"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
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Du poète slammeur Jean d’Amérique, j’avais beaucoup aimé le roman « soleil à coudre » Alors, lorsque j’ai eu l’occasion de le rencontrer lors de la cérémonie à l’Académie des Jeux Floraux dont il est maître ès jeux, j’ai pu mesurer la force évocatrice de sa poésie.
Dans la première partie, « tripes cordées », il raconte son enfance dans un pays de sang où vivre devient un exploit chaque jour recommencé.
« grandir, conjugué mal dans mes sauts que nulle grammaire n’a su repérer, peut-être la faute aux gribouillages de mes intestins, que je devais assumer devant le tribunal des calories. »
On se souvient des émeutes de la faim lorsque les prix alimentaires devenaient exorbitants pour les habitants de l’île dont la détresse était poignante. La faim jamais assouvie suscite la colère.
« …ces rues à la panse pleine de foules humaines, émeute de lèvres arides contre le vent… »
Dans la seconde partie intitulée « Douleur -fleuve », le poète dénonce la pollution massive d’un fleuve suite au déversement des latrines d’un camp de soldats de l’ONU. Scandale sanitaire et épidémie de choléra dans ce pays grandement touché par la pauvreté. « Voyez, voyez comme couché à jamais le fleuve, surplus de larmes où flottent tant d’absences. »
C’est un cri de douleur qui s’adresse au fleuve Artibonite. Contraste saisissant entre « l’ouvrage de sang financé par l’épée yankee » et l’image de la mère « herbe étendue sous l’or solaire. »
Dans la dernière partie, « avancer malgré », c’est le pays qui est mis en avant, entre passé et avenir.
« Sans doute faut-il reléguer les plaies pour accueillir nos élans. »
On distingue une pointe d’espoir dans ce « nous » qui désigne ce peuple qui, malgré le malheur, les épreuves, doit trouver son élan pour poursuivre la vie.
« et nous voguons, adossés à un chant d’os brisés »
Les images sont puissantes, dérangeantes, pour dire l’importance du chaos, pour dénoncer l’incurie. L’évocation de la mère vient adoucir cette violence où « mort, cimetière, agonie, brûlures, naufrages » habitent chaque page du poème.
Alors, il ne reste plus qu’à « chercher issue dans l’arbre à ciels » en quête d’un chemin d’espoir.
Cette poésie au flot puissant, dévastateur, qui n’hésite pas à dénoncer et cette langue endolorie au rythme syncopée nous touche et nous bouscule.
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