"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Il est des auteurs dont j’aime prendre le temps de déguster la prose. C’est le cas pour les romans de Hubert HADDAD.
Son dernier ouvrage m’a emmené à Ratisbonne avant la Seconde Guerre Mondiale jusqu’aux plages de l’Atlantique après le débarquement.
J’ai suivi avec intérêt la jeunesse de Clemens, très tôt mis à la musique, gardien du violon de son grand-père.
J’ai aimé cette fusion entre l’enfant et l’instrument, sa découverte de la musique.
J’ai aimé ses premières années au contact de la nature sauvage de la Forêt Noire, dans le château préservé de son oncle, loin de la fureur des jeunesses hitlériennes.
J’ai aimé le pensionnat qui l’accueille, quelques années plus tard, lui aussi un peu à l’abri de l’enseignement du Reich : le directeur tient à ce que les élèves pratiquent la musique et apprennent le grec et le latin.
J’ai aimé les femmes autour de Clemens : sa mère Maria-Hanke trop tôt morte dans un asile ; Handa la jeune fille qui le garde pendant les absences de sa mère ; la bonne de l’oncle qui le protège ; la professeur de musique du pensionnat qui joue toute la nuit avec lui.
J’ai aimé que Clemens n’ait pas d’attaches, seulement son violon et la musique qui lui permet de s’exprimer.
L’auteur utilise un vocabulaire parfois désuet qui oblige le lecteur à prendre le temps de la lecture.
Enfin, j’ai aimé la scène finale avec Clemens et son violon au milieu du fracas de la guerre.
Une citation :
… ils devenaient exaltés et brutaux, levant le bras à tout moment, main tendue, comme des ressorts de piège à souris. (p.87)
L’image que je retiendrai :
Celle des greniers où se pratiquent la musique.
https://www.alexmotamots.fr/la-symphonie-atlantique-hubert-haddad/
Les livres d’Hubert Haddad m’impressionnent et me troublent. Certains m’ont emporté dans un ailleurs où la tragédie et la beauté de la vie cohabitaient. Il y a dans son écriture une poésie, une musique qui embarquent dans les profondeurs de l’être. D’autres livres se sont déployés sans moi. Je restais à côté.
Son nouveau livre m’a tout de suite séduit et parlé. Au coeur d’une guerre dont l’atrocité n’est pas ignorée et dont l’auteur rappelle régulièrement la portée, nous suivons le parcours de Clemens, jeune enfant qui découvre la musique et ne peut compter sur elle. Son talent le protège et la musique devient son alliée. Comme souvent dans ses livres, Hubert Haddad parle du présent pour mieux aborder l’absence. Au fur et à mesure de son avancée, on voit surtout les êtres disparaître autour de ce protagoniste. Ils fuient, ils sont arrêtés, ils sont assassinés. La tragédie l’enserre et seule la musique peut encore faire entendre sa voix.
Clemens reste un mystère pour moi. Il est difficilement atteignable et parfois réduit à sa virtuosité. Qui est-il véritablement ? Peut-il être et s’épanouir dans cette guerre, dans ce monde ? Rien n’est vraiment sûr. Existe sa passion. Les autres personnages tentent de protéger leur vie mais leurs lumières s’éteignent progressivement. Les premiers chapitres sont notamment portés par deux femmes, Maria-Anke et Handa, dont l’attention propre à chacune envers Clemens installent tout le récit dans une émotion bouleversante qui, elle, ne s’éteint jamais.
La solitude tragique d’un enfant violoniste au milieu des bombes.
Un roman bouleversant sur le nazisme et la situation des enfants. La guerre, l’innocence des enfants, la musique.
Les années 30 en Allemagne - Clemens Oberndorf est un enfant choyé par sa mère. Quand il la perd, il se retrouve balloté de foyer en institut avec seul repère, son violon dont il joue en virtuose. Une bulle de paix, de rêve, de douceur tandis qu’autour de lui, le nazisme progresse, la guerre s’installe. Et surtout, comme pour tous les jeunes de 8 à 14 ans, la menace d’enrôlement dans la Hitlerjugend (la jeunesse hitlérienne).
« On y enrégimentait les enfants dès les premières classes. Les instituteurs et institutrices terrorisés ou consentants affichaient des photos du Führer au-dessus du tableau noir. »
C’est un roman prenant, surprenant par sa densité, par le contraste saisissant entre la violence, la brutalité de la guerre, des interdits, et la beauté du violon quand Clemens joue.
Grâce à une écriture riche et précise, l’auteur démontre avec beaucoup de profondeur, la solitude extrême de l’enfant. Son seul lien à la vie et à l’amour est son violon. Une solitude émouvante car banalisée par l’enfant, qui n’attend rien de l’existence.
Un gamin qui n’intéresse et ne compte plus pour personne :
« Il n’attendait rien de précis, rien qui eut visage humain. Nul dans ce monde ne s’inquiétait de lui ; existait-il même quelqu’un de vivant pour se souvenir de Clemens Oberndorf à cette heure indécise ? C’était presque un soulagement de ne manquer à personne. Quand on ne craint plus de chagriner quelque fidèle ami, une mère pas trop aimante ou un vain petit père, la mort violente devait équivaloir à l’inaudible fission d’une bulle de savon : un blop infime dans un paysage sans limites. »
Ce qui est parfaitement démontré également est l’absence de la valeur de la vie. Qu’il s’agisse de celle d’un adulte, et encore plus de celle d’un enfant.
Être malléable qui fournit une chair à canon supplémentaire.
L’innocence sacrifiée, le talent inutile….
Un roman bouleversant terriblement actuel, où la vie des innocents est sacrifiée au profit de dirigeants totalitaires.
Merci aux éditions Zulma pour cette belle découverte.
https://commelaplume.blogspot.com/
Clemens Oberndorf est un enfant allemand dont la vie bascule avec l’arrivée du nazisme au pouvoir. Alors que sa mère atteinte de troubles psychologique lui est retirée, il navigue de parents éloignés en foyers, tentant d’échapper aux jeunesses hitlériennes.
Sa seule constante est son amour pour la musique, et son violon hérité de son grand-père, dont il joue en virtuose. Cela lui ouvre certaines portes et lui permet de libérer son esprit grâce à Schumann, Liszt, ou Mozart :
« La musique habite un monde inaccessible, elle est comme l'âme des absents. »
Dans ce nouveau monde où la force brute et physique prédomine sur les arts, où les livres sont brulés et la musique interdite, Clemens doit lutter pour poursuivre sa passion. Sa seule manière de combattre l’inconcevable est de jouer sa musique, une sonate passionnée contre le chant apocalyptique de la guerre et des bombes qui détruisent tout dans un fracas mortel.
« Du ciel, seules les étoiles ne sont pas tombées. »
Hubert Haddad écrit un livre très poétique malgré ce sujet difficile, s’arrêtant sur des instants volés à la guerre: le chant d’un oiseau, la beauté d’une fleur, la magie de la forêt noire, l’envoutement de la musique. Certains passages musicaux sont sublimes, on peut voir et entendre les notes s’envoler des pages. Une belle découverte, ce livre est d’ailleurs dans la première sélection 2024 du Prix Renaudot.
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