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Les demoiselles Picabia

Quand deux soeurs racontent l'histoire hors du commun de leur arrière-grand-mère...

Les demoiselles Picabia

Elles sont deux sœurs, et chacune est écrivain de son côté. Un jour, elles décident d’unir leurs plumes pour écrire un roman familial, l’histoire vraie de leur arrière-grand-mère, une femme hors du commun qui a tout fait pour cacher ses talents aux yeux du monde.

Cette femme, c’est Gabriële (Stock), Gabriële Picabia, la femme derrière le peintre, celle à qui il doit d’avoir été l’un des pionniers de l’abstraction, la plus grande révolution picturale du XXe siècle.

 

Elle aurait pu être une des grandes musiciennes de son temps, on l’imaginait garçonne, fumant de longues cigarettes en pantalons, elle qui vivait déjà seule à Berlin dans sa vingtaine. Mais elle rencontre Francis Picabia et sa vie bascule. De femme libre, elle devient muse et met son immense intelligence au service de la peinture du maître. En témoigne une œuvre de Picabia, Caoutchouc en 1909, fruit de l’intelligence musicienne de Gabriële : entre eux, c’est une passion intellectuelle, un lien à la Rodin et Claudel, impossible et irréfragable à la fois, nourri dans le bain culturel affolant d’intensité qui traverse les trente premières années du siècle. Un duo qui s’arrête comme le livre à la mort de Picabia en 1953. La vie de Gabriële a été longue, il faudrait un tome 2, mesdames. Car il y aura la romance avec Marcel Duchamp, l’amitié avec la styliste Elsa Schiaparelli, son engagement de résistante, ses amitiés avec Arp, Calder, Brancusi, sans oublier sa vie avec Stravinsky. Quelle vie !

 

Mais ce roman-récit n’est pas un livre comme les autres, il ne s’agissait pas seulement de faire surgir un portrait de femme singulière. Anne et Claire Berest ont ressuscité la mémoire de leur famille maternelle. Car curieusement, personne ne parlait jamais de cette arrière-grand-mère, si peu faite pour la vie de famille, qui finit sa vie un peu trop seule, vieille et démunie. Il y a donc bel et bien deux sœurs, avant les deux écrivains, dans cette entreprise d’écriture singulière. Et parfois elles ponctuent les fins de chapitres par un dialogue sur le personnage qui se dessine sous leurs yeux.

Les deux auteures ont emprunté à leur aïeule le rythme trépidant d’une vie dévorée passionnément. Pas de temps mort, peu de répit dans l’histoire d’une femme qui construit un homme, traversée par une passion qui la détruit aussi. Ostensiblement, le regard de Gabriële renvoie vers le travail et la personnalité épuisante et contrastée du peintre. Renoncer à être un personnage de son temps était un choix dont elle conserve le mystère, pour ouvrir les bras aux années folles. Rencontrer Gabriële, c’est donc forcément plonger sans filtre dans une des époques les plus créatrices que la France ait nourries. Et on peine réellement à en sortir.

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