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En nos temps de crise du capitaliste tardif, l'exigence libidinale de performance se mue en déficit et en fatigue ; la foi dans les promesses de la libéralisation sexuelle semble épuisée. C'est ce processus que Houellebecq décrit tout au long de son oeuvre. Son roman Soumission (2015) explore à nouveau ce scénario pré-apocalyptique, cette fois sous la forme d'une fiction politique qui porte au pouvoir un Musulman modéré aux éléctions présidentielles françaises de 2022. Historiquement, la parution du livre coïncide avec l'attentat contre Charlie Hebdo revendiqué par Daesch le 7 janvier 2015. Davantage que la personnalité de son auteur, ce sont les effets politiques du livre dans son contexte qui font l'objet de l'enquête de Jule Jakob Govrin : il est ici considéré et analysé comme l'une des pièces du débat sur l'Islam en France, en lien avec les questions relatives au genre et à la sexualité (« Mariage pour tous » VS « Manif pour tous ») dont Houellebecq a fait l'une des raisons de son succès depuis Extension du domaine de la lutte.
Les politiques sexuelles et post-séculaires entretiennent des relations paradoxales : d'un côté, des arguments féministes et pro-homosexuels sont instrumentalisés à la fois pour présenter la France comme un État progressif, promouvant une politique de tolérance et le libéralisme sexuel, et pour traiter « l'Islam » de manière stéréotypée en le dévaluant comme réactionnaire et oppressif. De l'autre, la tendance post-séculaire se révèle à travers la visibilité accrue de groupes politiques d'inspiration catholique, qui attaquent l'égalité de genre et l'homosexualité.
Un exemple par excellence d'une France libérale et plurielle est ainsi la marche improvisée autour du slogan « Je suis Charlie » peu après les attentats ; son contrepoint réactionnaire est la « Manif pour tous » (apparue en 2013 mais dont l'influence n'a cessé de croître depuis).
Afin d'éclairer les rapports entre ces différents faits, Jule Jakob Govrin offre ici une analyse sociopsychologique qui ne tient compte pas seulement les discours médiatiques, mais également les formes de représentation dominantes (dont Soumission est l'un des éléments), les dynamiques affectives et esthétiques.
Pour analyser ces rapports en dehors de toute dialectique du « pour-ou-contre », elle propose de saisir la constellation contemporaine comme un « agencement », au sens de Deleuze et Guattari.
L'observation des interactions entre des événements littéraires, médiatiques et politiques récents fait apparaître de quelle façon la sexualité et la xénophobie sont interconnectées dans leur aspiration à produire une certaine image de l'identité nationale. La citoyenneté s'inscrit en effet dans un dispositif de représentation où le citoyen occidental s'est historiquement construit comme un sujet sexuel régulé et discipliné, par opposition à l'identité orientale, exotisée et regardée comme source de plaisirs sauvages.
Il semble que ce dispositif historique soit aujourd'hui soumis à des bouleversements profonds :
C'est bien le citoyen des pays du nord qui incarnerait la sexualité libérée, quand, à l'inverse, les pays de culture musulmane symboliseraient l'oppression sexuelle. Sexe, Dieu et Capital montre de quelle façon les intersections de la sexualité et du racisme sont mises à profit pour former des représentations antagonistes de l'identité nationale.
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