Cinq ans après avoir fui l’Iran de 1980 et sa révolution islamique, trois jeunes sœurs posent enfin leurs bagages en Irlande pour y fonder leur « Babylon Café ». L’amour qu’elles vont investir dans la préparation des plats de leur enfance va rapidement ravir le cœur d’une petite poignée...
Voir plus
Cinq ans après avoir fui l’Iran de 1980 et sa révolution islamique, trois jeunes sœurs posent enfin leurs bagages en Irlande pour y fonder leur « Babylon Café ». L’amour qu’elles vont investir dans la préparation des plats de leur enfance va rapidement ravir le cœur d’une petite poignée d’insulaires seulement. Alors que d’autres, obtus et aigris, vont leur rendre la vie compliquée. À leur tête Thomas Mac Guire’s qui a depuis longtemps des vues sur le local et ne cèderait pour rien au monde… Elles ont déjà échappé à tant de noirceur humaine, leur faut-il de nouveau se confronter à ce que l’homme a de plus vilain en lui ?
J’avoue avoir choisi ce livre pour trois raisons : sa couverture délicieusement colorée, sa cuisine iranienne épicée et savoureuse et les grenades dont la saison vient de commencer ! Le premier tiers du livre m’a transporté dans l’univers feel-good. « Bon »…ais-je pensé. « Pourquoi pas. »
Et soudain, le rythme du roman s’est épicé et j’ai savouré cette façon qu’avait choisi l’autrice de balancer ses lecteurs entre deux mondes opposés. Si elle confronte ses personnages principaux à la xénophobie et au racisme, à l’injustice, à la violence ou aux terribles conditions de leur fuite d’Iran, ce n’est que pour mieux nous consoler après, nous séduire, nous envelopper de la sensualité de l’eau de rose, de la douceur du thé au jasmin ou à la bergamote, de la cardamome ou de l’incontournable nigelle. (Ah ! la nigelle, la plante présente dans la Torah et dans le Coran, la graine bénie qui guérit toute maladie !)
Tel le yin et le yang, elle crée un EQUILIBRE PERMANENT qui permet à ses lecteurs de ne jamais ni tomber dans le pathos, ni rester dans la romance.
Elle évoque d’ailleurs le « Sard » (froid) et le « Garm »(chaud), deux adjectifs complémentaires qui s’adaptent aussi bien aux plats qu’à l’humeur des gens.
La dichotomie est présente jusque dans les figures de St Patrick (le saint irlandais qui expliqua la sainte Trinité grâce à un trèfle !) et de l’Ayatollah khomeini (guide de la révolution dont la république islamique est proclamée le 30 mars 1979).
C’est dans cette Irlande pluvieuse et froide, pieuse et repliée sur elle-même qu’ont décidé Marjan la sérieuse, Bahar la blessée et Layla la joyeuse de prendre un vrai nouveau départ et même de s’ancrer.
« Oui, une sale odeur d’étranger flottait assurément dans l’atmosphère ».
« Pute arabe » ; « putains de bronzés ».
On est loin du club Med et de son cocktail de bienvenue…..
Mais les sœurs en ont vu d’autres, et la cuisine n’a-t-elle pas le pouvoir de réveiller toutes les humeurs, les émotions, de briser les a-priori, et de ressusciter la joie ? Elles ont fui en cachant au fond de leurs cœurs leurs bonnes recettes d’autrefois, et sont bien décidées à les faire renaître de leurs cendres pour les partager.
Qu’est ce qui fait que les terribles conditions extérieures vont épuiser et même tuer certains, et servir d’impact à d’autres pour affronter, orienter et reconstruire leur vie ?
« Quand vous préparez un plat, vous n’êtes pas seulement en train de combler une faim physique, mais aussi un désir plus profond, le désir d’un foyer, d’un endroit sûr où l’on peut se reposer », confie Marsha Mehran qui a elle-même vécu l’exil de 1979, a trouvé sa paix dans l’écriture et meurt mystérieusement à 37 ans, seule…
Bonne lecture ! Bonne cuisine (car chaque chapitre nous offre une recette perse) !
Et qui a aimé ce roman appréciera sûrement « La reine des rêves » de Chitra Banerjee Divakaruni et l’ambiance de son délicieux salon de thé indien en Californie.
Merci Brigitte !
Ce livre n'est pas un feel-good, il apporte un peu de douceur de vivre au milieu du chaos.