Quand la frontière est avant tout un lieu de partage
Nous avons rencontré Olivier Weber qui nous parle magnifiquement de son dernier livre, Frontières paru aux éditions Paulsen. Frontières, c’est le récit d’un écrivain qui est également grand reporter et Diplomate. Journalisme...
Quand la frontière est avant tout un lieu de partage
Ardente et séduisante Gerda, prise dans le tourbillons du début du nazisme et de la guerre d’Espagne.
L’auteur Olivier Weber, avant d’être écrivain, était reporter mais aussi ancien correspondant de guerre, ainsi que diplomate et maître de conférences à l’Institut d’études politiques de Paris.
Pas étonnant qu’avec autant de cordes à son arc, il ait pu nous livrer cette fresque historique. Ce qui était moins évident, c’était d’en faire une aventure romanesque. Et là encore, il réussi à nous faire rêver et vivre au rythme de l’amour et de l’amitié. Le désir d’absolu transparait à chaque page.
Le livre s’ouvre sur une scène qui est bouleversante. Nous sommes en juillet 1937, en pleine guerre civile espagnole. Gerda Taro, l’héroïne écrasée sous un char, se meurt dans la chambre jouxtant celle de son amant. Le décor est rempli de symboles puisqu’il s’agit de l’Escurial, la dernière demeure du roi Philippe II d’Espagne. Pour Gerda aussi ce sera la dernière demeure. Son amant, grièvement blessé aux jambes, est hospitalisé dans la chambre voisine mais ne peut pas la rejoindre ni l’accompagner dans ce qui seront les dernières heures d’agonie pour elle. Cette scène est poignante et pourtant elle frôle le sublime au travers de tout ce qu’elle charrie : morphine, jazz, passion de la vie et passion amoureuse.
En plaçant un décor aussi poignant dès le premier chapitre, l’auteur donne la note ; celle de la beauté des sentiments au milieu des affres de la guerre. Un fait qui pourrait être considéré comme relativement fréquent (je n’ose pas dire terriblement commun) mais qui, dès les chapitres suivants, retrace la vie de personnages hors du commun ; la vie de passionnés au milieu des monstruosités des guerres.
Retournons à Paris en août 1936, pour mieux nous imprégner de l’ambiance de l’époque et du chemin parcouru par l’héroïne et son entourage ; au printemps le front populaire a gagné les élections.
Gerda Taro, née Pohorylle, a vu le jour à Stuttgart en Allemagne en 1910. Très tôt elle devient militante antinazie et va fuir cette ville, en raison des exactions du parti national-socialiste. Elle vit quelques temps à Leipzig mais devra finalement quitter l’Allemagne tant le nazisme monte en puissance. Elle a été emprisonnée par la Gestapo. Elle sent déjà que Mussolini, Franco et Hitler vont s’unir pour le pire.
« Là où l’on brûle des livre, on finit par brûler des hommes. » Heinrich Heine.
Point de chute Paris et tout ce que cette ville peut drainer d’extraordinaire et d’attirant. Elle a alors 26 ans et va côtoyer des artistes haut en couleur ; des écrivains, des poètes, des journalistes, des photographes et quelques autres intellectuels. Dans son sillage nous verrons Paul Nizan, poète et patron de presse, Robert Capa photographe hongrois exilé à Paris et compagnon de Gerda, ou encore Louis Aragon, Arthur Koestler ou Jonathan Werner journaliste canadien également amant de Gerda.
On croisera ainsi des figures dont l’histoire nous reparlera encore un long moment après cette guerre d’Espagne. Je pense entre autre à Willy Brant, ami de Gerda qui, voyageant entre Norvège et Paris, finira par mettre sur pieds un réseau d’envergure, le SAP ; il n’a alors que 23 ans.
« Il est entré dans la clandestinité à la vitesse de l’éclair et doit assumer un rôle de militant de l’ombre. »
La densité du roman est telle qu’on ne pense pas ne passer qu’une année aux côtés de cette grande photographe de guerre dont on dira qu’elle est la première femme photographe à mourir sur le front. Elle suivait les soldats républicains et des volontaires madrilènes. Elle devine que les staliniens ont joué un rôle certain dans l’avènement de Franco. Elle s’est voulue libre de tout choisir, pareillement sa vie amoureuse et le fait d’aimer deux hommes en même temps, que de militer pour les droits et la liberté des hommes.
Dans ce livre on comprend que cette guerre espagnole était très complexe. Je suis loin d’en avoir compris ne serait-ce que l’essentiel.
Un écriture d’une grande sensibilité.
Mon royaume pour un cheval ! Ou peut-être pour un livre, celui d’Olivier Weber qui relate un beau voyage pour revenir plein d’usage et d’apaisement d’un royaume qui n’existe plus sur la mappemonde mais toujours bien présent dans le cœur de ses sujets : une enclave portant le nom d’un cheval sauvage : le Mustang, territoire stratosphérique coincé entre le rebelle Tibet et l’ogre de Chine, là où a coulé l’encre mais aussi malheureusement beaucoup de sang.
Jusqu’en 1992, ce « royaume interdit », pour reprendre le titre du livre de Michel Peissel, a laissé porte close aux étrangers. Depuis, en échange d’une autorisation payante, d’aucuns peuvent aller à la rencontre de ces montagnes sauvages qui hébergent un peuple résistant à la vésanie technologique et des ses affres ; reste à savoir pour combien de temps encore : 6000 âmes contre 1 milliard de l’autre côté de la frontière.
