"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Eduardo Halfon entre immédiatement dans le vif du sujet avec le séjour que lui et son frère ont passé dans un camp d'enfants juifs au Guatemala, dans lequel leurs parents ont décidé qu'ils iraient alors qu'ils avaient fui ce pays, le leur, trois ans plus tôt pour les États-Unis à la fin de l'été 1981. Mais à treize ans il n'a que faire d'être juif. Pire, il déteste, surtout par la manière très autoritaire de son père d'imposer la pratique du judaïsme.
Il nous emporte dans son histoire et les souvenirs de sa vie et c'est instantanément captivant. D'abord parce que ça parle d'une enfance que nous, petits Français, on n'a pas eue. Une enfance dangereuse dans un pays dangereux. Il apprend les techniques de survie et ça m'a semblé intéressant ! Et en même temps, est-ce bien normal ? Non, si on vit au milieu de la civilisation. D'autant que les méthodes utilisées dans ce camp sont extrêmement douteuses, violentes et abjectes.
L'auteur nous emmène de ces souvenirs-là dans ces lieux-là de son enfance à ceux de l'âge adulte à Berlin, Paris... Il saute d'une époque à l'autre, d'un lieu à l'autre, pour mieux y revenir. Il nous parle des souvenirs, de la fiabilité de ceux-ci et j'avoue que j'ai trouvé ça très troublant. Car la mémoire est infidèle bien souvent et le cerveau lui-même nous trompe parfois en réinterprétant les choses vues, nous donnant des certitudes à partir d'approximations car il aime combler les trous, puisque la nature a horreur du vide.
Outre le thème de la mémoire, la judéité est au coeur même de ce récit, comme si tout juif avait deux identités : juif en plus d'une nationalité, ici en l'occurrence guatémaltèque et je n'ai pas l'impression que ce soit aussi prégnant dans les autres religions. Sans doute parce qu'aucune autre n'a été aussi maltraitée que celle-ci depuis toujours, et continue de l'être.
Il nous parle de la reconnaissance entre juifs quasi-instinctive qui ne s'explique pas. Il nous raconte les enterrements juifs, où la douleur s'exhibe...
Des souvenirs d'enfance traumatiques et une mémoire hasardeuse...
Partout dans le monde il y a des gens qui haïssent les Juifs et des Juifs qui pensent que le monde entier les hait.
Comme les pièces d'un puzzle qui s'imbriquent, les souvenirs peu à peu donnent une idée de ce qui est arrivé et pourquoi. Mais la mémoire n'étant pas d'une fiabilité absolue, quelle est la part de vécu et la part de fiction dans un récit autobiographique ? Car Eduardo Halfon va être confronté des années plus tard à la fragilité de ses réminiscences lorsque le passé réapparaîtra dans le présent.
J'ai vraiment trouvé très intéressant ce récit qui en vient à faire douter de ses propres souvenirs, et de fait qui interroge sur la fiabilité d'un témoignage.
Un court roman, d'une traite sans chapitre sur le deuil d'un enfant que tout le monde a oublié. le narrateur part à la recherche de ses souvenirs. Il en est sûr, quand il était petit, on lui a raconté que le frère aîné de son père était mort noyé à 5 ans. Mais il semble seul à se souvenir de cet évènement. Il part donc à la recherche de ce souvenir plus que de l'enfant mort.
Sur son chemin, il rencontre d'autres histoires d'enfants noyés.
C'est assez bien écrit, pas très triste car le récit fait penser à un conte.
Je ne suis pas sûre d'avoir compris le propos de l'auteur. Je n'ai pas passé un mauvais moment mais au final il n'y a pas eu beaucoup d'intérêt à cette lecture.
JE ne pensais pas découvrir n ouvrage d'un auteur guatémaltèque sur les rayonnages de ma médiathèque, et ce fut une belle surprise de me plonger dans ce recueil de nouvelles d'Eduardo Halfon.
La première, qui donne son titre à l'ouvrage, raconte le séjour italien d'un auteur guatémaltèque, dont le grand-père survivant d'Auschwitz, a choisi l'exil au Guatemala après un séjour à New York. Signor Hoffmann, est accueilli dans la reconstitution d'un lieu de mémoire, au fin fond de la Calabre, un camp de concentration italien. Accablé par la fatigue du voyage et la chaleur, l'invité y fait un malaise. Il finira la soirée à boire des gins au bar du village en compagnie de sa traductrice presque aussi paumée que lui ...
