Taïna, indienne des Caraïbes, a été instruite dès son enfance pour devenir chamane, mais Christophe Colomb et les Espagnols arrivent...
Comme il pourrait être tentant d’affirmer de façon péremptoire qu’il n’y a rien à dire d’Antoine Bloyé, employé consciencieux de la compagnie des chemins de fer à l’ambition modeste et raisonnable, mari sans grande passion ni grandes exigences, père à la présence discrète mais non distante, modèle même , donc, de cette classe entre deux eaux que l’on appelait alors « la petite bourgeoisie », sorte de no mans land un peu fadasse hésitant entre une classe ouvrière gagnant sa vie les mains dans le cambouis et la caste inatteignable de ceux qui les glissent dans des gants de prix , les « Grands Bourgeois ». Ce serait oublier un peu vite qu’il est le personnage central du premier roman de Paul Nizan, né avec le XXème siècle et mort de sa deuxième guerre mondiale, façonné à la philosophie et à l’engagement politique comme à la littérature et au journalisme, à l’image de celui dont il partagera un temps la « thurne », Jean-Paul Sartre. C’est sans doute pour cette raison que l’on sentira affleurer, sous les émanations désuètes qu’exhale par bouffées ce romans comme une savonnette de vieille dame le parfum de violette , la profonde mélancolie d’un homme qui voit sa vie échapper à sa propre volonté et filer entre ses doigts avec une rapidité qu’il n’avait ni anticipée, ni mesurée. Comme tout un chacun.
Car c’est ce qui touche dans ce roman à la fausse simplicité, à la platitude calculée, à l’angoissante lucidité. Derrière la vie suffisamment neutre, équitablement dotée de petites joies et de grands chagrins d’un Antoine Bloyé, apparait en filigrane ce questionnement philosophique qui ne manque pas nous tarauder tous d’une voix plus ou moins forte selon que le bruit et l’agitation de notre propre existence se font plus ou moins envahissants : que ferai-je, que fais-je, qu’ai-je fait de ce temps de vie qui me sera , m’est ou m’a été donné ? C’est d’une beauté pure et triste, un peu comme un mois d’octobre dont le soleil ne fait que souligner l’éclat des feuilles qui tombent. A lire avec un moral solide et une tasse de chocolat chaud !
Avec Antoine Bloyé, Paul Nizan a écrit le roman de la trahison. Mais aussi un traité sur la lutte des classes, un essai sur la relation père-fils et un cri de révolte qui n’a rien perdu de son actualité.
La mort, omniprésente de ce livre et dans l’œuvre de Paul Nizan, se devait d’accueillir le lecteur dès les premières pages du livre. C’est donc sous la forme d’un faire-part de décès que nous faisons connaissance de l’homme qui sera au cœur de ce roman: « Dans les journaux de la ville, dans Le Populaire, dans Le Phare, on lisait: ont la douleur de vous faire part de la perte cruelle qu'ils viennent d'éprouver dans la personne de leur fils, mari, père, décédé dans sa soixante-troisième année.
Monsieur Antoine Bloyé, Ancien Ingénieur aux Chemins de fer d'Orléans,
Officier de l'Instruction Publique. Les obsèques auront lieu le jeudi 15 courant, à l'église Saint-Similien, sa paroisse. On se réunira à la maison mortuaire, 19, rue George-Sand, à 15 heures. »
Pour accompagner le défunt à sa dernière demeure, on trouve au premier rang son épouse Anne et son fils Pierre, témoins et héritiers d’une histoire qui aurait pu être belle, si le tragique ne l’avait rattrapée en chemin. Car Antoine a grimpé les échelons les uns après les autres, fils de prolo, il a travaillé et réussi un beau parcours scolaire, même si dès la première année de collège, il a compris qu’il ne faisait pas partie du même monde que les enfants de notable qu’il côtoyait alors, comme le fils du commandant Dalignac. À partir de ce moment, il est confronté à un terrible dilemme. Plus il va grimper et plus il va sentir qu’il passe d’une autre – mauvais – côté. Qu’il trahit les «siens». Un malaise qui ne va cesser de grandir et qui va entraîner Antoine vers une douloureuse remise en cause lors de déambulations solitaires.