Olivier Weber est parti à la rencontre du peuple de Lo et de ces lieux de pierres, de roches, de pics et de torrents pour reprendre de la hauteur et évacuer les incessants tourbillons du monde. Lui, le reporter de guerre qui a couvert moult conflits en Asie, en Afrique, qui a failli recevoir des centaines de coups létaux, qui a côtoyé le pandémonium sur terre, milité dans l’humanitaire, avait besoin de ressouder son esprit par un bain de méditation par delà les nuages.
« Au royaume de la lumière », un titre pour éclairer chaque lecteur et rendre hommage aux êtres qui tentent de rester humains dans ces précipices multipliés par la course à la modernité, l’argent, la vitesse et cette envie perpétuelle de vouloir dominer l’autre. Là, c’est un envol vers la sagesse, la lenteur, la bienveillance, l’attention portée à ses semblables en préconisant l’humilité salvatrice.
Le journaliste écrivain est parti avec deux compagnons, Pierrot et Gérard, ce dernier souffrant de cécité. Et pourtant, l’aveuglement est loin de lui, ses dons pour voir le monde autrement sont uniques et sa sensibilité pour l’ouïe et l’odorat fait qu’il sent, ressent ce que les autres ne voient et sait écouter ce que les gens n’entendent plus. Une leçon de courage enveloppée dans l’apprentissage constant de la vie. Ceux qui avaient vu le documentaire réalisé par l’écrivain « Un œil sur le toit du monde » et diffusé sur France5 il y a environ deux ans, auront pu constater toute la vaillance de cet homme qui dans le noir transmet des forces d’énergie solaire.
Raconter ce livre serait une ineptie et ma pauvre plume serait un bien trop pâle reflet par rapport à toute la luminosité qui rayonne dans ce bréviaire convertit en un « chant polyphonique de l’humanité, de l’animalité et de la minéralité ». Sachez simplement qu’en tournant les pages, celui qui a vu la géhenne se répandre sur la terre, qui a vécu les scènes de guerre dans l’impitoyable barbarie humaine, partage ce grand air salvateur, relate le véritable « vivre ensemble » - celui réellement pratiqué dans cette solidarité des terres rudes – et porte un éclairage pour nettoyer nos neurones des jets mercantiles incessants et autres filtres empoisonnés par la main d’un diable aux multiples visages.
A l’instar de la description poétique de la goutte d’eau tombant sur une roche, à la lecture de ce livre chaque mot viendra se coller dans les entrailles de votre corps, descendra dans les rides de l’existence pour remonter dans un soleil intérieur pour que progressivement se dessine un arc-en-ciel sonnant le réveil des richesses insoupçonnées qui sommeillent en vous et chez les autres. Voyager avec Olivier Weber c’est regarder le monde en fermant les yeux et s’accrocher à ses cimes de beauté que Gaïa voudrait conserver à jamais dans ses bras.
Yackement vôtre,
Blog Le domaine de Squirelito => https://squirelito.blogspot.com/2021/07/une-noisette-unlivre-au-royaume-de.html
Ancien correspondant de guerre, reporter et écrivain, Olivier Weber se lance dans une expédition aux confins du monde, direction Le Mustang, petit royaume en Himalaya désormais rattaché au Népal. Son ami Gérard l’accompagne dans ce périple, Gérard dont la particularité, outre le fait d’être déjà venu dans cette région de l’Himalaya, est non voyant. Accompagnés par des guides locaux parmi lesquels Tsewang prince de l’ancien u royaume, les deux hommes vont marcher des semaines durant et parcourir les hautes vallées de cette montagne mythique. Au-delà de l’exploit sportif, les deux amis cherchent plutôt la quête de soi et le partage. Gérard est guidé par Migmar son « ange-gardien » sur les sentiers escarpés. Son handicap visuel lui permet de développer les autres sens et de se concentrer sur les sensations.
« Gérard avait transformé sa différence en force »
Expérience enrichissante bien que parfois éprouvante que tentent les deux amis. Elle les mènera à la rencontre des habitants (ils ne sont que 6000 à vivre à ces altitudes) et leur fera découvrir une culture ancienne et préservée.
Cette échappée loin du monde moderne dans une nature rude et préservée facilite la méditation et l’écoute de l’autre, comme un retour aux sources.
« La marche engendre le rêve et le grandit »
Par ses descriptions pleines de poésie, l’auteur sait nous faire rêver. J’ai aimé la belle amitié et la complicité entre les deux amis et leurs échanges qui rendent vivant ce récit.
J'ai lu ce récit dans le cadre du jury des lecteurs pour le prix littéraire Terres d'Ailleurs 2021. Ce prix récompense un livre d'aventure vécue, une aventure/voyage /découverte d'un ailleurs au travers du regard d'un(e) auteur(e).
En souscrivant un abonnement annuel, ce récit peut être écouté par les non-voyants sur le site de La Bibliothèque Numérique Francophone Accessible. La BNFA est un service proposant l'accès à des livres numériques adaptés aux personnes déficientes visuelles, elle est ouverte à toute personne bénéficiant des lois sur l'exception au droit d'auteur en France ou en Suisse.
J'ai beaucoup aimé de roman à clés sur la Méditerranée au XVe siècle, à travers la vie du peintre Bellini. Ou plutôt de sa mission de Venise à Istanbul pour... peindre le pire ennemi des Chrétiens, le sultan ottoman.
J'ai tourné les pages avec plaisir et découvert une belle histoire d'amour. Je recommande vivement!
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