Une autre raconte la reprise en main d'une plantation de café par des paysans guatémaltèques après avoir été spoliés des profits de leurs récoltes par des traders new-yorkais puis un entrepreneur italien du café haut de gamme. Plongée dans la misère d'un village, où une famille prend peu à peu le pouvoir économique forte de son fils martyr.
Dans un style concis, des phrases resserrées et attachées à l'essentiel, l'auteur décrit en peu de mots, des ambiances, des paysages, de manière très évocatrice.
Un auteur que je découvre et dont je vais essayer de dénicher d'autres ouvrages
Eduardo Halfon brouille les pistes avec un art consommé. Croyant partir avec son narrateur-auteur à la découverte du Japon, on se trouve aux prises avec la Guerre civile du Guatemala, qui a bien secoué son arbre généalogique.
Habile à brouiller les pistes, Eduardo Halfon nous convie tour à tour dans différents points du globe en ouverture de ce roman étonnant à plus d’un titre. Après Tokyo, où l’écrivain-narrateur est convié à un colloque en tant qu’écrivain libanais, il va nous raconter les pérégrinations de ses ancêtres de Beyrouth à Guatemala Ciudad, en passant par Ajaccio, New York, Haïti, le Pérou, Paris et le Mexique. Ces jalons dans la vie du narrateur et de sa famille lui permet d’endosser bien des costumes. Celui qu'il étrenne à Tokyo étant tout neuf. Invité comme «écrivain libanais», il lui faudra toutefois remonter jusqu'à son grand-père pour offrir semblant de légitimité à cette appellation d’origine. Car ce dernier avait quitté le pays du cèdre depuis fort longtemps – il est du reste syrien – et s'était retrouvé au Guatemala où il avait fait construire une grande villa pour toute la famille.
C'est dans ce pays d'Amérique centrale, secoué de fortes tensions politiques, que nous allons faire la connaissance de Canción, le personnage qui donne son nom au titre du roman. Il s’agit de l’un des meneurs de la guérilla qui combat le pouvoir – corrompu – alors en place. En janvier 1967, avec son groupe, il décide d’enlever le grand-père du narrateur en pleine rue, au moment où il sort de la banque où il a retiré l'argent pour payer les maçons qu’il emploie. Canción va négocier le versement d’une rançon et se spécialiser dans ce type d’opérations, passant à la postérité pour la tentative avortée d’enlèvement de l'ambassadeur américain, John Gordon Mein. Car le diplomate tente de s’enfuir et est alors «aussitôt mitraillé par les guérilleros. Huit blessures par balles dans le dos, détaillerait le juge après l’autopsie.» C'est alors que Canción gagne son surnom: le Boucher (El Carnicero).
Avec humour et ironie, Eduardo Halfon montre que durant toutes ces années de guerre civile, il est bien difficile de juger où est le bien et le mal, chacune des parties comptant ses bons et ses mauvais éléments. Si l’on trouve légitime de s’élever contre un pouvoir corrompu, soutenu par les Américains et leur United Fruit Company, pratiquement propriétaire de tout le pays, on peut aussi se mettre à la place de cette famille qui a immigré là pour fuir d’autres conflits et se retrouve, bien malgré elle, au cœur d’un autre conflit. D’autant qu’elle va se retrouver accusée par le pouvoir d’avoir financé les forces armées rebelles en payant la rançon. Pour appuyer cette confusion, l’auteur n’hésite pas à passer, au fil des courts chapitres, dans une temporalité différente. De Tokyo à la guerre civile et à une conversation dans un bar où l’on évoque les chapitres marquants de l’épopée familiale. Le fait que le grand-père et son petit-fils s’appellent tous deux Eduardo Halfon n’arrangeant pas les choses! On file en Pologne pour parler des origines juives, puis au Moyen-Orient qui ne sera pas un refuge sûr avant d’arriver dans un pays «surréaliste», le Guatemala. Il est vrai qu’entre coups d’État, dictature, guérilla, ingérence américaine et criminalité galopante, enlèvements et assassinats, cette guerre civile qui va durer plus de quarante ans offre un terreau que le romancier exploite avec bonheur, tout en grimpant dans les arbres de son arbre généalogique à la recherche d’une identité introuvable.
Le tout servi par un style foisonnant, échevelé qui se moque de la logique pour passer d’une histoire à l’autre et donner une musicalité, un rythme effréné à ce roman où il sera même question d’amour. Voilà une nouvelle version de la sarabande d’Éros et Thanatos, luxuriante et endiablée.
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