Ce que décrit très bien le roman trouvera plus tard une traduction politique tranchante faite par Nizan lui-même: «la culture bourgeoise est une barrière. Un luxe. Une corruption de l'homme. Une production de l'oisiveté. Une contrefaçon de l'homme. Une machine de guerre.»
Dans son éclairante préface, Anne Mathieu, co-fondatrice du Groupe Interdisciplinaire d'Études Nizaniennes, appuie où cela fait mal: «en nous faisant partager ses espoirs, ses doutes, ses regrets, en décrivant les moindres méandres de ses pensées, Nizan donne au problème de l'héritage culturel prolétarien et de l'oppression culturelle bourgeoise une prégnance rude, froide, quasi physique, dans laquelle le lecteur est entraîné avec malaise.» Avant d’ajouter que ce roman terriblement noir «appelle à la révolte. Contre la mort, contre la bourgeoisie, contre cette société où l'on ne promet que le conformisme des machines, contre ce monde du scandale où l'homme se perd.»
Si la minutie des descriptions peu ennuyer un lecteur d’aujourd’hui, la force du message n’a elle rien perdu de son actualité, plus de 150 ans après. Le combat pour faire de la devise de notre République une réalité trouve – surtout en période de crise – un écho immédiat. Si les rêves des communistes se sont effondrés avec la chute des régime si prétendaient les incarner, l’envie de davantage de liberté, d’égalité et de fraternité persiste.
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Les 68premiéresfois fêtent les 5 ans de cette aventure : découvrir des premiers romans mais aussi au fils des années des seconds romans. Pour son cinquième année, une sélection de premiers, deuxièmes romans et des conseils de lecture de primo écrivains. C'est ainsi que j'ai découvrir le roman de Paul Nizan. Antoine Bloyé est un roman social, qui nous raconte l'ascension sociale d'un jeune garçon. Il monte dans l'échelle sociale grâce à l'instruction publique et de simple ouvrier à la compagnie des chemins de fer il va devenir chef d'atelier et devenir un chef et un petit bourgeois dans une petite ville de province. Mais le déterminisme social existe et demeure le plafond de verre, car il ne se sentira jamais accepté par la bourgeoisie provinciale. Et regrettera parfois sa position de chef face à la solidarité des ouvriers en particulier lors de mouvements de grève. J'ai été émue à la lecture de certaines pages, en particulier sur le travail à la compagnie des chemins de fer. Arrière petite fille, petite fille et fille de cheminot, certains épisodes résonnent dans des souvenirs familiaux. Avec une belle écriture, cette lecture est un plaisir même si cela n'est pas gai et que c'est malheureusement toujours d'actualité. Paul Nizan parle très bien de l'évolution de la société, de la vie rurale à la vie urbaine, le long des lignes de chemins de fer, du développement de l'industrialisation, de l'évolution sociale et des moeurs. Un texte qui m'a incité à continuer la découverte de cet auteur, dont je pense qu'il fait partie des écrivains un peu oubliés de la littérature française. M'a donné envie aussi de relire certains romans de Zola, d'Aragon et d'auteurs de cette époque, qui nous parle du début du 20e siècle et des changements d'époque.
chef d'oeuvre, mon livre préféré!
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Taïna, indienne des Caraïbes, a été instruite dès son enfance pour devenir chamane, mais Christophe Colomb et les Espagnols arrivent...
Une belle adaptation, réalisée par un duo espagnol, d'un des romans fondateurs de la science-fiction, accessible dès 12 ans.
Merci à toutes et à tous pour cette aventure collective
Lara entame un stage en psychiatrie d’addictologie, en vue d’ouvrir ensuite une structure d’accueil pour jeunes en situation d’addiction au numérique...