"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Le livre se situe dans les années 70, l’époque des agissements du célèbre groupe « Septembre noir », la prise d’otages des athlètes Israéliens, la riposte d’Israël contre les camps des réfugiés Palestiniens… Kamel, algérien étudiant à Paris, plutôt bon enfant, fait connaissance avec un groupe solidaire à la cause Palestinienne. Il est envoyé en mission au Liban, à la douane libanaise les choses se compliquent pour lui, arrêté puis relâché il déambule dans Beyrouth, joue les touristes, un voyage décalé dans un pays en ébullition… Ce que je retiens de ce livre, beaucoup d’humour, Kamel incarnant l’anti héros ne sachant pas trop comment il doit se comporter, naviguant au milieu de ces hommes engagés pour la justice, la démocratie, la liberté. Mais la tragédie est présente avec l’assassinat du chef du groupe Nadir. Ce roman, nous révèle un pan de l’histoire malgré son humour il nous permet de comprendre l’histoire la vraie.
« J’ai ouvert les yeux au monde dans une grande maison claire aux épais murs de pierre. »
Ainsi débute le récit autobiographique de ce petit garçon né dans un Douar de l’Algérie coloniale dans les années 50.
D’une écriture faussement naïve mais réellement harmonieuse, chaleureuse et drôle, Djilali Bencheikh nous raconte son enfance pauvre et heureuse, « Autour de la cour rectangulaire s’agençaient une demi-douzaine d’alvéoles où cohabitaient les bêtes et les humains. La khaïma, protégée par des sarments prometteurs, était la pièce essentielle de la maisonnée. Baptisée ainsi en réminiscence d’un ancien destin de nomades, elle abrite depuis toujours tous les actes de la vie quotidienne. »
Avec lui, nous découvrons les « Roumis », « peuple » détesté mais admiré quelque fois copié,
Ah, les Roumis ! « On leur prêtait des mœurs barbares, comme celles de manger de la chair animale non égorgée, de s’adonner à des libations et des beuveries qui les rendaient insensés et grossiers. Ils en venaient à ressembler à leurs cochons, ces sangliers domestiques dont ils affectionnaient les tripes. »
Ah les siestes trop longues en compagnie du frère-ennemi à faire un massacre de mouches !!! Ce frère-ennemi tant détesté et cette grande sœur Zahra, tant aimée, que l’on donne en pâture mariage à un citadin. « On est bel et bien entrain de vendre ma sœur. Pour un simple paquet de friandises. » La cérémonie du mariage où, tout est là pour ne pas décevoir la belle-famille qui arrive en « tomobiles » « Encadrés par les cavaliers, les deux engins foncent vers nous, et soulèvent un tourbillon de paille et de poussière en déclenchant une tonitruante complainte de sirènes. « Tomobiles, klaxouns », crient avec une frénésie de primates les plus avertis de la tribu. »
Que de questionnements sur cette fameuse « niqua ». R’nia, petite bergère bédouine saura lui faire quelques « leçons de chose » sur la « chose » en lui permettant de découvrir « sa figue ». Heureusement, le berger Hamel est également là pour lui donner des informations vitales et quelles informations !!! « Dans ce trou de forme évasée nommé soua, le mâle introduit chaque nuit son zeb dressé pour honorer sa femelle. Cette copulation ou niqua procure beaucoup de plaisir à l’homme. Pendant sa jouissance, il éjecte un liquide crémeux, une sorte de pipi doucereux nommé h’laoua. Ce liquide est versé dans le ventre de la femelle qui le conserve par-devers elle. Lorsqu’au bout d’une année son ventre est suffisamment plein de cette douceur, cela produit un bébé qui est pondu comme un veau ou un poulain. ». Et encore d’autres explications toutes aussi fleuries.
De par son jeune âge et jusqu’à la circoncision, l’enfant vit dans les jupes des femmes, surprend quelques poses lascives, s’enivre de leurs parfums, de leurs rires. Du côté des mâles, on ne rit pas, on parle politique, agriculture….
N’allez pas croire que c’est un petit roman comme tant d’autres sur l’enfance vue et interprétée par son auteur. Non, ce livre est plus profond. A travers cette balade dans l’enfance de l’auteur, j’ai découvert la vie au bled, la vie dans l’Algérie « profonde », les prémices de ce que nos politiques qualifieront « d’évènements ». C’est un condensé sur la culture maghrébine, « Cette identité tranquillement vécue en dépit du mépris roumi s’élargissait aux nues célestes du sacré. » comme peut la comprendre un petit garçon, à travers les dires d’un berger ignare. Petit enfant vif et doué, le « midicoule » saura l’apprivoiser.
Ce livre n’est pas sans me rappeler La compagnie des Tripolitaines de Kamal Ben Hameda. J’y ai trouvé la même douceur, la même chaleur, la même sensualité.
Très jolie chronique d'une enfance et adolescence algérienne pendant que couve la guerre d'indépendance
En 1954, Salim, jeune algérien d'un douar misérable de la région d'Orléansville, se détache de ses congénères par ses facilités d'apprentissage à l'école du village. Lui et son frère Elgoum feront partie des rares élus à partir en 6ème en pension à Orléansville malgré l'opposition de leur père autoritaire et violent qui veut faire d'eux des bergers.
Tes yeux bleus occupent mon esprit, c'est le parcours initiatique que doit affronter un enfant, puis un adolescent dans un pays en proie à la tourmente. A la veille de l’indépendance de l’Algérie, Salim est tiraillé entre sa fascination pour la France, sa langue qu’il maîtrise habilement et la peur de trahir son pays et les siens qui se battent pour leur liberté.
Roman d’initiation plein de fraîcheur et d’innocence, d’humour et de gaieté, il soulève délicatement des questions graves qui sont encore d'actualité aujourd'hui.
A noter le ravissant écrin des éditions Elyzad !
Je crains toujours d'entamer un roman dans lequel le narrateur est un enfant, parce que l'auteur peut parfois céder à la facilité de langage et d'analyse des situations. Djilali Bencheikh évite les deux écueils : son livre est très bien écrit, émaillé de mots algériens ou de mots français orthographiés à la diction algérienne de paysans reculés, ("zévénements" pour les événements "coolidge" pour le collège, "la péro" pour... allez, je vous laisse deviner et si vous gagnez, j'en prends un à votre santé, ...). Le texte est souvent drôle, touchant et sensible, à la fois gai et grave.
D. Bencheikh n'est pas manichéen : les bons Arabes et les mauvais Français. Je lui en sais gré, parce que, comme pour beaucoup de quarantenaires, mon papa a fait cette guerre d'Algérie et je suis persuadé qu'il ne s'est pas laissé aller à des exactions, des viols ou des meurtres gratuits ; il a d'ailleurs appris a aimer ce pays et ses habitants pendant l'année qu'il a passée vers Oran. Certes, on sent que l'auteur a une opinion et des souvenirs de cette époque (il est né dans les années 40), mais il sait nous faire partager les doutes et les tiraillements qui ont dû être les siens et ceux de nombreux autres Algériens pendant cette période. A une époque où l'on commémore "notre appel à la Résistance", celui du 18 juin 1940, c'est une bonne idée d'aller dans un autre pays, qui quelques années après le nôtre a résisté à l'envahisseur, tout aussi peu enclin à partir.
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