"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
La question migratoire est au coeur du discours politique et médiatique en France et en Europe, souvent traité sous un angle sécuritaire où se côtoient fantasme, peur et données erronées...
Au cours de son expérience au sein de diverses ONG, Jean-François Corty a sillonné le monde et la France qui est aussi, aujourd'hui, un terrain d'actions humanitaires. Souvent interrogé en tant qu'expert de la question, ce roman graphique lui permet de livrer différemment son témoignage. Sa parole est plus libre que sur les plateaux télé... et la déconstruction des clichés - au premier rang desquels le terme d'appel d'air ! - d'autant plus efficace.
La question migratoire, un peu passée sous silence ces derniers mois, est pourtant toujours autant d’actualité. Elle brûle les fondements de nos humanités. L’Europe n’est plus une terre d’accueil mais de rejet et d’ignorance. Les migrants s’entassent dans des camps, quand ils ne sont pas refoulés, noyés ou gravement malmenés pendant leur périple. Un exode sordide qui ne trouve pas fin une fois arrivé aux portes de nos pays occidentaux, quid au passage des droits de l’homme.
Certain homme par leur implication distille l’espérance. C’est le cas de Jean-François Corty dont on suit la construction de l’engagement. De l’adolescent qui cherche modèle à l’homme qui œuvre en accord avec des convictions altruistes et sensibles. La peur réside en l’homme et pousse à conserver son confort sans même tenter d’apaiser les plus défavorisés. Le délit de solidarité n’existe plus et il suffirait que chacun fasse sa part. Les hommes qui souffrent opposent les solidarités au lieu de faire corps. Il n’est pas tolérable qu’en France des humains est froid, faim, ou soif. Nous ne pouvons estimer vivre dans un pays moderne et développé si dans l’entresol de nos regards meurent des hommes vulnérables. Quelle soit née ici ou ailleurs, la population vivant en France devrait accéder à la satisfaction de ses besoins primaires.
Ces propos sont essentiels pour œuvrer à plus d’humanité politique et d’entraide au sein de la population. Les migrants ne traversent pas des années d’enfer si ce n’est pour en fuir un plus grand. Les discours de rejet autour de l’immigration sont des discours de privilégiés, d’humains ne vivant pas sous les bombes, sous la dictature, sous une misère qui induit à fuir pour espérer. L’exil est une solution de survie, pas de confort. Nous devons prendre conscience de nos avantages quand bien même ils ne sont pas suffisants pour tous. La confrontation des misères desserts les plus démunis, pas les nantis. Notre gouvernement oppose les précarités pour demeurer puissants. Tant que la haine s’exerce entre les peuples du bas il s’en lave les mains.
Un témoignage sans langue de bois qui assume et crie les contradictions entre humain et politique entre misère et pouvoir. L’engagement de cet homme ouvre à la profonde bienveillance de ce monde. Des hommes comme lui apposent du baume aux blessures d’injustices. C’est clair, concis sans retenu. Il dit, il clame, il dénonce et ça fait un bien fou. Le graphisme ne m’a pas du tout séduite mais il va plutôt bien avec la sobriété des propos et surtout il n’entache pas l’essentialité du discours militant et engagé.
L’agenda médiatique et politique ne doit pas s’intercaler avec l’urgence humanitaire. Notre société œuvre à contresens de l’espoir et porte des valeurs avilissantes pour la vie. Cet ouvrage indispensable nous le rappel.
Les Escales (Steinkis), 4 juin 2020
128 pages
A découvrir autour de cette lecture :
Un article : d’Eric Fottorino dans le 1 du 7 février 2018
"C’est une tache. Une tache sur ce début de XXIème siècle à peine majeur. Cette tâche, ce ne sont pas les hommes, les femmes, les enfants -en bas âge parfois- que nous envoient les guerres les violences et les dictatures en tous genres. Cette tâche, c’est notre incapacité à traiter humainement des êtres humains qui ont surmonté l insurmontable, la maltraitance des bourreaux ordinaires, des trafiquants de misère, le cynisme intéressé des passeurs qu’on appellerait bien "trépasseurs" si le mot existait. Face à l’afflux de réfugiés, nos États opposent une défense qu’ils croient légitime puisque, selon le vieil adage érigé en slogan, "on ne peut pas accueillir toute la misère du monde". Pour autant la tâche s’étend sur notre pays, jadis pays des droits de l’homme. Cette tâche, c’est un déni d’hospitalité, un mépris de l’autre qui arrive certes illégalement et sans papiers, mais plus mort que vif."
Un roman : La route des Balkans de Christine de Mazières qui signe un récit sensible, sans pathos et très actuel
Un récit : Le prince à la petite tasse d’Emilie de Thurckheim, pudique et bienveillant il assouplit le regard et incite à une plus grande ouverture d’âme.
Un album jeunesse : Moi, Dieu merci, qui vis ici de Thierry Lenain et Olivier Balez Un récit poétique et politique qui exprime le droit pour chacun a vivre une vie en paix. « Je suis né là-bas. Un jour, j'ai dû fuir. Aujourd'hui, je suis ici, en vie. "
https://unmotpourtouspourunmot.blogspot.com/2020/09/profession-solidaire-chroniques-de.html
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