"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Dans l'espoir d'y trouver meilleure fortune qu'en France, Albert Villeneuve s'embarque pour un long voyage vers les colonies avec sa femme et sa fille. Il accoste seul à Sainte-Madeleine, son moral et ses espoirs noyés loin derrière lui.
Commence alors une nouvelle vie, faite d'alcool, de mensonges et de frustrations. Piégé sur cette île devenue prison, Albert fuit la folie vengeresse du sergent Arpagon. Sur la route du café, il cherchera la paix intérieure.
Petit Blanc est un conte cruel et onirique sur l'absence et les espoirs perdus. Nicolas Cartelet nous entraîne dans un monde où immigrés pauvres et peuples colonisés partagent les mêmes chaînes.
Hypnotisant…
Un talent dingue mis au service d’une imagination débordante pour ce conte crépusculaire qui nous entraine dans un chaos surprenant en se frayant un chemin entre le vrai, le vraisemblable et les invraisemblances tout en surfant sur l’histoire du colonialisme.
L’auteur investit (de façon impressionnante je dois dire), un personnage impuissant, illettré, condamné par une misère crasse qui peut le rendre docile ou veule, mais habité par la force de vaincre et l’instinct de survie jusqu’à l’extrême dénuement.
Un petit Blanc nommé Albert Villeneuve, un homme ordinaire sans prétention sinon qu’il rêvait d’une vie meilleure en portant tous ses espoirs sur ce long voyage avec au bout, un lopin de terre, une fermette et des caféiers… Il voulait juste gagner son pain honnêtement en travaillant dur pour une existence simple. Pour exister, en somme…
Automne 1896, trois mille familles pauvres sont encouragées par l’État français à embarquer pour Fort Djaba afin de créer une vie nouvelle dans les exploitations caféières sur les terres de l’ancien bagne fermé.
Dans les cales du bateau partant de Marseille, 9 à 10.000 pauvres gens s’entassent pour une traversée de dix mois.
Très vite, les excréments, l’urine, les vomis et déchets rendent la soute insalubre. La maladie s’invite et les morts se succèdent. Parmi ces derniers, l’épouse et la petite fille d’Albert sont emportées par l’épidémie.
« Les miséreux, ça fait des paris. Nous, on avait fait le pari de partir en famille. »
Désemparé mais fort de son courage, Albert débarquera seul à Fort-Djaba.
Après plusieurs jours, le fonctionnaire du ministère de la colonie retrouve son nom sur la liste mais comme paria. On ne donne pas de terre aux gens qui ont des antécédents et là, il est écrit sur le registre, que le jeune parisien a été arrêté en France pour vol à l’étalage.
Le fonctionnaire lui soumet l’idée de trouver un emploi à la mine.
Désabusé, Albert se fera embaucher, vivra dans une case désuète éloignée de la ville portuaire où il se rendra chaque jour au bistrot dépenser son maigre salaire journalier pour boire du rhum plus qu’il n’en faut mais toujours plus et plus au point de s’endetter et perdre la boule et son emploi.
Il délirera, se bagarrera comme un ivrogne, mentira, mentira beaucoup, et hallucinera au point de reconnaitre sa petite fille vivante, maltraitée dans la rue par un sergent costaud et sur-zélé, le sergent Arpagon.
Albert volera au secours de l’enfant en mettant le sergent KO avant de réaliser que la petite n’était pas sa Louise… Bien entendu le sergent le retrouvera et se vengera en le bastonnant jusqu’à ce que comas s’ensuive puis le jettera nu dans sa case en le dépouillant de tout.
Pendant la nuit, Albert va trouver la force de s’enfuir dans la brousse où il rencontrera beaucoup d’humanité chez les autochtones des tribus dites sauvages et barbares mais aussi parmi eux, des gens qui ne vont pas l’aimer et le poursuivre à leurs tours… Il aura de longues conversations avec un oiseau jusqu’à ce que le sergent Arpagon refasse surface et ce sera à nouveau la fuite, une fuite noire et sublime les bras tendus vers ses rêves, poings serrés.
Je ne vous raconterai pas l’histoire de cette fuite absolument extraordinaire, remarquable et étonnante surfant sur les crêtes de la folie, des fièvres et du délire des rêves agités. La fuite d’un homme qui voit sa vie lui échapper poursuivi par les malédictions, la malchance et la cruauté humaine.
Avec beaucoup de non-dit, Nicolas Cartelet a un don d’écrivain étonnant pour décrire et nous faire ressentir la chute d’un homme qui malgré tous les efforts déployés n’arrive plus à se raccrocher à une quelconque aspérité, étouffant dans cette bulle de verre où il est enfermé et qui tombe irrémédiablement dans un gouffre jusqu’à l’explosion d’un esprit mené à la folie, à la poursuite de ses rêves.
Addictif dès les premières lignes, ce mélange des genres, historique, géographique, érudit, initiatique, philosophique, fait se croiser le roman fantastique, d’atmosphère et d’aventure avec un regard bienveillant sur l’Humanité.
K.O et chaos sublimes !
(Et dire que, chose que je ne fais jamais sinon excessivement rarement, je n’ai acheté ce livre, présenté debout sur le bord d’une étagère au fond de la librairie de quartier parisienne Maruani, que par l’attraction forte de sa couverture verte illustrée d'un perroquet rouge, signée Kévin Deneufchatel que je vous invite à regarder dans "autres éditions" car je n’arrive pas à l’afficher avec mon avis.
Cher Siwane… Je ne suis pas là de t’oublier…)
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