"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Du début de la pandémie de coronavirus qui bouleverse nos vies, nous ne savons rien. Fang Fang, écrivaine reconnue et habitante de Wuhan, écrit son journal sur les réseaux sociaux chinois.
Pendant plus de 60 jours de strict confinement, ses écrits sont devenus indispensables à des dizaines de millions de lecteurs. Car l'écrivaine parle avec une irrésistible sincérité. Elle raconte la peur, l'espoir et le chagrin dans une ville de 9 millions de personnes. Elle raconte la mort et le traumatisme, la solidarité des habitants, le chaos du début, le courage des lanceurs d'alerte, la débrouille pour acheter à manger, les plaisanteries et la colère qui circulent, le printemps qui vient dans une ville qu'elle aime et la maladie qui n'en part pas.
Fang Fang refuse le simplisme de la glorification ou du blâme. Témoin et écrivain, elle pleure les morts, salue le courage des humbles, et cherche des responsables à la catastrophe. Pourquoi avoir maintenu le silence sur les dates de début de l'épidémie ? pourquoi avoir assuré pendant vingt jours - dramatiquement précieux - que la maladie ne se transmettait pas d'homme à homme ? Qu'est-ce qui empêche la voix des lanceurs d'alerte d'être entendue ? Ces questions nous concernent, nous qui sommes touchés par cette même catastrophe.
Dans une époque aveuglée par la peur, entre la censure régulière de son journal et les attaques des ultranationalistes, la voix de Fang Fang résonne. Elle nous rappelle, avec chaleur et honnêteté, à nos premiers devoirs face à la catastrophe et au silence politique : l'indépendance d'esprit et l'humanité.
Le journal tenu sur Weibo par l’écrivain Fang Fang est intéressant sur ce qu’il dit de la Chine actuelle et le vécu à chaud de l’épidémie.
Il gardera sans doute juste cette valeur de témoignage au même titre que d’autres récits qui ont eu moins d’audience que le sien. Je l’ai trouvé long et ennuyeux.
Mais ce qui m’a le plus dérangé c’est le ton de l’auteur. Il m’a rappelé celui de certains discours et vindictes de bon ton contre le gouvernement tout en entretenant une forme d’ambivalence à son égard. On est quand même en Chine, la parole n’est pas libre.
Certains propos m’ont choqué, notamment lorsqu’elle compare cette période à celle de la Révolution Culturelle qu’elle a vécu enfant et étudiante. Elle ne semble pas avoir été épargnée par le lavage de cerveaux de l’époque. Elle se livre ainsi aux mêmes campagnes contre les « droitiers » de cette époque. Ses textes condamnent le comportement de certains, les attaques qu’elle subit sur internet, elle semble chercher les coupables via les réseaux. Pour nous lecteur, nous avons un condensé de ce qui se lit sur la toile, en somme un travail d’agrégation d’informations parsemé de bons sentiments (et je ne sais plus qui a écrit que c’était le terreau de la mauvaise littérature) mais sans la rigueur d’un journaliste ni la vivacité de la plume d’un écrivain.
Je comprends que l’éditeur ait cédé aux sirènes des rendements promis par la vente d’un récit vécu de l’intérieur mais qui me semble moins pertinent et important que le travail sur la durée de journalistes ou alors le récit porté par un auteur lucide qui ne se contente pas de réagir aux informations glanées deci-delà.
Bref résumé :
Le journal quotidien de Fang Fang, écrivaine chinoise confinée à Wuhan, durant la pandémie et publié chaque soir en ligne.
Elle décrit les conditions de vie des habitants et l’environnement sanitaire et administratif.
Ce que j’en pense :
Les critiques sont nombreuses, répétées et essentiellement dirigées vers l’administration, jamais vers les dirigeants politiques :
« Si la même situation était apparue dans d’autres provinces, les cadres locaux n’auraient pas fait mieux. Une administration qui ne permet pas la promotion des meilleurs éléments engendre des conséquences désastreuses ; des discours politiquement corrects mais creux, au détriment de la recherche de la vérité à partir des faits, engendrent des conséquences désastreuses ; empêcher les gens de dire la vérité et les médias de rapporter la réalité engendre des conséquences désastreuses. »
Dans la vie courante, on apprend que la province de Wuhan est touchée par la pénurie de masques et que les hôpitaux n’ont pas été en capacité d’accueillir les malades et que beaucoup sont morts dans la rue :
« Le fait que dans la province du Hubei, les statistiques soient inexactes et le nombre de décès si élevé est clairement dû à l’insuffisance des ressources dans les hôpitaux. Ainsi, certaines personnes n’ont pas été diagnostiquées après leur mort, et d’autres sont mortes juste avant d’être hospitalisées. »
« Quand le nombre de soignants contaminés s’est mis à augmenter, tout le monde dans le milieu médical a compris que le virus était en réalité transmissible d’homme à homme. Mais personne ne l’a dit haut et fort car cela n’était pas autorisé. »
Le ton est modéré face au gouvernement chinois : « Je me conforme sans réserve à chacune des décisions prises par les autorités. Plus encore, je m’efforce de les aider en expliquant leurs mesures aux gens qui ne les comprennent pas, et en rassurant ceux qui se font du souci. »
Cela n’a pas empêché l’auteure d’être agressée régulièrement par des internautes : « Tu seras la honte de notre histoire. » et de subir la censure.
