autour du père, la mère ayant baissé les bras dans cette bagarre morale, personne ne peut savoir ce que vivent ces trois enfants. Qui n'arrivent même pas à être soudés. Seul un oncle, frère de la maman, a pu déceler une anormalité éducative, sans avoir à alerter. A l'école, l'institutrice tente une approche avec le dernier enfant, mais la réaction familiale sera vite répréhensible pour la jeune élève. Pour avoir vécu cette éducation familiale, heureusement pas aussi prononcée, j'imagine aisément les dégâts opérés sur l'auteur mais reste admirative de sa construction car c'est difficile de parler de son enfance. Elle s'est inspirée de son propre vécu mais le déroule sans agressivité, sans rancune comme une vie en parallèle. Magnifique.
Ce roman ne m'a pas laissée indifférente. J'y ai pensé quelques jours après la fin de ma lecture en cherchant à comprendre la fin. En trouvant un sens à cette fin, j'ai trouvé ce roman vraiment bien fait. C'est assez subtil et c'est bien là l'originalité de ce roman. C'est un roman qui prend son temps pour se livrer. C'est un vrai coup de cœur.
Evidemment, je ne parlerai donc pas de la fin du roman. Ce qu'il faut savoir, c'est que la famille en question est composée de 3 enfants, le père, la mère et leur nièce, Martina, qu'ils vont considérer comme leur propre fille. Et c'est à travers les yeux de Martina qu'on va découvrir cette famille qui est très toxique : instauration de règles très strictes, condescendance du père envers ses enfants, ambiance très sombre et très gênante, remarques passives agressives, frustration permanente, … Martina va vite mal vivre ces règles et va se sentir rapidement seule face à ses cousins qui semblent a priori s'accommoder de la situation. En réalité, il en va tout autrement.
L'autrice nous raconte l'histoire de cette famille sur 2 temporalités : l'époque de l'enfance et celle des enfants devenus adultes. Chaque enfant a vécu différemment l'emprise du père, insidieuse, difficile à expliquer en quelques mots et tout cela va avoir des conséquences sur leur vie d'adulte.
J'ai lu récemment un autre roman sur une famille toxique. Ce roman ci est particulièrement bien fait dans le sens où ce qu'il se passe au sein de cette famille est difficilement explicable. L'entourage des enfants ne peut pas ou ne veut pas l'entendre et peut difficilement réaliser ce qu'endurent ces enfants, d'autant plus que le père est très poli envers son voisinage.
Un roman qui donne à réfléchir même après la fin du roman, c'est pour moi un gage de bonne lecture. Je recommande cette lecture.
Je remercie les éditions Grasset pour cette lecture.
Sans qu’on sache très bien pourquoi au départ, Natalia, jeune trentenaire, a décidé de changer de vie. Elle a quitté sa ville et son boulot de traductrice en entreprise pour s’installer à La Escapa (la bien nommée : « escapar » signifie « échapper »), petite localité isolée de l’Espagne profonde, pour se consacrer à sa carrière de traductrice littéraire.
La nouvelle vie de Natalia est cependant loin d’être idyllique. La Escapa est un bled paumé, aride et quasi-désert, à proximité d’une montagne dénommée Glauco (faut-il traduire?), la petite maison qu’elle occupe est délabrée et son propriétaire est un escroc au regard lubrique, et les habitants du village se méfient de cette étrangère et de sa décision saugrenue de s’installer dans cet endroit sans charme. Parmi ceux que côtoie néanmoins la jeune femme, il y a en particulier Piter, le hippie local, étranger lui aussi mais bien intégré dans la communauté, un type sympathique mais un peu intrusif et dispensant des conseils moralisateurs. Il y a aussi la jeune fille qui tient la supérette et rêve de s’enfuir à la ville, des voisins qui débarquent le week-end dans leur maison de campagne, et Andreas, surnommé « l’Allemand », taciturne et dont, paraît-il, elle devrait se méfier. Pour compléter cet entourage étriqué, Natalia, qui avait demandé à son propriétaire de lui trouver un chien pour lui tenir compagnie, se voit refourguer un cabot très peu sociable, qu’elle baptise Chienlit.
Malgré ses efforts, Natalia a du mal à s’intégrer, et le malaise s’épaissit encore lorsqu’un violent orage endommage la toiture de sa maison et qu’elle accepte l’offre de l’Allemand de réparer les dégâts moyennant rétribution en nature. Les rumeurs se répandent dans un silence assourdissant et Natalia se sent de plus en plus isolée, méprisée, jusqu’à ce qu’éclate le drame causé par Chienlit.
Ce qui devait être un renouveau pour la jeune femme s’avère être une lente descente dans un puits sans fond de doutes existentiels et de solitude, au point de fantasmer sa relation avec l’Allemand et d’y perdre sa dignité et, inévitablement, d’en souffrir.
Sara Mesa s’y entend pour installer une ambiance de tension diffuse de plus en plus pesante et inquiétante, et pour camper des personnages incarnés et complexes. Elle décortique avec une grande finesse psychologique les questionnements de Natalia, anti-héroïne qui se laisse dériver et qu’on voudrait secouer, pour laquelle on n’éprouve pas de réelle empathie mais qui ne laisse pas indifférent.
Sur les thèmes de la solitude, de la manipulation, des faux-semblants, de l’incommunicabilité, des choix de vie et du respect des autres et de soi-même, « Un amour » est un roman ambigu, rude et captivant.
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