« Bien que mes articles soient effacés les uns après les autres, au fur et à mesure que je les publie, je n’ai pas l’intention de renoncer à écrire. »
Elle écrit simplement ce qu’elle observe, ce qu’elle ressent. Très soucieuse d’être comprise par son auditoire, à tel point qu’il lui arrive de répéter la même chose sous différentes formes.
Extrait du Courrier International :
« Quelques jours avant la sortie de son livre en France, Fang Fang a répondu à nos questions depuis son domicile, confiant notamment que « certains articles postés après minuit étaient bloqués dès le lendemain matin : les lecteurs s’empressaient donc de les lire durant la nuit, car ils craignaient de ne pas pouvoir les retrouver le lendemain.”
Scrutés par les censeurs, les voix et témoignages du déroulement de la vie sous confinement dans cette ville de 9 millions d’habitants étaient en effet systématiquement effacés des réseaux sociaux. (…) Elle nous a expliqué « croire au pouvoir des mots : cette force est illustrée par cette expérience qu’est l’écriture de ce journal intime. Des dizaines de millions de personnes ont attendu pour lire sans dormir ! J’étais vraiment surprise. Pour la première fois, j’ai pleinement compris la puissance des mots. »
Un excellent documentaire qui dévoile les coulisses du premier confinement 2020 de la planète et montre l’universalisme d’une crise sanitaire. Avec les mêmes sentiments et réactions de la part de la population : la peur, l’incompréhension, l’angoisse, les frustrations, la colère, et les mêmes défaillances des gouvernants, à des degrés différents, face à un évènement tragique et imprévisible.
23 janvier 2020, deux jours avant le Nouvel An Lunaire, Wuhan est confinée. La veille, Fang Fang (l’auteure) est allée chercher sa fille (qui revenait du Japon) à l’aéroport. Fang Fang vit dans un immeuble de la résidence de l’Association des écrivains du Hubei, pas trop loin de chez sa fille. Pratiquement toute sa famille vit à Wuhan, sauf sa soeur, sa nièce et son petit neveu qui eux habitent Singapour. Depuis le 31 décembre, les autorités chinoises parlent vaguement d’une pneumonie inquiétante, tout en minimisant la situation.
Wuhan compte quatorze millions d’habitants, cinq millions d’entre eux ont quitté la ville entre le 20 et le 22 janvier. Dès le 27 janvier, Wuhan a également rencontré une pénurie de masques (le plus couramment utilisé en Chine est le N95) Neuf millions de wuhanais vont vivre un véritable cauchemar … La quarantaine va durer soixante-seize jours, pendant lesquels l’auteure va tenir un journal sur les réseaux sociaux. Le 8 avril, Wuhan est déconfinée, la situation ayant été stabilisée au bout d’une soixantaine de jours. Ce journal quotidien posté sur Weibo deviendra rapidement un livre-témoignage précieux.
La quarantaine à Wuhan a été bien plus dure que la nôtre : la nourriture était particulièrement restreinte et nous faisions figure d’enfants gâtés comparativement à leur quotidien … (Fang Fang précise avoir mangé de la bouillie de millet au bout de six jours, avant de pouvoir récupérer des aliments dignes de ce nom … )
Les wuhanais ont mal vécu la situation et nombre d’entre eux ne s’en sont pas laissés compter. Le peuple chinois était en colère contre le parti du pays qui n’a pas pris les mesures adéquates (et leur a laissé croire que le virus n’était pas transmissible à l’homme jusqu’au 20 janvier !) Toutefois, ils sont restés loyaux et ont soutenu les autorités, même s’ils ont la ferme intention de demander des comptes ultérieurement. Les wuhanais ont joué le jeu de la prudence et ont choisi de respecter scrupuleusement les règles sanitaires.
Fang Fang ne se veut ni moraliste, ni arrogante. Elle ne prétend pas savoir ce qui a été la cause initiale de la circulation du virus, ni ce qu’il était très exactement pertinent de faire ou ne pas faire … Elle se contente de relater les évènements de façon factuelle. Si elle confirme une très grande mortalité chez le personnel soignant, qui a été le premier à « essuyer les plâtres » (principalement à l’hôpital Central de Wuhan …) elle ignore en revanche le nombre exact de victimes, puisque seuls les décès survenus dans les hôpitaux ont été officiellement retenus …
Récit sur le mode journalistique assez intéressant, même si je suis un peu déçue de ne pas en avoir appris plus que ce que nous savions déjà depuis mars-avril … En tout cas, Fang Fang me conforte dans ma vision des choses : à savoir que le plus important – avant l’éradication tant espérée de la covid – est de se conduire individuellement en citoyen responsable afin de ne pas aggraver une situation déjà bien pénible !
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